Dans cette course économique internationale, la France reste trop timide. Au-delà de quelques levées de fonds emblématiques, comme Wynd (30 millions d’euros), Frichti (30 millions d’euros) et Alkemics (20 millions d’euros), les investisseurs français semblent être encore frileux dans leur ensemble à financer de manière conséquente les startups françaises. Dans la production notamment, la startup Ynsect qui produit des farines d’insectes a dû recourir à une majorité de financements étrangers pour assurer son développement. Voici donc 5 constats et propositions pour favoriser le développement d’une FoodTech made in France !
L’image de la France est associée à l’alimentation depuis le Moyen-Âge où la royauté rayonnait à travers les arts de la table. La gastronomie française, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, fait toujours briller la France à l’international. Mais bien au-delà d’un rayonnement reconnu autour de la cuisine et du vin, la qualité de la production française est aussi très porteuse. Anaïs Maury de Sopexa confirme : « Culturellement, et dans le monde entier, la France est le pays de la gastronomie et du vin. Mais aussi parce que nous sommes synonymes de qualité. Bien qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’il y ait d’article à charge contre l’industrie alimentaire, nous sommes le pays dans lequel il y a le moins d’accidents alimentaires. Quand il y a eu la crise des œufs au Danemark, les consommateurs européens ont demandé des œufs français. Quand il y a eu la crise du lait en Chine, les consommateurs ont demandé du lait français. Cette qualité est reconnue à l’international, mais pas assez exploitée par l’industrie française. Les startups françaises doivent, sans être arrogantes, jouer au maximum sur l’image de la qualité. » Comment se fait-il donc que l’écosystème ne parvienne-il pas à s’imposer comme un acteur mondialement reconnu ?
1 – Fédérer l’ensemble des acteurs autour de réseaux Foodchain structurés
Au-delà d’une démarche territoriale, il est important d’envisager la Foodchain au niveau national. La création d’un grand plan national sur la Foodtech permettrait de redistribuer les cartes et les missions sur les territoires, et de permettre plus de ponts entre les différents écosystèmes locaux. Ainsi, une démarche globalisée permettrait de structurer l’ensemble des partenaires et parties prenantes de la réussite des startups : banques, fonds d’investissement, Enseignement Supérieur, réseaux d’experts et structures d’accompagnement. Ceci a été initié par le réseau thématique Foodtech de la Frenchtech et doit être aujourd’hui encouragé et dynamisé en fédérant les acteurs au niveau national.
2 – Mettre en place des dispositifs de financements adaptés au tempo des startups de la Foodchain
Ces derniers mois, de l’Early stage au Growth capital, la chaîne de financement des startups Foodtech semble se consolider. Pour les startups du secteur, et particulièrement pour les projets industriels, le démarrage de l’activité au travers de premiers prototypes est coûteux et un manque de financement au démarrage d’un projet peut freiner ses ambitions de développement. Par ailleurs, un suivi et un fléchage des projets entrés dans la chaîne de financement permettraient plus d’efficacité. Ainsi, un projet financé dans ses premières étapes devrait être guidé vers les bons interlocuteurs de financement au fur et à mesure de ses stades de développement. Cela permettrait un véritable gain de temps, autant pour les entrepreneurs que pour les financeurs. Pour Nicolas Ferras : « Nous devons essayer de bâtir des verticales de financement thématique pour que les startups ne passent pas la moitié de leur temps à chercher des fonds, mais plutôt à déployer leur business. C’est pour cela que nous avons créé InVivo Invest en Early stage, et que nous sommes rentrés dans les fonds de capital risque Capagro et French Food Capital. Chez InVivo nous sommes aujourd’hui en capacité de proposer cette verticale de financement. »
L’écosystème de la Food est spécifique et c’est indispensable d’avoir des accompagnants qui comprennent et maîtrisent cette industrie.
3 – Développer des programmes d’accélération dédiés à la thématique
Pour Jérôme Zlatoff, référent Foodtech à Lyon, le développement de startups plus ambitieuses passe par la mise en place de programmes d’accélération dédiés : « L’écosystème de la Food est spécifique et c’est indispensable d’avoir des accompagnants qui comprennent et maîtrisent cette industrie. Par exemple, conseiller à un projet industriel agroalimentaire d’appliquer la méthodologie Lean startup cela peut être très dangereux. Les standards de l’industrie sont très différents des standards du web ! Les startups de la Foodtech ont des besoins spécifiques, notamment pour sécuriser le lancement et le développement commercial. De plus, l’exécution s’avère être un véritable challenge quotidien pour les entrepreneurs qui doivent gérer à la fois les enjeux de distribution, de pricing, de sourcing de matières premières, etc. À ce jour, il manque encore des acteurs d’accompagnement spécialisés sur la thématique. Les programmes d’accélération en aval dédiés aux startups Foodtech sont encore trop peu nombreux. Toaster Lab by Vitagora par exemple fait du très bon travail, mais un seul acteur n’est pas suffisant pour couvrir l’ensemble du territoire. »
4 – Acculturer les grands groupes et les distributeurs aux enjeux startups
Les grands groupes sont de plus en plus nombreux à envisager la collaboration avec les startups. Au travers de programmes d’openinnovation comme InVivo Quest, de studios d’innovation comme Le Studio Agro-Digital ou de pépinières d’entreprises corporate comme le groupe Nutrisens avec La marmite, les initiatives se développent. Les différences culturelles entre les corporates et les startups constituent toujours un frein majeur au développement de collaborations réussies. Pourtant, certaines enseignes ont déjà amorcé des changements en interne afin d’assouplir certains processus pour les startups. C’est notamment le cas de Système U, qui a facilité ses conditions de référencement et de paiement pour les startups. De même, le groupe InVivo, au travers de ses enseignes Gamm Vert et Frais d’Ici facilitent l’intégration des startups partenaires à leurs réseaux de distribution. Pour Dorothée Julliand, directrice adjointe de WAI chez BNP Paribas, la collaboration entre les corporate et les startups nécessite un véritable travail de pédagogie : « La transparence est l’enjeu numéro un si l’on veut que les startups et les corporate puissent travailler ensemble de manière efficace. Quand on commence une relation de collaboration, il est nécessaire de trouver un équilibre de pouvoir, un véritable partenariat gagnant-gagnant en mettant à plat les tenants, les freins et les motivations réelles de chaque partie. Un POC dure entre 3 et 6 mois, et parfois, les projets sont abandonnés en cours de route du fait de non-dits qui auraient dû être levés au commencement de la collaboration. Par exemple, la marque blanche peut être un point sensible. Il peut arriver qu’un grand groupe veuille intégrer totalement le produit/service à sa marque, alors que la startup veut absolument garder son branding afin de gagner en notoriété. La question du capital est aussi un point qui peut s’avérer bloquant. Certains corporate n’envisagent pas une véritable collaboration avec une startup s’ils ne prennent pas part au capital, alors que cela peut être rédhibitoire pour certaines startups. Notre rôle, avec nos programmes d’accélération WAI, est notamment d’aider les deux parties à définir les bons KPI dès le début pour que les enjeux de la collaboration soient partagés. Veiller à ce que la startup soit justement rétribuée est aussi indispensable. Aujourd’hui, il semblerait que les projets de collaboration menés entre les ETI et les startups soient plus fluides et successfull que ceux menés avec les grands groupes. En effet, les ETI fonctionnent encore souvent avec des ADN d’entrepreneurs, sont plus agiles et ont une culture entrepreneuriale plus forte. »
5 – Accompagner les startups à l’international via des programmes dédiés
Les startups françaises ont encore trop de mal à dépasser les frontières commerciales. Les projets Foodtech sont encore trop liés aux territoires, et pour gagner en ambition, les startups ont besoin d’être accompagnées à l’international par des programmes dédiés. L’alimentation est un enjeu mondial, et les startups françaises doivent prendre conscience du potentiel de la French Food Touch. Le programme AgriNEST organisé par Business France permet à six startups de l’Agtech d’être accompagnées sur le marché américain. Plug and play, un acteur privé de l’accompagnement américain, travaille actuellement à la création d’un programme mondial d’accélération dédié aux Foodtech. Renforcer cette brique semble primordial afin de développer des startups françaises leaders sur la scène internationale.
Vous pouvez retrouver plus d’information sur les tendances de la FoodTech, les missions de chacun des acteurs et des avis d’experts dans le Livre Blanc « Accélérons les projets de la FoodChain » disponible sur le site d’InVivo, premier groupe coopératif agricole de France.