On connaît tous 1001pharmacies.com… la marketplace de produits pharmaceutiques, qui casse les codes de l’industrie depuis maintenant 3 ans. Après plusieurs belles levées de fonds, la société a annoncé le mois dernier une nouvelle levée de fonds de 8 millions d’euros. Parmi les investisseurs, on compte des Business Angels reconnus comme Xavier Niel, Pierre Kosciusko-Morizet, ou encore Olivier Mathiot, mais aussi de prestigieux fonds d’investissements comme Newfund, ou CM-CICCapital privé.
Cédric O’Neill est le co-fondateur de 1001 pharmacies a su convaincre parmi les plus grandes personnalités de l’entrepreneuriat.
Au bout de quelques minutes avec Cedric au téléphone, on comprend tout de suite qu’il n’a eu aucun mal à utiliser la persuasion dans sa quête de financement. Excellent communiquant, d’une grande vivacité d’esprit, ses propos sont toujours très inspirants. Vous imaginez bien qu’on n’allait pas garder ça pour nous, alors 1001startups vous délivre aujourd’hui les conseils de Cédric, qui vous seront certainement précieux si vous envisagez de lever des fonds dans le futur !
Comment fait-on pour aller chercher des financements ?
Je pense qu’il n’y a pas une seule manière de faire les choses… Nous concernant, nous avons effectué un premier tour de table avec une multitude de Business Angels que nous avions préalablement ciblés. Nous souhaitions faire rentrer des personnalités, et nous avons été soutenu dès le premier tour par Olivier Mathiot de Price Minister. Olivier possède un grand réseau, qu’il a mis à notre disposition. Comme le réseau est très important lorsque l’on cherche à lever, nous avons également rejoint The Family, qui nous a beaucoup aidé sur les mises en relation quand nous avons décidé de repartir en levée de fonds. Le réseau est à mon sens le meilleur moyen d’approche des investisseurs, mais après le premier contact, on doit être capable de prendre le relais et de convaincre.
Comment s’est faite la première approche avec les nouveaux investisseurs ?
Lors du premier mail de contact, nous avons envoyé nos metrics, nos chiffres, notre pitch deck, et toute notre exécution depuis deux ans. On a voulu être rassurant en leur montrant d’abord qu’on était solide pour ensuite pourvoir leur expliquer en tête à tête nos projets pour l’avenir. Pour chiffrer, nous avons contacté 45 personnes, j’ai eu 30 premiers rendez-vous (20 physiques et 10 téléphoniques) pour ensuite obtenir 20 seconds rendez-vous. Petit à petit la liste s’est réduite pour arriver à une petite liste de 5 investisseurs intéressés.
Comment avez-vous géré le premier rendez-vous ?
Nous avons choisi de ne pas dérouler un pitch… Nous avons essayé de créer quelque chose de plus informel avec un jeu de questions réponses très simples. Nous avons choisi cette approche car une présentation plus informelle positionne l’entreprise différemment vis-à-vis des investisseurs. Cela fait passer le message qu’on est confiant sur la levée de fonds, parce que l’on a des supers chiffres,… En gros, ça leur dit « si vous n’investissez pas chez nous, c’est pas très grave, on ira voir ailleurs« . Il faut être confiant!
Quelle relation entretenez-vous avec vos investisseurs ?
Je dirai qu’il n’y a pas de relation type, avec certains on prend le petit-déjeuner en se tapant dans le dos en rigolant, avec d’autres c’est plus formel. Ça dépend de l’âge, de la personnalité de chacun, et de l’enjeu financier. Ces liens ne sont jamais les mêmes, puisque chaque investisseur attend quelque chose de différent, selon ses expériences ou ses intentions. Cela force à ajuster le discours à chaque fois, donc d’entretenir une relation différente avec chaque investisseur. C’est un véritable exercice de style.
Après, c’est évident que quand tu n’as pas des supers chiffres, la relation se crispe plus… Mais dans chacune des relations avec mes investisseurs, j’ai essayé de jouer avec l’affect, pour que 1001 Pharmacies ne soit pas un dossier de plus sur la table… Une start-up c’est surtout de l’humain derrière. Il faut savoir qu’au-delà du dossier, les investisseurs parient souvent plus sur les hommes que sur les chiffres… Le pari de l’investisseur c’est de se dire que si le modèle de la start-up n’est pas le bon, l’entrepreneur sera capable de redresser, d’expérimenter, de pivoter… Il investit avant tout dans les entrepreneurs et leur capacité à diriger l’entreprise vers le succès.
Quand avez-vous senti que c’était le bon moment pour aller lever des fonds ?
Lorsque l’on a déjà levé, on est essentiellement jugé sur notre capacité à dépenser correctement une somme importante dans un délai court. Ce qui signifie qu’en allant chercher à nouveau des fonds, tout devait être mis en place pour que le nouvel investissement permette une accélération rapide. On n’aurait probablement pas réussi à lever 8 millions si nous avions dû mettre en place tous les process, recruter l’équipe… C’est une course, parce que derrière l’investisseur souhaite récupérer son argent avec un multiple.
Comment / Pourquoi s’être arrêté sur le chiffre de 8 millions ?
Avant chaque levée, on doit avoir une fourchette en tête. Pour cette levée, elle était de 6 à 10 millions d’euros. L’exécution du plan de développement coûtait 4 millions, et on a joué la transparence avec les investisseurs en leur disant qu’ils savaient bien que ça ne se passe jamais comme prévu… Et que pour être en mesure de réellement exécuter le plan initial, nous avions besoin d’au minimum 6 millions. Pour la dilution, on avait aussi une fourchette de 20 à 30%.
Du côté de l’’investisseur, la valorisation postmoney lui permet de comparer le business avec d’autres références (pour nous en l’occurrence d’autres marketplace). Vient s’ajouter à cette comparaison le potentiel de l’équipe, de la startup et son calcul de retour sur investissement.
Comment s’est passé le closing ?
On a reçu les lettres d’intention deux mois après les premiers rendez-vous. J’ai envoyé les premiers mails fin-janvier, les rendez vous se sont déroulés entre Février et Mars, fin mars j’avais les lettres d’intention, puis début Avril nous avions pris une décision.
Il a ensuite fallu 3 mois pour finaliser les accords, avec notamment l’audit, la négociation du pacte d’actionnaire, la mise en place du juridique, et tout le reste de l’administratif.
On a eu la chance de recevoir plusieurs lettres d’intention, ce qui nous a permis de faire jouer la concurrence entre les investisseurs. De parfois refuser un investissement parce qu’un autre investisseur nous propose des conditions plus avantageuses. La gestion du closing représente pour moi la partie la plus difficile d’une levée de fonds. Il faut faire en sorte que tout le monde aille à la même vitesse, pour avoir les lettres d’intention au même moment : cela permet d’obtenir une réelle force de négociation pour l’offre finale. Il faut être capable d’imposer son allure, pour toujours garder le contrôle. La pire configuration pour l’entrepreneur est lorsque tu as une proposition d’investissement que tu dois accepter ou refuser dans un court délai, alors que tu n’as pas encore reçu les autres lettres d’intention.
Pour nous accompagner dans cette levée, on s’est entouré d’un excellent avocat spécialisé dans la levée, ainsi qu’un directeur financier externe qui nous a organisé les chiffres pour être facilement compréhensible.
Quels conseils donnerais-tu aux entrepreneurs qui souhaitent lever des fonds ?
L’investisseur achète l’histoire que vous leur racontez, et comme tout produit, il y a un vrai processus marketing à avoir. De la première impression à l’accord final, vous devez avoir prévu et travaillé votre discours. Nous avons par exemple fait appel à un graphiste pour réaliser toutes nos slides de présentation. Tout ce que vous dites, écrivez, envoyez… est une part de votre levée.
Je conseille aussi de bosser sur les questions et les réponses des investisseurs. Beaucoup d’entrepreneurs ont un pitch super, mais tout s’effondre lors de la session de question / réponse. Selon moi, ce travail préparatoire est aussi voir plus important que celui du pitch.
Il faut être capable d’être confiant et serein dans sa levée et de le montrer, sans être arrogant. Si vous vous positionnez d’emblée en situation de faiblesse, cela ne va pas jouer en votre faveur.
Enfin, soyez stratégique dans la gestion de vos rendez-vous investisseur: au fur et à mesure de vos rendez-vous, vous allez vous améliorer. Donc placez les rendez-vous avec les investisseurs qui vous intéressent le plus à la fin. Et surtout, ne surbookez pas vos journées de rendez-vous. Il m’est arrivé de faire quatre rendez-vous de deux heures dans une même journée. C’était clairement une erreur, car on n’a plus autant d’énergie et on perd grandement en impact. La levée de fonds, c’est physique!