Jimini’s est une startup agroalimentaire de la Foodtech créée fin 2012 par Clément Scellier et Bastien Rabastens. Son but est d’intégrer progressivement la protéine d’insectes dans notre alimentation quotidienne afin d’offrir une alternative à faible impact environnemental et à forte valeur nutritive, aux sources traditionnelles de protéines. L’entreprise développe et commercialise 3 types de produits : des insectes entiers assaisonnés ou nature, pour l’apéritif ou la cuisine, des barres protéinées enrichies à la poudre d’insectes entiers, et à partir de Mars, une gamme de pâtes également enrichies. Jimini’s opère sur le marché français, belge, néerlandais et anglais et compte une quinzaine de « fourmis » dans ses rangs. Le secteur des insectes comestibles est particulièrement dynamique avec plus d’une dizaine de créations d’entreprises par an dans le monde depuis 2011. Aujourd’hui leader sur le marché Français, Jimini’s ambitionne de devenir la marque européenne de référence sur ce secteur dans les prochaines années. Rencontre avec ses fondateurs pour aborder la stratégie et la levée de fonds de Jimini’s.
D’où vient cette idée de Jimini’s ?
Notre alimentation occidentale est aujourd’hui principalement basée sur la consommation de protéines carnées et laitières. Leur production nécessite des quantités importantes d’eau et de nourriture, or pour répondre à l’augmentation démographique annoncée (9 milliard d’être humains en 2050 selon la FAO), il faudrait que nous puissions doubler la production actuelle de protéines, ce qui ne sera pas possible car nous surexploitons déjà les ressources à notre disposition. C’est après avoir découvert les insectes comestibles dans une émission de téléréalité que nous avons décidé de créer Jimini’s afin de permettre au plus grand nombre de profiter de cette nouvelle source de protéines durable et responsable.
Comment s’est passé le lancement ? Des difficultés à vendre des insectes en France ?
La production de produits à base d’insectes n’est pas vraiment différente celle d’autres produits agroalimentaires. Il a fallu commencer par monter un atelier respectant les normes pratiquées en agroalimentaire, formuler des produits adaptés aux palais français et européens, développer des process de production, traçabilité et contrôle qualité… Cette première phase n’a pas posé de problème particulier, nous avons été accompagnés par le CERVIA et la BPI qui ont financé une partie de la R&D engendrée. La commercialisation a ensuite rapidement démarré. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la principale difficulté sur le marché français n’est pas de trouver des clients : dès le début nous avons réussi à installer Jimini’s dans les points de vente que nous ciblions : les grands magasins et épiceries fines. Le principal frein à notre développement sur le marché européen reste une réglementation floue qui place les insectes dans un vide juridique. Afin d’obtenir une réglementation propre à ce nouveau marché, nous nous sommes réunis avec d’autres entreprises leaders du secteur, pour former une association interprofessionnelle agissant à l’échelle européenne : l’IPIFF. De nombreux pays légifèrent et règlementent déjà la commercialisation d’insectes comestibles, la Belgique, l’Angleterre, les Pays-Bas… Le dernier en date, la Suisse, permettra la commercialisation de 3 espèces d’insectes sous toutes leurs formes dès le 1er Mai 2017. Plutôt encourageant pour la suite !
Comment les gens réagissent-ils ?
Les réactions sont aussi diverses qu’il y a de consommateurs, mais dans l’immense majorité des cas, nos clients sont agréablement surpris par nos produits, que cela soit pour notre gamme d’insectes entiers assaisonnés ou pour nos produits à base de poudre d’insectes entiers. Nous donner beaucoup d’importance à l’expérience client : les insectes apéritifs ont une dimension ludique et expérientielle que l’on ne retrouvera dans aucune chips ou cacahuète. Quant aux qualités nutritionnelles, elles sont au rendez-vous, avec des produits à haute teneur en protéines et des apports limités en graisse et sucre. Quant à nos barres et barres protéinées, elles sont fabriquées à partir d’ingrédients biologiques certifiés, à l’exception de la poudre d’insectes qui n’est pas encore certifiable en Europe.
Quel est le business model de Jimini’s ? Ce BM là, nécessite-t-il obligatoirement la levée de fonds ?
N’importe quelle entreprise évoluant dans le secteur de l’agroalimentaire a de forts besoins en capitaux : il faut financer l’outil de production, la mise aux normes, les stocks, la main d’œuvre, la R&D, le déploiement commercial et les efforts en communication et marketing pour être visibles. Nous avons su appréhender le marché en réalisant des économies à tous les niveaux et en faisant preuve de beaucoup d’agilité. Nous explorons plusieurs marchés différents et continuons d’investir une grande partie de nos revenus dans le développement de nouveaux produits et marchés. L’arrivée de clients de plus en plus importants nécessite également d’avoir une trésorerie solide et une équipe de plus en plus performante. La levée de fonds n’est pas une étape obligatoire, néanmoins elle nous permettra d’accélérer et de maintenir notre leadership face à l’entrée d’un nombre de plus en plus important d’acteurs sur le marché.
Vous levez 1M ? Quels sont les objectifs ?
Cette levée de fonds auprès du fond du Compte de l’Innovation et de la BPI a deux objectifs : accélérer notre développement à l’export, notamment en Angleterre et en Suisse, et investir dans le développement d’une nouvelle gamme de produits de substitution aux bases protéinées actuellement consommées (protéines carnées, végétales etc.). Notre but n’est pas de remplacer la viande, mais d’apporter une offre complémentaire, durable et qualitative sur le plan nutritionnel.
La levée à ses côtés sombres. La relation avec les actionnaires se passe-t-elle bien ? Vous avez des anecdotes sur la levée ? Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui veulent lever des fonds ?
La relation avec nos investisseurs est avant tout basée sur une confiance mutuelle et une compréhension des enjeux du marché. Jimini’s n’est pas une entreprise basée sur un marché établi, l’ensemble de l’industrie, du producteur au transformateur, en passant par les revendeurs est en cours développement. Nos investisseurs savent que le marché prendra du temps à se développer, à l’instar du marché du sushi qui a mis une quinzaine d’années à percer. Nous ne sommes pas pressés et il faut rester prudent : le pire qui pourrait arriver à notre activité serait un effet de mode qui noierait le message de durabilité que nous portons.
Vous êtes positionné sur de l’achat « fun » ,est-ce difficile de fidéliser la clientèle ? Pour une startup ?
L’achat ludique et expérientiel était la première étape de notre plan à moyen terme. Nous travaillons sur « l’alimentarisation » de l’insecte pour les occidentaux. Contrairement à nos concurrents américains, nous avons souhaité conserver la forme de l’insecte dans un premier temps, afin de casser les tabous et dédramatiser : oui vous mangez un insecte, vous n’avez pas l’habitude, mais c’est bon pour vous et maintenant que vous avez fait votre première fois, il sera beaucoup plus simple de recommencer avec d’autres produits à base d’insectes entiers ou non.
La fidélisation est un point crucial de notre activité : une marque sympa et ludique, des produits simples d’accès et originaux et une écoute de notre communauté. Nos clients sont en général fidèles à notre marque et nos concurrents directs s’inspirent très largement de notre communication, ce qui nous pousse à innover constamment. La fidélisation passe également par le développement de nouveaux produits plus faciles d’accès : ainsi nos barres protéinées rencontrent un grand succès sur les marchés dans lesquels elles sont implantées.
L’international ? Pensez global, est-ce une question de survie pour une startup ?
Même si notre marché est en plein développement, il restera une niche dans le domaine de l’agroalimentaire pendant encore quelques années avant de pouvoir être comparé aux autres grands secteurs de la protéine. Générer de la croissance implique donc d’étendre géographiquement notre activité. Cela a pour conséquence d’augmenter la taille de notre marché cible, mais aussi d’étendre la notoriété de notre marque et le savoir-faire français en matière d’agroalimentaire.
Combien de collaborateurs êtes-vous ? Que diriez-vous aux entrepreneurs qui ont peur d’embaucher ? Avec la nouvelle levée, vous allez devoir aussi recruter. Quels types de profils seront recherchés ?
Nous sommes 15 collaborateurs, répartis sur 3 sites : nos bureaux commerciaux à Montreuil, notre Atelier de production à Melun et un bureau à Londres. Pour ce qui est des freins à l’embauche, n’ayez pas peur. La peur la plus fréquente et liée à la peur de déléguer quelque chose qui nous parait stratégique. Or on n’est jamais le meilleur partout, il faut juste savoir s’entourer des bonnes personnes. La motivation des collaborateurs est d’ailleurs un critère de sélection très important. Dans des petites structures nous avons besoin de 100%, voire 200%, d’investissement de la part des nouveaux arrivants.
Nous avons déjà une équipe bien formée et l’embauche n’est pas au cœur de notre stratégie. Nous allons cependant intégrer quelques nouveaux profils en R&D et commercial à l’export.
En chiffres aujourd’hui, Jimini’s ?
JIMINI’S c’est 15 fourmis à temps plein, 4 années d’existence, plus de 250 000 boîtes vendues, 1 million de personnes ayant testé nos insectes, 4 insectes élevés en Europe, une vingtaine de produits, 50000km parcourus à travers l’Europe, 4 saveurs de barres à la farine de grillons, 27 #ApéroJIMINI’S, plus de 600 productions, 4589 blagues nulles au bureau, Bref que du bonheur !
L’ambition de Jimini’s en une phrase ?
JIMINI’S a pour mission d’intégrer les insectes dans l’alimentation quotidienne des européens afin de leur faire profiter de leurs avantages nutritionnels et environnementaux. Si nous pouvions convaincre vos lecteurs de sauter le pas, cela sera un bon début !
Quand considérez-vous que les insectes sont inscrits dans les moeurs alimentaires ?
Nous sommes plutôt réalistes sur la question. Il faudra quelques années pour que les insectes intègrent complètement nos mœurs occidentales. Il a en effet fallu une bonne quinzaine d’années pour faire manger du poisson cru (sushis) aux européens. Pour les insectes, nous pensons que cela arrivera quand à midi on se posera tous la question : Je mange quoi aujourd’hui, du poisson, des insectes ou un steak ? À ce moment-là, nous aurons gagné notre pari. C’est d’ailleurs pour cela que nous investissons sans cesse en R&D, nous développons des produits simples à intégrer dans notre alimentation quotidienne pour à terme, permettre à nos clients de remplacer une partie de leurs apports en protéines traditionnelles par des protéines d’insectes.
Plutôt criquets ou vers ?
Criquets et à la Grecque s’il vous plait !