Créée à Lyon en 2011, Fill Up Média est une régie publicitaire et le 1er réseau français d’affichage digital sur distributeurs de carburant. La société propose une offre globale, de l’installation des écrans, jusqu’à la commercialisation des espaces publicitaires, en passant par la création des contenus. Média de proximité incontournable, Fill Up Média déploie plus de 3 700 écrans dans 700 stations à travers la France et touche 4,6 millions d’automobilistes en moyenne par semaine. La société emploie 10 collaborateurs et a réalisé un chiffre d’affaires de 680 000€ en 2016. Rencontre avec Manuel Berlant, CEO de la startup.
D’où vient cette idée de mettre des écrans publicitaires dans les stations essence ?
En 2005, j’étais étudiant en Master 1 et j’ai commencé à me passionner pour la publicité et son efficacité. Je voulais faire un master 2 entrepreneuriat, mais il me fallait une idée de création et je cherchais donc une idée autour de la publicité, et en faisant le plein d’essence dans la voiture de ma mère, je me suis rendu compte que l’on était totalement disponible. À la fin de l’année, le jury final trouve l’idée géniale, mais me dit que « la France n’est pas prête ». Donc on a décidé d’attendre. J’ai trouvé un job, mais c’était mon fil rouge, parce que je savais que ça marcherait. On a décidé de se lancer en 2011, 5 ans après l’idée. On est quatre cofondateurs, depuis le départ Julien Rabin, Quentin Michetti et Aurélien Grillot m’accompagnent dans cette aventure.
Vous avez donc eu le temps d’affiner le modèle pendant cette période ?
Oui, nous avons pu réfléchir et mettre un point un modèle très simple. On fournit, installe et entretient les écrans gratuitement sur les distributeurs d’essence. L’enseigne accepte, car cela ne lui coute rien et nous lui garantissons 1/3 du temps de parole de la boucle publicitaire. Ensuite, on fonctionne comme une régie publicitaire, donc on permet à des annonceurs locaux de communiquer sur une cible disponible.
Les contrats que vous signez sont de longue durée, 6 ans pour Carrefour, est-ce un point que les investisseurs regardent attentivement pour évaluer votre pérennité ?
En toute honnêteté, nous avons peu de barrières à l’entrée, donc c’est impératif pour nous. Comme ça ne coute rien à l’enseigne, elle accepte de mettre en place des contrats longue durée qui assurent la continuité du service. Pour nous c’est aussi un moyen d’avoir un retour sur investissement correct. En dessous de 6 ans, nous aurions du mal à rentabiliser l’installation de l’écran. Ces contrats longue durée sont notre meilleure protection et un élément qui garantit la pérennité de notre modèle.
Quels sont les retours des personnes touchées par vos écrans ? Personnellement quand j’ai vu l’écran la première fois je me suis dit « mais c’est tellement logique » de mettre de la publicité ici…
Vous n’êtes pas le premier à nous dire ça. Les gens trouvent ça logique, et comme on ne dénature pas le paysage cela ne les dérange pas, au contraire. On a fait tout un tas de testing. On obtient une mémorisation spontanée importante. Quand on interroge les personnes qui ont faits leur plein, 23% d’entre eux sont capables de citer une ou deux marques des vidéos diffusées. On monte à 43% en mémorisation assistée. C’est-à-dire que l’on va demander s’il y avait telle marque ou telle marque dans les publicités.
La levée c’est comme la victoire aux présidentielles, mais le plus difficile ce n’est pas de gagner, c’est de faire un bon mandat derrière !
Et en termes de conversion, avez-vous des chiffres ?
On a un taux de 25% de conversion quand on fait des offres du type : « 5 euros en bon d’achat dès 40€ d’essence. » C’est un taux énorme, ce qui conforte notre positionnement de régie publicitaire locale, car les automobilistes qui font le plein n’hésitent pas à passer rapidement à l’acte.
Aujourd’hui, nos écrans sont dans plus 50 hypermarchés Carrefour, il y a 80% de retours positifs, car les annonceurs sont locaux. Entre 10 et 15% des clients sont indifférents à la publicité et entre 2 et 5% trouvent que cela n’est pas acceptable.
Vous avez levé 1 million, puis aujourd’hui vous annoncez 5,6 millions d’euros. Quels sont les principaux postes de dépenses de votre startup ?
L’objectif est de financer l’acquisition de nouveaux réseaux de grande distribution. Il faut aussi structurer l’équipe et financer la croissance en BFR. On est passé de 10 à 20 personnes. Mais nous sommes toujours dans une logique de nous adresser aux têtes de réseaux qui nous permettent de signer directement des dizaines de points de distribution.
De manière globale, je dirai que la levée de fonds n’est qu’un début. Quand je parle de ça, je fais souvent le parallèle avec l’élection présidentielle. La levée c’est comme la victoire aux présidentielles, mais le plus difficile ce n’est pas de gagner, c’est de faire un bon mandat derrière ! Avec cette levée, nous avons pour ambition un chiffre d’affaires entre 4 et 5 millions en 2018. Pour 2017, nous allons faire 1,2 million d’euros, soit presque le double de l’année passée.
Quels conseils pourriez-vous donner à une startup qui s’adresse aux chaines de grandes distributions ?
Il faut leur proposer une réponse à un problème. Mais surtout ne jamais rien lâcher, car très très long. On a eu beaucoup de portes fermées. Rien que de parvenir à l’idée d’avoir un pilote c’est très difficile. Nous avons toujours voulu passer en direct, nous n’avons pas participé à des concours ou à des tremplins dans lesquels il y a la promesse d’un POC. Mais je ne compte plus les mails de relance.
Cela fait 6 ans que l’entreprise est créée. Quelle a été votre plus grande difficulté jusque là ?
Assez paradoxalement, convaincre les têtes de réseaux et les annonceurs n’a pas été trop compliqué. En revanche, trouver des industriels sérieux pour assurer la production de notre écran et les délais… Trouver les partenaires hardware performants c’est très complexe. On a connu quelques sérieux revers au début donc nous avons fait le choix de ne travailler qu’avec des entreprises à proximité pour produire et faire progresser notre produit.
À l’inverse votre plus grande réussite ?
D’avoir fait en sorte qu’un média qui n’existait pas se transforme en média de proximité reconnu et avec de la conversion pour nos annonceurs. Je pense aussi que de voir la croissance de 4 à 20 personnes et de voir nos collaborateurs défendre nos couleurs et nos valeurs me rendra toujours très fier.
Quelles sont les prochaines grandes étapes de Fill Up Média ?
En priorité, grossir en termes de chiffre d’affaires et suivre le chemin de la rentabilité. Nous souhaitons conquérir deux autres réseaux dans l’année et nous lancer à l’international d’ici 24 à 36 mois. Nous avons la chance d’avoir levé suffisamment pour être parés pour financer les prochaines croissances. On espère ne plus avoir besoin de lever.
Le CEO de Matooma, Frédéric Salles, disait récemment que la transformation en PME était une clé de la réussite et du développement des startups. Partagez-vous cet avis ?
Il a raison, quand on est une startup les levées de fonds du départ sont stratégiques, ensuite une fois que le produit a trouvé son marché, il est question d’agrandir la clientèle et la zone de volume d’affaires. Pour cela, l’auto financement est suffisant. Maintenant, je ne ferme pas la porte, si demain j’ai une super opportunité à l’étranger, ou une possibilité de croissance verticale, pourquoi pas ne pas faire appel à un financement externe.
Dernière question, qu’est-ce qui empêche les réseaux de distribution de carburant de développer leurs propres écrans ?
Rien. En effet, nous n’avons pas de concurrence aujourd’hui. Mais aller chercher les réseaux et trouver les annonceurs n’est pas une tâche aisée. Si nous avons mis 5 ans à séduire un réseau, ce n’est pas anodin. En vérité, pour les réseaux de distribution c’est une aubaine, puisqu’ils préfèrent accueillir un nouveau service à moindre coût et récupérer une rémunération complémentaire à base de commissions que de développer tout ça.