Le marché des paiements est très dynamique en France, porté par de nombreuses fintech innovantes qui parviennent à trouver leur modèle économique et construire rapidement une communauté de clients autour d’usages spécifiques qui vont les caractériser. La dernière levée de fonds de Lydia pour conquérir le marché européen s’inscrit parfaitement dans cette logique et dans le contexte enthousiaste qui entoure la French Tech (358 millions d’euros levés en janvier 2018 par les startups françaises). Pour 1001startups, Éric Lassus, directeur Général et co-fondateur de Treezor, la startup française spécialisée dans l’open banking qui a déjà participé au lancement et développement de plusieurs fintech Françaises : Qonto, Lunchr, Lydia, revient sur l’explosion des fintechs, la crainte des banques et la révolution intelligence artificielle.
Les banques doivent-elles craindre les startups ? Un N26 français est-ce envisageable ?
Les banques couvrent de très nombreux métiers de la Finance, elles continuent de dégager des bénéfices importants et disposent d’une grande puissance financière.
Il me semble que l’enjeu pour les banques est davantage de s’adapter à la digitalisation du secteur financier que de lutter contre la concurrence, d’ailleurs très saine, des startups, même si elles ne doivent pas la négliger.
On voit également fleurir de nombreuses initiatives au sein des banques pour nouer des partenariats stratégiques avec des startups, ce qui est très positif. Ces coopérations permettent d’accélérer rapidement l’innovation côté produit et services. Un N26 français est bien entendu envisageable et pourrait émerger dans les 12 prochains mois. Nous collaborons avec des très belles fintechs qui en ont le potentiel.
L’open Banking c’est quoi ?
L’open banking a été introduit par la DSP2 sur les services de paiement et redonne au client la maîtrise de ses données. Elle contraint ainsi les banques d’ouvrir leurs systèmes d’informations pour partager une partie des données à leur disposition avec d’autres entreprises.
L’ouverture des API est une très bonne nouvelle pour les fintechs qui vont proposer de nouveaux services pertinents aux utilisateurs, mais présente probablement un risque pour les banques de perdre une partie de la relation client.
L’intelligence artificielle dans la banque, problème ou solution ?
Comme l’ont montré plusieurs études, l’intelligence artificielle est à l’origine de bouleversements technologiques profonds dans un large spectre d’activités, et elle est en passe de devenir omniprésente dans un futur proche. Le machine learning permet d’exploiter des données récoltées afin d’entraîner des algorithmes d’intelligence artificielle à effectuer des tâches complexes. Chez Treezor, nous partageons l’enthousiasme suscité par ces techniques innovantes, notamment pour l’analyse de données, la productivité, et l’expérience client. Dans ce cadre, nous disposons d’une équipe dédiée à l’innovation qui s’appuie sur le machine learning pour améliorer le parcours client des utilisateurs et renforcer la lutte contre la fraude.
« Un N26 français est bien entendu envisageable et pourrait émerger dans les 12 prochains mois. »
Nous développons des solutions de reconnaissance, lecture et analyse automatique de documents pour augmenter la capacité, l’efficacité et la fiabilité de nos traitements KYC. Nous appliquons également l’intelligence artificielle à l’analyse massive des flux, en particulier à des fins de détection de cas de fraude qui passeraient inaperçues aux yeux des opérateurs humains.
Pourquoi les fintechs explosent-elles ?
Les fintech sont bien financées et possèdent des équipes de qualité qui mélangent souvent des jeunes talents qui maîtrisent parfaitement l’environnement digital avec des entrepreneurs expérimentés.
Elles ont une capacité d’innovation, une agilité et une rapidité d’exécution impressionnantes. Elles sont « Client Centric » et répondent aux attentes des particuliers / entreprises en proposant des interfaces très ergonomiques, des offres simples et un parcours utilisateur vraiment fluide.
En quoi cette nouvelle concurrence pour les banques est-elle bonne pour les clients ?
Il y a une émulation positive entre Banques et Startups qui profitent aux clients en bénéficiant de services innovants, notamment autour de la data, des produits plus aboutis et des prix compétitifs.
Vous avez cofondé Treezor, une startup française spécialisée dans l’open banking, comment avez-vous eu cette idée ?
Les fondateurs de Treezor, experts du secteur bancaire, ont recherché pour leur précédent projet de Fintech (première cagnotte en ligne en 2005), une société française capable de les accompagner sur la partie réglementaire et de fournir divers services de paiement, et notamment l’émission de cartes.
Ils ont rapidement identifié qu’aucune plateforme ne répondait à l’ensemble de leurs besoins et que le marché des paiements entrait dans une profonde transformation, portée par la digitalisation, l’émergence de startups et les nouvelles attentes des consommateurs/entreprises.
Ils se sont alors rapprochés d’une société d’investissement pour monter le projet Treezor. Une plateforme de paiement agréée qui permet d’accélérer le Time-to-Market des fintechs via une procédure réglementaire simplifiée, tout en bénéficiant de prix très compétitifs grâce à la mutualisation des coûts.
Pouvez-vous nous expliquer le concept « Bank-as-a-Service » ?
Le concept « as-a-service » se décline dans de nombreux domaines actuellement, mais l’idée est toujours la même, fournir des services (dans notre cas Bancaire) à la carte.
Ce nouveau modèle « à la demande », apporte beaucoup de flexibilité aux entreprises et permet d’ouvrir plus facilement le marché aux startups, et donc favorise l’innovation.
Plusieurs sociétés proposent du BaaS, mais chaque plateforme a ses propres spécificités. Treezor, nativement API, dispose d’un socle fonctionnel très large capable de gérer du sur-mesure, couvrant toute la chaîne des paiements (en acquisition et en émission).
Comment Treezor se positionne-t-elle par rapport à des services comme Lunchr ou Lydia ?
Treezor est aujourd’hui perçue comme la fintech des fintech. Nous disposons de plusieurs fintech dans notre portefeuille de clients, telles que Lunchr et Lydia, qui sont en effet deux très belles références.
Lunchr nous a rejoints récemment et Lydia nous a fait confiance dès le démarrage de notre activité.
Le modèle de Treezor est de fournir des services de paiement en marque « blanche », donc nous restons volontairement discrets, mais Treezor, en tant que membre principal Mastercard, est notamment l’émetteur de ces cartes. Ces projets sont une fierté pour Treezor car ils comportent une forte complexité fonctionnelle que nous avons su appréhender pour répondre à leurs besoins. Nous sommes des partenaires engagés et notre souhait est de les accompagner le plus loin possible dans l’innovation de leurs produits pour améliorer l’expérience client. Le paiement carte via Apple Pay pour Lydia est à ce titre un bon exemple de nos réalisations.
Quel est l’avenir de Treezor ?
Treezor est une jeune startup puisque nous commercialisons notre offre depuis l’été 2016, donc la première étape est de consolider notre activité sur le marché français. Nos premiers résultats ont dépassé nos objectifs, puisqu’en 2017, nous avons géré plus de 250 millions d’euros de flux et émis près de 100 000 cartes de paiement.
Notre dynamique actuelle est très forte, et les transactions opérées par la plateforme augmentent de manière exponentielle. Au rythme actuel, nos projections de flux pour 2018 s’élèvent à 1,5 milliard d’euros.
Nous avons de nombreux projets de développement pour offrir toujours plus de services sur la plateforme, et notre ambition est d’être un acteur majeur du paiement en Europe.