16,3 millions. C’est le montant investi par Clermont Auvergne Métropole dans le nouveau bâtiment « Totem » qui se veut être le lieu de rassemblement de toutes les startups du territoire. Dans cette ville où l’économie du numérique génère un quart de la croissance, l’innovation est au coeur de la politique économique et les défis sont nombreux. Comment exister dans une région aux côtés de Lyon et Grenoble ? Comment séduire les startups ? Comment proposer des conditions d’accompagnement pouvant concurrencer Paris ?
Startup en province, oui c’est possible !
« Nous cherchions une structure pour nous accompagner. Nous avions besoin de conseil et de challenge, nous avons postulé à la première promotion du Bivouac et tout s’est fait très vite. Nous voulions un lieu de vie agréable et en adéquation avec nos attentes. Nous l’avons trouvé à Clermont, » raconte Aurore Thibaud, CEO de Laou, une startup qui favorise le recrutement de profils techniques pour les entreprises de province. Si son associée est repartie sur Paris, Aurore n’échangerait son bureau pour rien au monde. « On travaille aujourd’hui avec plus de 10 entreprises en Auvergne-Rhône-Alpes, elles ont de réelles difficultés à attirer les talents qui sont concentrés en Île-de-France. En venant en Province, nous avons ouvert notre champ des possibles. 43% des entreprises du numérique en Auvergne-Rhône-Alpes ont au moins un poste IT non pourvu l’année dernière, nous avons donc fait évoluer notre modèle pour répondre à ce besoin, » précise-t-elle. Au-delà des opportunités, la ville a su créer une dynamique forte autour du numérique.
« L’écosystème est très concentré ce qui permet de rencontrer très rapidement tous les acteurs du numérique, raconte Émilie Duval, Office Manager d’Auditien, une solution d’e-learning pour les professionnels de l’audition. On est chouchouté au Bivouac, c’est comme une grande famille. Cette ambiance favorise les connexions. » Une surprise ? Pas vraiment pour ceux qui connaissent les lieux, malgré l’image d’une ville vieillissante et sombre totalement infondée puisqu’elle est la quinzième ville la plus ensoleillée de France, Clermont fait preuve de dynamisme et de jeunesse.
L’accompagnement au coeur de la stratégie du territoire
Le 21 juin dernier, au Polydome de Clermont, était organisé le DemoCamp du Bivouac, l’accélérateur de startups de la métropole. Né en 2016, le Bivouac est le fruit d’un partenariat public / privé, où 2 acteurs publics et 9 acteurs privés se sont engagés pour l’attractivité afin de permettre le rayonnement et l’excellence des startups. « Créer une structure privée/publique était une volonté assumée, nous avons échangé avec les acteurs de la région comme Michelin, Limagrain et le groupe La Montagne qui réfléchissaient pour s’engager auprès des entreprises du numérique, nous avons donc acté cette volonté avec la création d’un Groupement d’intérêt public pour 3 ans, » explique Jérôme Auslender, Vice-Président du Bivouac, Adjoint au Maire de Clermont-Ferrand à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche, aux Relations internationales, et au Développement numérique. Clermont Auvergne Métropole et la Région Auvergne-Rhône-Alpes ont financé Le Bivouac à hauteur de 500 000 euros par an chacun pendant trois ans. « Les industriels locaux ont été sollicités pour apporter leurs compétences aux startups accompagnées. Ils se sont engagés à verser 10 000 euros par an à la structure, mais ce n’est pas l’objectif recherché. Quand Michelin amène avec lui trois startups du Bivouac à Tel-Aviv ou à VivaTech, ça a bien plus de valeur. »
« Nous avons travaillé sur une spécialisation du secteur, car c’est le moyen d’attirer des startups et d’être performant dans notre accompagnement, » poursuit-il. Le tissu économique historique et les acteurs présents rendent logique le choix de la mobilité. L’avènement de cette spécialisation arrive en 2016 avec la labellisation Frenchtech. La candidature de Clermont Communauté, portée par Le Bivouac a été retenue sur la thématique du numérique au service des mobilités, rattaché au réseau CleanTech-Mobility. Le territoire Clermontois est un formidable terrain d’expérimentation : problématiques d’interconnections, mobilité inversée, mobilités rurbaines … un véritable « living lab » des mobilités de demain.
Actuellement dans le programme d’accompagnement développé par le Bivouac, la startup MyBus développe le premier titre de transport dématérialisé et profite pleinement de la spécialisation de la région et des acteurs présents, notamment Michelin. « L’expertise de Michelin est primordiale pour de jeunes entreprises comme nous. Ce territoire nous permet aussi de tester nos titres de transport sur smartphone, nous allons d’ailleurs lancer un pilote sur Clermont au mois de septembre, » explique Remi de Marchi, Business Developer de MyBus. Primée au CES de Las Vegas, la startup espère boucler une levée de fonds de 3 millions d’euros en 2018 pour continuer son expansion et devenir un des acteurs de la révolution de la mobilité en France.
Les leaders mondiaux du territoire s’impliquent pour les startups
« Michelin est lié à la ville de Clermont, notre investissement dans l’écosystème startup à travers le Bivouac est donc tout à fait naturel. Nous avons trois sites d’incubation à l’échelle mondiale : Clermont, Shanghaï et Greenville aux États-Unis, » explique Marc Evangelista, directeur incubateur Michelin Europe. Leader dans le secteur des pneumatiques, Michelin conçoit, fabrique et distribue les pneumatiques pour améliorer l’efficacité de la mobilité. Services numériques, cartes virtuelles, matériaux de haute technologie, la force de l’entreprise basée à Clermont-Ferrand a toujours été d’innover. « De par la proximité avec notre centre de recherche, l’incubateur de Clermont travaille sur les technologies développées par notre entreprise qui ont un potentiel économique. »
Le Bivouac a été l’occasion de créer un cercle vertueux pour Michelin. « Nous avons eu la volonté de nous rapprocher des startups pour acculturer nos collaborateurs à l’agilité des entrepreneurs du numérique, mais aussi pour faciliter les interactions avec les personnes de l’extérieur. Chez Michelin, tout est contrôlé, là c’est moins le cas, » raconte Marc Evangelista. « Notre objectif est simple. Nous cherchons de la croissance par l’innovation. Pour les spin-off, il n’y a pas de règles, nous pouvons mettre au point des joint-ventures, comme des partenariats, ou de la mise à disposition de compétences. »
« On est chouchouté à Clermont, c’est comme une grande famille. Cette ambiance favorise les connexions. » – Émilie Duval, Office Manager d’Auditien
S’il est difficile de répondre à toutes les sollicitations, Michelin concentre ses efforts sur les startups avec lesquelles il existe un « grip business ». « Notre présence au Bivouac a envoyé un message très clair. Michelin est à l’écoute des startups. Nous avons vu le nombre de sollicitations augmenter significativement. Nous avons conscience que Bibendum est une caution pour les startups, mais nous n’offrons notre appui qu’aux startups auxquelles nous croyons, » précise Marc Evangelista.
Et Michelin n’est pas seul dans cette dynamique. Limagrain, Orange, La Montagne, Crédit Agricole, EDF, ENGIE, La Caisse d’Epargne ou encore ENEDIS s’engagent pour favoriser l’éclosion de pépites du numérique. Pour piloter toutes ces initiatives, la Métropole a créé un comité stratégique French Tech, co-présidé par un élu, Olivier Bianchi, président de Clermont Auvergne Métropole, et un entrepreneur Olivier Bernasson, cofondateur du site pecheur.com, leader européen de la vente d’articles de pêche et chasse sur internet, créé en 2000 et cédé à Decathlon en 2010 et 2016, dont il a été CEO jusqu’en avril 2016.
Comment séduire et attirer les startups ?
Si Jérôme Auslender se « félicite du volontarisme de l’écosystème numérique et de son développement », il sait aussi que Clermont doit avoir un marketing plus performant pour devenir attrayante. « La fusion des régions nous a permis de passer de la capitale de la région la plus pauvre de France à la ville d’équilibre de la deuxième région la plus dynamique de France, » insiste-t-il. Il évoque aussi une limite des écosystèmes provinciaux, à savoir l’accès aux financements. « Pour les “petits“ montants, nous avons deux fonds régionaux qui permettent d’y répondre. Pour les plus importants, nous faisons le lien avec des fonds nationaux. Il y a un trou dans la raquette en ce qui concerne aussi les aides financières que l’on pourrait apporter aux startups qui viendraient s’implanter ici. Nous devons y travailler, » admet-il.
Dans cette optique de répondre toujours mieux aux besoins des startups, Le Bivouac est aussi en pleine transformation. « On arrive à la fin des 3 ans du GIP. Il faut donc aujourd’hui réfléchir à l’avenir du Bivouac. Le modèle privé/public fonctionne très bien, mais nous souhaitons qu’il devienne beaucoup plus indépendant financièrement pour offrir encore plus de possibilités aux startups, » explique Jérôme Auslender. Une vision partagée par Marc Evangelista. « Aujourd’hui, nous devons rééquilibrer les forces au sein du Bivouac entre le public et le privé. L’avenir de l’accélérateur passera par ce modèle, nous sommes dans une optique de durabilité de l’outil et nous souhaitons y participer avec les autres partenaires privés. » Un écosystème à taille humaine, accompagnement performant et structuration des acteurs pour durer : une chose est certaine, il fait bon entreprendre à Clermont !
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Piloter sa ferme, l’outil de prise de décision pour les céréaliers
La startup Piloter Sa Ferme a développé un outil de gestion des risques économique pour les céréaliers. La startup a créé les outils de pilotage économique de demain en s’appuyant sur la digitalisation des services, le développement des algorithmes et le bon sens paysan. « Nous sommes convaincus que le digital, le big data et l’intelligence artificielle sont des leviers puissants pouvant aider les agriculteurs à mieux piloter leurs fermes, » estime Xavier Faure, cofondateur de la startup. Aujourd’hui la startup compte plus de 1000 clients, une fiabilité des estimations de marché de 75% et 90% des utilisateurs de la solution se jugent plus performants dans leur commercialisation. « Nous avons réussi notre pari, celui d’aider très rapidement et simplement, en 5 minutes par semaine, les producteurs céréaliers. Nous avons des demandes pour dupliquer notre modèle sur l’élevage porcin par exemple. Ce sont des axes de développement que nous devrons travailler, » explique Xavier Faure.
+ d’infos : https://www.pilotersaferme.com/
Laou, la mobilité des talents du numérique vers les régions
La startup fondée par Aurore Thibaud et Perrine Bailly a développé une plateforme dont l’objectif est de faciliter la mobilité des talents parisiens en région. 80% des cadres parisiens aspirent à un cadre de vie plus agréable et les talents du numérique n’y échappent pas. Laou connecte donc les entreprises en région à la recherche de profils IT et les talents franciliens. « Pour l’instant, nous sélectionnons les talents. Le choix des profils du numérique s’est fait naturellement, car il y a aujourd’hui une réelle pénurie dans notre région, » raconte Aurore Thibaud. Ainsi, Laou identifie les envies personnelles et de carrière de chaque candidat et les fait matcher avec les besoins des entreprises clientes en région. Les candidats, mais aussi leurs conjoints, sont accompagnés dans leur parcours de changement de région en s’inscrivant sur Laou. La force de la startup ? Proposer des profils qui sont en dehors du sourcing classique.
+ d’infos : https://www.laou.fr/
Auditien, la plateforme d’e-learning à destination des professionnels de l’audition
S’appuyant sur de nombreuses études, le serious-game Les Auditiens est le premier dans le secteur de l’audition. Il répond aux besoins spécifiques du professionnel de terrain et aborde toutes les compétences clés, à travers six thèmes de formation. Le contexte politico-économique est plus porteur que jamais avec l’annonce de la mise en place progressive d’offres de prothèses auditives « 100% remboursées ». La startup est le fruit de dix-huit mois de recherche et développement et du parcours et de l’expérience de son fondateur dans l’audition, Guillaume Allermoz. « Le fil rouge de Hearwear Project, c’est essayer de démocratiser les technologies auditives, pour que les audioprothésistes arrêtent d’être dans un ghetto pour vieux et pour sourds, » confiait-il. La startup qui fonctionne en autofinancement depuis le départ et par choix commence son expansion à l’international et vient de signer un acteur danois de l’audition qui va déployer le serious-game dans 15 pays.
+ d’infos : http://www.auditien.fr/
DomRaider, l’acteur du nom de domaine et de la blockchain
Fondée en 2013, DomRaider est d’abord spécialisée dans la récupération de noms de domaine expirés. La société a effectué une première ICO française en 2017 pour développer parallèlement une plateforme décentralisée dédiée aux enchères en temps réel grâce à la technologie blockchain. DomRaider Group compte parmi les pionniers français dans le domaine de la blockchain. Aujourd’hui, le groupe organise ses activités sous trois marques : Auctionity – l’outil d’enchères, DomRaider Token (DRT) – le jeton numérique du groupe et YouDot – le dropcatching, activité historique du groupe. « DomRaider entend devenir un acteur clé dans ce tournant historique qu’est la blockchain, » explique Tristan Colombet, CEO de la startup.
+ d’infos : https://www.domraider.com/
Yes it is, la carte d’identité des objets connectés
Yes It Is a élaboré une solution faisant l’objet d’un brevet international permettant d’attribuer à tout objet une « identité » propre, unique et impossible à reproduire. Elle développe aujourd’hui la solution sous le nom de REVIVE et a créé le premier disque vinyle connecté. Unique au monde, ce 1er disque vinyle connecté va permettre au grand public : la pré écoute du disque, un lien direct avec l’artiste, le téléchargement audio en Haute Qualité directement sur un Smartphone et l’agrégation en temps réel de l’univers numérique de l’artiste ainsi que l’accès aux produits dérivés de l’artiste : vidéos, paroles, merchandising, Web TV … REVIVE a reçu un « innovation awards » lors du Consumer Electronics Show 2017 de Las Vegas. Pour Nicolas Baudry, Président de Revive, « ce disque vinyle nouvelle génération va révolutionner l’acte d’achat d’un album. C’est l’alliance du support physique, le disque vinyle et du digital pour devenir le « phygital ». Nous croyons beaucoup à cette nouvelle technologie qui va permettre aux labels et aux Artistes d’aller encore plus loin dans la relation avec les fans et de proposer de nouveaux services innovants. C’est un véritable booster de business et de la relation client ».
+ d’infos : http://yesitis.fr/