#ChurchTech : Comment les startups ont-elles séduit le pape ?

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Qui aurait pu croire, il y a une dizaine d’années, que les startups bouleverseraient la religion chrétienne ? Qui aurait pu penser que la quête se ferait depuis son smartphone ? Pourtant, de jeunes entrepreneurs catholiques tentent d’innover et d’introduire le numérique à l’Eglise.
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« Internet peut offrir plus de possibilités de rencontre : […]c’est une bonne chose, un don de Dieu » s’exclame le Pape François lors d’une allocution le 23 janvier 2014. Continuant sur sa lancée, celui-ci ajoute avec conviction que les croyants ne doivent pas avoir peur de devenir « les citoyens du territoire numérique ».
Alors que le Pape et le Vatican mobilisent massivement les populations sur les réseaux sociaux, le monde des startups innove et se développe en matière de religion. Par un besoin de renouveau, par un désir d’attirer de jeunes adultes friands de contacts numériques, ou simplement par envie de moderniser leur image, les religions commencent leur transformation. C’est ainsi que des entrepreneurs croyants ont décidé de l’adapter, de la numériser, de la digitaliser, afin que les actes et les traditions qui les entourent s’adaptent à l’ère du « tout numérique ». La Churchtech, puisque c’est ainsi qu’il faut nommer les startups qui naviguent autour de la religion chrétienne, recense aujourd’hui plus d’une vingtaine d’entreprises en France. Leurs objectifs sont simples : améliorer le quotidien des croyants, optimiser la communication et faciliter la réalisation des actes de foi.

Événement, média et label : un écosystème à part entière

Depuis 2016 et le premier événement “Pitch My Church“, un concours de startups à la sauce catholique, l’association Église et Innovation Numérique a lancé l’écosystème ChurchTech qui vise à regrouper et promouvoir tous les acteurs innovants au service de l’Église, « la Churchtech promeut l’innovation qui a du sens, la disruption dans l’obéissance et le virtuel au service du réel, » explique son fondateur François Pinsac. « Près de 80% des initiatives sont en mode associatif. Les catholiques sont habitués aux dons et si cela peut permettre de faire vivre de belles initiatives, nous y sommes favorables, » précise-t-il.

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Thomas Teilhet – Fondateur d’Ephatta

Seulement dix initiatives en 2016, plus de vingt désormais et une troisième édition de Pitch My Church à venir en mars 2018, l’écosystème se structure sérieusement. L’association n’a d’ailleurs pas hésité à transformer le célèbre coq en origami de la FrenchTech en un poisson-ichthus, symbole des premiers chrétiens pour son logo. Pour autant, le mouvement n’est toujours pas reconnu officiellement par la FrenchTech, comme peuvent l’être la Healthtech ou la SportTech.

Autre initiative, un incubateur de startups lancé par l’Optic, un réseau pluridisciplinaire et international, dédié à l’étude des médias et de la culture numérique, ainsi que de leur impact sur les sociétés et modes de vie et conçu en lien avec la Conférence des évêques de France (CEF) et du Secrétariat pour la communication du Saint-Siège. Appelé Goodmakr, son objectif est de transformer les plus belles réussites associatives en entreprises et d’optimiser la pérennité des entreprises existantes. À l’occasion de cette annonce, Anne Keller, directrice adjointe de la communication de la CEF, a d’ailleurs rendu hommage aux entrepreneurs de la Churchtech. « Ces porteurs de projets ont les codes des startups, mais ils ont du recul et ne sont pas dans la fascination de l’innovation et de la technologie. »

Pour toucher le maximum de fidèles, la ChurchTech peut compter sur l’appui des médias “catho“. Par exemple, la chaîne de télévision KTO qui diffuse sur le câble, les box internet et depuis son site en streaming, a couvert les deux précédentes éditions de Pitch My Church avec des pics d’audience TV à plus de 80 000 personnes. De son côté, Aleteia, le premier site catholique au monde avec ses 17 millions de visites mensuelles et ses 2 millions de fans sur Facebook, se fait aussi le relai des startups présentant les plus innovantes.

Confession 2.0 et AirBnB religieux

« Les nouvelles technologies offrent aux institutions religieuses de nouveaux supports de communication pour interagir avec les fidèles d’aujourd’hui. Les acteurs de la Churchtech accompagnent l’Église et les fidèles dans la transition numérique, » explique Thomas Teilhet, fondateur d’Ephatta, startup spécialisée dans les solutions d’hébergement chez l’habitant autour d’événements religieux. Ephatta existe pour pouvoir encourager « l’hospitalité chrétienne » et l’hébergement de ses membres. Comme l’explique son créateur, l’utilité de ces plateformes n’est pas de numériser la relation entre croyants, car « on ne peut pas digitaliser la communion et les rapports humains qui interviennent à l’occasion d’un rassemblement. Chez Ephatta, nous utilisons le virtuel pour créer des rencontres réelles. »

La religion ne doit pas se moderniser, mais l’Église doit savoir profiter, avec discernement, du bénéfice que peuvent lui apporter les nouvelles technologies

C’est aussi dans cette logique de rapprocher les humains qu’est née la plateforme Goconfess, surnommée « L’Uber de la religion ». Cette application permet la mise en relation de croyants désireux de se confesser avec des prêtres compétents pour cette mission. Il s’agit de répondre à une question simple que s’est posée son fondateur, Tanguy Levesque : « Comment est-ce possible, à l’heure d’internet et des nouvelles technologies, qu’il soit si compliqué d’avoir accès aux horaires réels de confession ? Il devrait y avoir un moyen de se mettre en relation avec un prêtre par géolocalisation ».
Autour de ces startups, le financement et la communication se mettent en place. CredoFunding est la plateforme chrétienne de financement créée en 2014 avec pour objectif de soutenir financièrement des projets chrétiens, par des opérations de dons, de prêts et d’investissement. C’est en découvrant une plateforme de financement musulmane, Easi Up, qu’Éric Didio a décidé de se lancer. « Cela m’a permis d’allier ma foi à ma passion pour la finance. Notre positionnement chrétien est la raison principale de la présence des contributeurs sur notre plateforme. Pour preuve, 15% des donateurs ont participé à plus de 100 projets, ce qui prouve un niveau d’implication élevé, » explique le fondateur de la startup. Avec plus de 2,2 millions d’euros levés depuis son lancement, la plateforme de crowdfunding catholique a permis de financer 350 projets.

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Eric Didio – Fondateur de Credofunding

Côté communication, depuis 2014, la startup Noé 3.0 crée des buzz religieux. Deux équipes sont chargées des contenus (sons, images, vidéos…) en lien avec des événements religieux à travers le monde pour les diffuser en temps réels sur les réseaux sociaux en connectant les comptes les plus influents. Cachée derrière les opérations #Erbilight, #ChristianBells, #Careme ou #OPLourdes ayant généré des buzz mondiaux sur Twitter, la startup a mis au point l’évangélisation 3.0. Pour continuer cette évangélisation numérique, le média Aleteia qui a créé ePaul, le premier robot conversationnel évangélisateur au monde doté d’une intelligence artificielle ! Son travail consiste à partager la Bonne nouvelle de manière plus pratique et plus amusante.

Des actes religieux facilités

Pour autant, les Churchtechs entendent aussi simplifier la vie quotidienne des fidèles par l’utilisation de nouvelles technologies. Il s’agit ainsi de permettre à tout le monde de bénir ses proches, par l’intermédiaire de l’application Godblessyou. Celle-ci permet en effet « de partager des bénédictions sur le web et les réseaux sociaux en prenant une photo et en effectuant un signe de croix sur l’écran tactile de son smartphone, car l’on croit trop souvent, à tort, que la bénédiction n’est réservée qu’aux prêtres », comme le rappelle son créateur Sébastien Poncelet.

De son côté, Hozana a développé une application qui permet d’inviter ses proches à prier en même temps que soi pendant une quinzaine de secondes. « Hozana compte 140 000 inscrits et 300 000 visites par mois. Nous avons des témoignages qui montrent à quel point l’impact peut être important dans la vie des gens. Certains nous expliquent que l’application les a réconciliés avec leur foi, » raconte avec enthousiasme Thomas Delenda, le fondateur d’Hozana.
Pour faciliter la démonstration de sa foi, l’application La Quête permet de donner à l’Eglise depuis son mobile. Son fondateur, Romain Husson, est ainsi persuadé que « l’un des apports des startups “cathos“ est notamment de mettre la modernité technologique au service de l’Église et de la religion. La religion ne doit pas se moderniser, mais l’Église doit savoir profiter, avec discernement, du bénéfice que peuvent lui apporter les nouvelles technologies, et notamment dans le cadre de sa mission pastorale auprès du plus grand nombre. »

« Nous souhaitons d’ailleurs conserver une certaine distance avec l’Église, car en tant que jeunes entreprises nous allons faire certaines erreurs et nous ne souhaitons pas que l’institution se retrouve caution de nos agissements.»

La question n’est donc plus de savoir si la technologie doit rentrer dans l’Église, puisqu’elle s’y trouve déjà, mais plutôt comment unifier de façon pérenne religion et technologie, et ainsi faire adopter à l’Église ces nouveautés. En effet, l’adoption de cette technologie ne dépend pas uniquement des « consommateurs », mais bien de son utilisation par les hommes d’Église. Le changement doit se faire en douceur. À Lisieux, par exemple, la basilique Sainte-Thérèse va se munir d’un écran connecté, développé par la startup Think & Go, pour enregistrer les dons des fidèles. Les touristes et pèlerins sont régulièrement à court de monnaie dans le sanctuaire et cette borne permet aux visiteurs de sortir leur carte bancaire et choisir parmi quatre modèles de cierges, de 2 € à 10 € avec un paiement sans contact. Emmanuel Houis, secrétaire général du sanctuaire, admet que certains fidèles ont été « choqués par l’image commerciale » de l’appareil. « Pourtant, s’étonne-t-il, personne ne s’offusque des distributeurs de jetons touristiques de la Monnaie de Paris, présents à Notre-Dame comme au Sacré-Cœur de Montmartre… »

Dans une interview, le président de l’association Église et Innovation Numérique François Pinsac expliquait que « l’accueil réservé par l’Église était positif. Elle nous a adressé de vifs encouragements, même si elle reste prudente. Nous souhaitons d’ailleurs conserver une certaine distance avec l’Église, car en tant que jeunes entreprises nous allons faire certaines erreurs et nous ne souhaitons pas que l’institution se retrouve caution de nos agissements.»

Même si le Pape François a récemment mis en garde les religieux contre les risques d’une trop grande “dissipation“ avec les réseaux sociaux et internet, les startups “catho“ séduisent les fidèles. Les initiatives sont source d’espérance pour l’ensemble de la communauté, qui voit d’un bon oeil cette génération d’entrepreneurs qui voue sa carrière professionnelle à la création de l’Église de demain. Et quand il s’agit de savoir s’il faut être catholique et pratiquant pour se lancer dans la ChurchTech, Thomas, le fondateur d’Hozana, répond en toute franchise : « pour travailler dans ce secteur, en rejoignant un projet existant, ce n’est pas nécessaire. Plusieurs personnes travaillent ou ont travaillé pour Hozana sans avoir la foi : ils y trouvent tout de même du sens, car ils voient l’impact bénéfique sur la vie des gens, et apprécient la gratuité et l’aspect désintéressé du projet. Pour lancer un tel projet en revanche, ça me semble inconcevable de le faire sans avoir la foi ! D’une part il faudrait être un peu fou pour se lancer sur ce créneau où chacun peine à trouver un modèle économique viable, d’autre part je crois simplement que ça ne marcherait pas : pour lancer un projet entrepreneurial, quel qu’il soit, il faut que le projet résonne fortement dans son coeur. Et je crois que c’est particulièrement vrai quand on travaille pour le Seigneur. »

Nicolas Chatain
Nicolas Chatain – cofondateur PRIXM
PRIXM, la newsletter biblique et culturelle

PRIXM est une newsletter gratuite éditée chaque dimanche qui présente un texte de la Bible, illustré par les tableaux, films et musiques des artistes qu’il a inspirés. Le tout en 3 minutes et sans publicité. « De Mozart à Nina Simone en passant par Picasso, Rembrandt, Scorsese et Maria Callas, tous ont été inspirés par la Bible. L’idée est d’offrir aux personnes les clés pour comprendre les oeuvres, » explique Nicolas, le cofondateur de PRIXM. L’objectif est aussi de faire connaître le travail des 300 chercheurs de l’Ecole biblique de Jérusalem qui ont bâti une bibliothèque numérique géante sur ce que la Bible a inspiré dans la culture et la société. Envoyée à plus de 140000 personnes, la newsletter séduit au-delà des catholiques. Nicolas précise que PRIXM a « dans son comité de relecture une personne qui est athée, dont le point de vue est essentiel. Il est le garant de la facilité d’accès de l’information pour les non-initiés. Nous ne sommes pas dans la morale ou dans la leçon, mais plutôt dans le partage de notre connaissance. » L’initiative, structurée en association, est financée exclusivement par des dons privés. « Nous fonctionnons comme une startup, mais nous n’avons pas l’objectif de faire un exit dans 5 ans. Notre motivation n’est pas de faire de l’argent avec la Bible, mais plutôt de partager la culture, » confie Nicolas. Preuve de cette volonté, la newsletter va être proposée en portugais début 2018 et assez rapidement en anglais.

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