Après des parcours variés et des expériences différentes dans l’écosystème, en startup ou dans des fonds d’investissement, Vincent Jouanne et Maxime Charvet ont créé Sharkr. « Nous avons avons donc décidé de lancer Sharkr, le programme d’accélération dont nous aurions rêvé. Qui se focalise sur ce qui compte réellement pour les entrepreneurs en early-stage : la preuve d’une traction et la construction d’une communauté. » Pourquoi ce choix ? Quelles sont les erreurs early-stage à ne surtout pas commettre ? Comment réussir son lancement ? Ils ont répondu à nos questions.
Vincent, Maxime, quand et comment décide-t-on de lancer un accélérateur de startup ?
Vincent Jouanne : L’idée est venue lors d’un déjeuner où nous nous sommes rendus compte que nous observions tout le temps les mêmes erreurs chez les entrepreneurs. Chacun avait remarqué dans son domaine, qu’il s’agisse d’investissement ou de growth hacking, des problèmes de focus et d’acquisition client chez les startups early-stage.
Maxime Charvet : On a constaté que, contrairement à ce qu’on pourrait penser, il existe un manque d’accompagnement en early-stage. Il y a de nombreux incubateurs et accélérateurs de qualité, mais les entrepreneurs se plaignent souvent d’un manque de suivi à ce stade. De plus, les programmes ne font souvent pas assez de focus sur l’acquisition-client. Enfin, de nombreuses structures sont en fait réservées aux startups qui ont déjà fait leurs preuves. Nous regrettions ce vide. Nous avons donc créé Sharkr.
En quoi, selon vous, les accélérateurs et les incubateurs sont-ils complémentaires, et essentiels dans la vie d’une startup ?
V.J. : En ce qui concerne l’aspect essentiel de l’accompagnement, tout dépend de la personnalité de l’entrepreneur. Toutefois, on constate que la majorité des startups font les mêmes erreurs, qui peuvent être facilement évitées. Un accompagnement permet d’éviter ces écueils et d’avancer plus vite et mieux, ce qui décuple les chances de succès.
Il existe de nombreuses structures qui accompagnent les startups. Si on fait un focus sur l’incubateur et l’accélérateur, je dirais que la grande différence porte sur ce que chacun apporte : le premier offre un cadre rassurant pour éclore son projet, le deuxième est là pour le faire décoller comme une fusée !
Dans un incubateur, on donne de la sécurité à l’entrepreneur : on y trouve de l’accompagnement mensuel ou hebdomadaire, des murs, un bureau, une imprimante, un peu de coaching comptable et juridique. Parfois l’incubateur peut même se révéler trop rassurant…
L’accélérateur intervient plus tard (parfois en simultané). Le but de l’accélérateur est de permettre à la startup de passer d’un état à un autre : ce changement se traduit par exemple par un nombre de clients franchis ou par de l’investissement provenant d’un Business Angel ou d’un fonds de Venture Capital.
La plupart des gens sont ouverts pour aider ou comprendre ce que fait votre startup. Il serait idiot de ne pas les contacter.
M.C. : Les incubateurs et accélérateurs me semblent remplir des fonctions différentes et peuvent être complémentaires. Toutefois, le gros souci de l’incubateur, c’est qu’il a un effet pervers : il est souvent trop rassurant et peut endormir l’entrepreneur. De plus l’incubateur ne permet généralement pas un suivi assez soutenu des entrepreneurs par des personnes extérieures au projet. A l’inverse, l’accélérateur insiste plus sur les metrics, mais ce type de structure reste assez peu présent en early-stage.
C’est ce qui explique notre pari de prendre le contrepied de ce qui existe actuellement et de faire de l’accélération très tôt, dès le lancement du produit. Notre focus est sur la construction d’une communauté et la preuve du Product/Market Fit. Nous sommes en quelque sorte complémentaires avec les incubateurs et précédons l’étape de recherche d’un accélérateur.
Quelle est votre méthode, votre « petit plus » qui fait la différence, chez Sharkr, pour accompagner toutes ces startups ?
V.J. : La grande particularité de Sharkr est l’intensité de l’accompagnement. Nous avons des contacts quotidiens avec les entrepreneurs, que ce soit au travers des appels, téléconférences ou en physique.
Le programme s’appuie également sur deux autres grands points. L’intervention de spécialistes (Growth Hacker, Marketing, design UX/UI, juristes, pitch, investisseurs) et d’entrepreneurs ou investisseurs reconnus, et des avantages pratiques, comme des services partenaires, un forum interne avec toutes les startups, des sessions de formation sur l’usage d’outils et la compréhension d’éléments de l’écosystème
La concurrence sur le marché est sans pitié lorsque l’on veut se lancer dans le grand bain. Quelles sont, selon vous, les principales erreurs early-stage à ne surtout pas commettre pour une toute jeune startup, et comment les éviter ?
M.C : Quatre erreurs reviennent très souvent :
Pas assez interagir avec sa cible : trop d’entrepreneurs échafaudent des hypothèses sans les vérifier auprès de leur cible. Or un besoin peut-être mal identifié et une proposition de valeur sans intérêt. Échanger avec les personnes visées permet aussi de mieux saisir leur vrai problème et de pouvoir pivoter. Dans un cas plus extrême, on voit des entrepreneurs qui ne veulent pas parler de leur idée, de peur de se la faire voler. Or, il est impossible de vendre ou même d’améliorer ce qu’on fait si on ne communique pas.
Passer trop de temps sur le produit : ce deuxième point est souvent corollaire du premier. Il est important d’avoir un produit qui remplisse correctement sa fonction. Mais beaucoup d’entrepreneurs attendent d’avoir une version qu’ils estiment vraiment complète et parfaite avant de sortir le premier produit. C’est doublement une erreur : car ils perdent du temps à créer des fonctionnalités inutiles et à développer sans avoir aucun retour d’utilisateurs. Tout est dans cette phrase de Reid Hoffman (cofondateur de Linkedin) : « Si vous n’avez pas honte de la première version de votre produit, vous l’avez lancé trop tard ».
Manquer de discipline et de focus : Le temps est une ressource très importante en startup. La plupart des entrepreneurs n’en ont pas assez conscience en early-stage. Il y a souvent du temps perdu pour diverses causes : trop de taches inutiles, manque de focus sur l’essentiel qui est généralement l’acquisition de clients ou d’utilisateurs et le développement du produit. Parfois même, il peut y avoir un manque de travail régulier, et un certain laisser-aller.
Mal choisir son équipe : c’est elle qui permet de faire le reste. Il n’est pas impossible d’entreprendre seul mais plus dur. Il faut rapidement savoir s’entourer des bonnes personnes : cela vaut pour l’équipe mais aussi pour l’accompagnement. Il y a trop de startups qui ont une équipe homogène où tous les fondateurs ont des profils similaires. L’autre grand risque est l’instabilité, dans le cas où les cofondateurs n’ont pas les mêmes motivations ou la même implication… Cela crée rapidement un décalage entre eux. Enfin, parfois certaines équipes manquent de profils nécessaires à l’entreprise : un bon vendeur, un bon technicien… Ce n’est d’ailleurs pas forcément gênant si les fondateurs arrivent à apprendre, bien recruter ou externaliser certaines missions efficacement.
À votre avis, quels sont donc les trois grands conseils que tout entrepreneur et porteur de projet doit garder en tête, au lancement de son projet, pendant son accélération, jusqu’à son accomplissement ?
V.J. : Le premier conseil est de se lancer vite, se mettre en danger au lieu de trop réfléchir. Il faut vérifier ses hypothèses en les testant vite, avec un minimum de moyens et améliorer rapidement en fonction des retours. Une seule chose compte : ce que le client ou utilisateur veut. Et cela, on le vérifie uniquement avec ce qu’il fait du produit et non pas avec ce qu’il exprime verbalement.
La seule question à se poser est : consomme-t-il ce que vous faîtes ou non ?
C’est d’ailleurs ce que Facebook fait depuis le début : si les utilisateurs critiquent la mise à jour mais l’utilisent quand même, la nouvelle fonction a donc tout intérêt à être conservée.
Le deuxième conseil est tout simplement de décrocher son téléphone. La plupart des gens sont ouverts pour aider ou comprendre ce que vous faîtes. Il serait idiot de ne pas les contacter.
Le troisième conseil est de rester motivé et focus. Il ne faut pas se décourager aux premières difficultés. Steve Jobs disait que ce qui fait la différence entre un entrepreneur à succès et les autres tient pour 50% à la persévérance.
Vous avez donc pu aider des startups qui ont réussi à décoller, comme d’autres qui n’ont, malheureusement, pas réussi à survivre. Quels sont, selon-vous, les principales difficultés pouvant nuire à la pérennité d’une startup ?
M.C. : Il y en a trois principales qui me viennent immédiatement à l’esprit :
La première consiste à ne pas trouver de vrai marché pour son service/produit malgré des pivots. On peut alors parler d’absence de « Product/Market Fit ». Ca peut conduire à une mort de la société ou alors à une situation de zombie. La société survit mais ne se développe pas vraiment.
Une deuxième difficulté qui se pose souvent est un problème d’équipe. Elle peut par exemple imploser car les caractères ne vont pas ensemble ou que les membres de l’équipe n’ont pas les mêmes attentes ou la même implication.
La troisième est assez terre-à-terre, il s’agit de questions financières. Ce fut notamment le cas de Take Eat Easy, qui était pourtant une belle startup. Il peut par exemple s’agir d’un problème de cash ou d’une absence de business model.