[.co .tv .ly .io] Quand les startups ignorent l’histoire derrière les extensions internet des pays !

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Innover, innover et encore innover. Avec internet, les entrepreneurs du numérique se sont très vite heurtés à la fin des noms de domaine en « .com » disponibles. Dès 2000, l’engouement est tel pour l’extension qui se veut être l’abréviation de « commercial » que les startups sont même appelées les « dot-com ». Si les chiffres de l’époque sont rares, au mois d’avril 2013, l’exploitant VeriSign comptabilisait 106.1 millions d’enregistrements de domaines en « .com ». Pour innover et s’ouvrir de nouvelles possibilités, les entrepreneurs du web ont donc choisi d’utiliser d’autres extensions, des « ccTLDs », country code top-level domain, des extensions dont l’exploitation est réservée au pays affilié.
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.tv, l’extension internet qui va sauver les îles Tuvalu

Les îles Tuvalu forment un archipel de neuf îles. Cette nation polynésienne, dont la population ne dépasse pas 12 000 personnes, a une présence sur internet complètement disproportionnée. En effet, Tuvalu possède l’extension de domaine « .tv » et reçoit des millions de dollars chaque année pour permettre aux entreprises non tuvaluanes d’exploiter un nom de domaine « dot-tv ».

L’histoire de Tuvalu et internet commence en 1996, quand l’extension ne rencontre pas un succès fulgurant puisque l’île ne dispose pas de connexion internet et le « .com » offre encore des possibilités. Mais en 2000, un ancien analyste de Goldman Sachs, Lou Kerner, devient PDG de dotTV, la société gérant les enregistrements de noms de domaine pour Tuvalu. Après d’importantes négociations, le contrat prévoit une redevance d’un million de dollars versée à Tuvalu chaque trimestre pour l’utilisation de son extension pendant 12 ans. Le gouvernement de Tuvalu détient aussi 20% des parts de la société dotTV.

« Je n’avais jamais vu une entreprise avec un modèle d’entreprise aussi convaincant que dotTV, déclarait Kerner en 2000. Je pensais dès le départ que le « .tv » pourrait surpasser le «  .com ». » Pourtant, le succès espéré n’est pas au rendez-vous. La faute à un prix élevé et à la difficulté d’enregistrement pour les entreprises. En 2002, dotTV est rachetée par VeriSign – qui exploite déjà le « .com » – pour 45M$ avec l’objectif de rendre accessible au plus grand nombre l’extension qui est considérée désormais comme l’abréviation de « télévision ».

En 2007, VeriSign entreprend finalement des actions pour populariser l’extension en diminuant les coûts, en facilitant l’enregistrement et en créant un site d’édition de contenu multimédia à poster sur les adresses « .tv ». C’est le décollage. En un an, l’extension connaît plus d’enregistrements que sur les trois années précédentes.

Pourtant en 2009, tout aurait pu s’arrêter. Le site d’enregistrement de noms de domaine GoDaddy déconseille à ses clients d’utiliser l’extension « .tv » car selon lui « l’île de Tuvalu prend l’eau ». Le site recommande alors aux clients de choisir une autre extension de domaine tout en maintenant son offre « .tv » pour seulement 39,99 $ / an.

VeriSign verse 5 millions de dollars par an au gouvernement de Tuvalu pour être l’opérateur de registre unique de « .tv ».

Pays le moins touristique du monde avec 2 000 touristes accueillis en 2016, les îles Tuvalu sont vouées à disparaître. Même si certaines études scientifiques contredisent ce point de vue, le fait est que Tuvalu a déjà perdu trois mètres de plage en 50 ans, le réchauffement climatique et la montée des eaux auront probablement raison de l’archipel d’ici 2100, si la tendance ne s’inverse pas.

Aujourd’hui, VeriSign verse 5 millions de dollars par an au gouvernement de Tuvalu pour être l’opérateur de registre unique de « .tv ». Le contrat court jusqu’au 31 décembre 2021 et le gouvernement de Tuvalu possède toujours vingt pour cent de l’entreprise. Avec l’explosion des contenus vidéo en ligne, nul doute que le renouvellement de ce contrat représentera une manne financière importante pour l’archipel. En 15 ans, le pays a doublé son PIB par habitant et lancé des projets de sauvegarde de son archipel.

.ly, l’extension internet charia compatible

Depuis 1988, la Libye dispose de l’extension de domaine « .ly ».  Rendue célèbre pour son utilisation dans « bit.ly », un raccourcisseur d’URL choisi par Twitter, cette extension est devenue le centre d’un conflit entre le pouvoir libyen et les États-Unis. La terminologie « -ly » apparaît à la fin de nombreux adverbes en anglais et comme « bit.ly » qui est basé à New York, beaucoup d’autres sociétés non libyennes utilisent des noms de domaine libyens. Pourtant, nic.ly, le centre d’enregistrement libyen gérant les noms de domaines en .ly précise dans ses conditions d’utilisation que : « Le demandeur certifie que, à sa connaissance, le nom de domaine n’est pas enregistré pour des activités / objectifs non autorisés par la loi libyenne. Les noms de domaine ne doivent pas contenir des mots, phrases ou abréviations obscènes, scandaleux, indécents ou contraires à la loi libyenne ou à la morale islamique.»

C’est en se fondant sur ce texte que la Libye a fermé l’URL vb.ly en 2010, au motif que le contenu du site internet était « hors de la loi islamique / libyenne ». « vb.ly » a été le premier service de raccourcissement d’URL pour les contenus réservés aux adultes. Après la décision, la propriétaire du nom de domaine, Violet Blue, journaliste et blogueuse sexe, expliquait que la sanction était intervenue suite à  une photo de ses bras nus jugée illégale et de sa bouteille de bière également illégale. « Je n’avais jamais été accusée de promouvoir une activité illégale durant la première année d’inscription. » Pour la jeune femme, cette sanction illustrait surtout la politique du gouvernement libyen qui annonçait alors l’exclusivité des noms de domaine de moins de 4 caractères aux sociétés opérant réellement en Libye.

En 2011, plusieurs politiciens américains ont été surpris d’apprendre qu’ils utilisaient des URL bit.ly qui étaient affiliées à la Libye. Le Wall Street Journal rapportait que l’association Human Rights Watch, qui avait critiqué le régime de Kadhafi pour avoir bloqué l’accès à Internet en Libye, avait utilisé des adresses .ly pour le partage de ses contenus.

Comme les frais annuels pour les domaines « .ly » restent élevés (75 $ / an), de nombreux noms de domaine restent disponibles sur le marché et certains peuvent être achetés sur le marché secondaire du domaine. Selon nic.ly, il y avait 15 156 noms de domaine enregistrés au 16 octobre 2017, parmi les plus connus musical.ly, ow.ly … La Libye contrôle les noms de domaine et peut créer ses propres règles. Pour éviter les conflits, goo.gl, le service de raccourcissement de l’URL de Google utilise le domaine .gl du Groenland.

.co, les startups à l’assaut de la Colombie

En 2009, Juan Diego Calle fonde .CO Internet SAS, en partenariat avec Neustar et formule une offre d’exploitation au gouvernement colombien pour gérer et exploiter le « ccTLD .CO ». Après des négociations rapides, la Colombie signe un contrat de cession de 10 ans à .CO Internet pour que l’entreprise ait l’exclusivité de l’extension de domaine .CO. Juan comprend rapidement le potentiel du domaine puisque selon l’étude réalisée à l’époque, le .CO était, pour 80% des interrogés, la contraction de « compagnie ». Pour seulement 3%, cela signifiait la Colombie. Bingo.

En 2010, lors du lancement, .CO Internet a accordé un enregistrement prioritaire aux marques bien connues telles que Amazon, American Express, Apple, Coca-Cola, Nike, Nestlé, Nokia, Panasonic, Yahoo, etc. Overstock a été jusqu’à payer 350 000 $ pour « o.co » pour renforcer chez les consommateurs le fait que « O » est synonyme de Overstock. De son côté, Twitter a acheté « t.co » et a utilisé la plateforme de services pour protéger les utilisateurs contre les virus et enrichir l’écosystème des développeurs.

« Les noms de domaine sont les biens immobiliers du 21ème siècle. »

Avec près de 11 000 enregistrements de noms de domaine sur la phase de lancement prioritaire, le succès rapide du “.CO”, facilité par un prix abordable (20 $), est reconnu par les plateformes d’enregistrement. « La mise sur le marché de « .CO » a prouvé à quel point internet était puissant », avait déclaré Bob Parsons, PDG et fondateur de GoDaddy. « Les noms de domaine sont les biens immobiliers du 21ème siècle. » Des affirmations s’appuyant sur les ventes de sex.com pour 14 millions de dollars en 2006 et porn.com pour 9 millions de dollars en 2007.

Pour réussir à déployer son extension là où d’autres comme .jobs ou .travel ont échoué, Juan Diego Calle a ciblé très vite la «.COmmunauté des entrepreneurs et des innovateurs», comme le vante la page du site officiel du « .CO », qui liste fièrement ses clients. Une approche entretenue par des partenariats stratégiques comme celui qui offre la première année d’utilisation d’un nom de domaine en .CO à tous les participants des startup weekends. Soit plus de 200 000 utilisateurs possibles sur plus de 150 pays depuis 2010.

En 2011, soit moins d’un an après son lancement, l’extension dépassait le million de domaines enregistrés. En 2014, Neustar Inc. a acquis .CO Internet SAS pour 109 millions de dollars. Au dernier décompte en 2016, il y avait 2 018 450 « .CO » enregistrés, soit la quinzième place du classement des ccTLDs les plus utilisés.

Et aujourd’hui ?

Plus personne ne se préoccupe d’une extension de nom de domaine et tout le monde fait ce qu’il veut. Pour un jeu de mots, pour être dans la tendance, pour coller à leur métier ou pour avoir le nom de leur startup disponible, les entrepreneurs se portent sur des ccTLD sans savoir quel est le pays affilié. C’est ainsi que Djibouti est devenu la première extension de domaine utilisée par les DJs (.dj) du monde entier, que le Monténégro et son extension .me est devenue la référence pour les sites personnels et autres CV en ligne.

L’extension des îles Tonga, .to, est devenue très populaire pour les entreprises de Tokyo, Toronto ou les sites de torrents. De nombreuses entreprises situées dans de grandes villes américaines utilisent des ccTLD, comme .lv l’extension de la Lituanie (latvia) pour Las Vegas, ou .la du Laos pour Los Angeles.

Si on ne connaît pas le montant des revenus perçus par le gouvernement anglais pour .io, une chose est sûre, cette somme ne revient pas aux Chagossiens.

Enfin, tendance depuis 3 ans dans l’écosystème, le .io est l’extension du territoire britannique de l’océan Indien, l’archipel de Chagos, très utilisé du fait de sa sonorité, ou de la signification de i/o en informatique est en train de rapporter des millions à… l’Angleterre. Les prix du « .io » sont élevés, presque 60€ la première année et quasiment 30€ pour le renouvellement chaque année. Si on ne connaît pas le montant des revenus perçus par le gouvernement anglais, une chose est sûre, cette somme ne revient pas aux Chagossiens. Actuellement, il n’y a pas d’habitat indigène sur ces îles. Dans les années 1960 et 1970, environ 1 200 agriculteurs de l’archipel des Chagos ont été transférés sur l’Ile Maurice et aux Seychelles pour y installer un camp de l’armée américaine. En novembre 2000, une décision de la Haute Cour britannique leur a accordé le droit de retour. Cependant, cette décision a été annulée en 2008, ne permettant pas aux indigènes de revenir.

Selon Sabrina Jean, présidente de la Chagos Support Association UK, « il s’agit d’un nouveau cambriolage des Chagossiens exilés qui ne perçoivent aucun profit sur les licences de pêche au thon ni aucune taxe de séjour ni bien sûr une part des milliards de livres de loyer payés par l’armée américaine pour la location de notre île. »

Derrière chaque extension, il y a une histoire et de véritables enjeux humains et politiques. Le choix n’est donc pas aussi anodin qu’il n’y paraît. La technologie permet de faire du profit grâce à l’extension d’un pays dont la population est forcée à l’exil. Tech for good vous avez dit ?

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