Women in Tech = contrainte, inspiration ou éducation ?

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L’égalité homme femme est certainement l’un des sujets les plus casse-gueule à traiter, d’autant plus ces derniers mois où il a été particulièrement abordé par l’actualité. Dans un monde idéal, ce sujet ne devrait plus exister. Mais comme l’écrivait Flaubert, « la réalité ne se plie point à l’idéal. » Alors, parlons-en, du mieux possible, en mixant les disciplines et les points de vue et en incluant les hommes dans la réflexion. Ce n’est qu’avec une volonté commune que le monde des technologies, porteur d’innovations, incarnera enfin un exemple de modernité sur le sujet de l’égalité des sexes.
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Sans en avoir conscience, hommes et femmes portent un ensemble de stéréotypes profondément ancrés qui influencent les perceptions. Pour Aurélie Jean, chercheuse au MIT, figure féminine du développement informatique et CEO de In Silicon Veritas, « le sexisme prend différentes formes. On pense très souvent aux remarques ou gestes désobligeants, mais le sexisme est souvent plus discret. Il intervient dans le comportement inconscient des hommes et des femmes, à sous-estimer, par exemple, une femme par rapport à son collègue masculin lors d’une évaluation annuelle ou lors de l’écriture d’une offre de poste qui va davantage parler aux hommes.» Inconscient, mais pas sans conséquence. Une étude menée par la Harvard Business School a démontré l’effet des biais cognitifs sur les représentations des individus en fonction du genre. Après avoir présenté à un groupe d’étudiants le profil d’Howard, puis à un autre groupe celui de Heidi, strictement identiques, les étudiants ont jugé Heidi comme égoïste et centrée sur Johansson et Wincent ont étudié lors de centaines de réunions de décisions d’investissement le langage et les mots utilisés par les venture capitalist pour décrire les entrepreneurs hommes et femmes. Le résultat est sans appel, le vocabulaire utilisé est radicalement différent selon les sexes et les taux de décisions d’investissement en défaveur des femmes.

S’émanciper avec les modèles

Les femmes doivent souvent naviguer entre sexisme inconscient et paternalisme. Dans l’écosystème startup, si la jeune génération innove, les décisions de financement incombent encore souvent aux quinquas majoritairement masculins : « Quand tu es une nana fondatrice, tu as potentiellement des remarques ambiguës ou ambivalentes. Par exemple, j’entends souvent que mon projet est « un business de nana pour les nanas ». C’est désagréable, mais j’y apporte le minimum d’intérêt. La jeunesse et le manque d’expérience des créateurs de startup font que le paternalisme est une composante de l’écosystème. Elle se renforce probablement quand tu es une femme dans un univers masculin, mais comme pour les hommes, l’enjeu est de trouver la bonne manière de rétablir une relation d’égal à égal. Bien souvent, la meilleure solution est de s’imposer par la rigueur et les résultats, » explique Carole Juge, fondatrice de la startup Joone. La prise de confiance des femmes et leur capacité à se détacher des modèles patriarcaux pour embrasser leurs ambitions professionnelles passent par la mise en avant de modèles. On ne devient pas ce que l’on ne voit pas. Un constat partagé par l’association StarHer qui promeut plus de diversité dans l’écosystème. Johanna Kirk sa codirectrice, nous explique : « bien souvent, les femmes façonnent leur propre verrou en se discriminant elles mêmes. Il est important d’encourager les role models et de promouvoir des représentations diverses des femmes dans le monde de la tech. Avec StartHer, notre mission est de rassembler les femmes en leur montrant des parcours varies et inspirants ».

Pour Carole Juge, les femmes ne doivent pas chercher à gommer leur singularité. « Certains traits de personnalité souvent attribués aux femmes constituent parfois une force indiscutable dans leur business. Il faut utiliser ses caractéristiques plutôt que de chercher à les gommer ! J’ai parfois mis plus de temps à prendre des décisions parce qu’elles impliquaient une dimension émotionnelle, là ou peut-être qu’un homme aurait pris la décision plus tôt. Mais cette culture du care que nous avons mis en place chez Joone, autant pour les clients que pour les salariés, constitue la force principale de notre modèle. Il faut jouer avec ses propres cartes ! » Pour autant, les femmes entrepreneuses doivent approfondir les disciplines stratégiques de leur business, même si elles sont loin de leur univers de prédilection. « Sur ma précédente boîte, j’ai boudé la tech et la finance par manque d’appétence pour ces disciplines. C’était une erreur et depuis que j’ai fondé Joone, je m’investis aussi dans ces disciplines présupposées plus masculines, pour disposer de toutes les compétences indispensables à la réussite de ma startup. »

Inspirer et inciter les femmes à s’intéresser à la technique est un enjeu fondamental. D’après Aurélie Jean, « les femmes n’ont pas toujours été en retrait du numérique et elles ont même été les pionnières des premiers langages informatiques! Le code est une opportunité pour les femmes de s’émanciper, de laisser leur empreinte dans la société de demain et de reprendre à parts égales, avec les hommes, une présence dans la technologie numérique ».

La carotte ou le bâton ?

Dans la lutte contre les stéréotypes et la promotion de la diversité, si l’éducation et l’inspiration semblent faire consensus, cela n’est pas le cas des méthodes dites contraignantes. La carotte oui, le bâton non. Dans un article du Point de septembre 2017, Pauline Laigneau, cofondatrice de Gemmyo, affirmait que « la discrimination positive desservait la cause des femmes ». Pour Carole Juge, si les lois et les quotas permettent d’apporter une réponse à court terme, cela peut aggraver la situation à plus long terme : « Je suis contre les quotas minoritaires, quelle que soit la minorité concernée. Un projet doit émerger parce qu’il est bon et l’origine sociale, raciale ou le sexe ne devraient pas avoir d’incidence. Aux États-Unis, dans les années 60, des lois sont passées pour protéger et encourager la présence des minorités afro-Américaines dans les universités. Dans les facs réunissant plus de 20% d’étudiants issus des minorités, des bâtiments student union étaient obligatoires pour permettre une meilleure représentation des minorités dans l’université, au travers des associations. Ce qui était une incitation positive au départ s’est transformé des années après en un élément renforcant la ségrégation, avec des lieux séparés qui ont eu l’effet inverse de l’intégration souhaitée. La mise en place de quota paritaire obligatoire ne me semble pas être une solution. Peut-être serait-il plus intéressant d’envisager une sorte de quota de sensibilisation. »

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