La startup MedTech Lucine veut montrer la voie d’un autre modèle de réussite entrepreneuriale

Lucine startup modele d'entreprise
Lucine est un dispositif médical qui permet de mesurer et de soulager la douleur chronique, en s’appuyant sur les nouvelles technologies. Si la startup apporte indéniablement une réponse sociale à travers son produit, le besoin de sens a été aussi étendu jusqu’au modèle d’entreprise.
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En plus du choix de l’autofinancement, ce qui est déjà plutôt rare pour une Medtech, un ensemble de règles permettent d’encadrer la rémunération des dirigeants et de partager avec les salariés, une vingtaine à ce jour, capital et pouvoir de décision. Pour Wydden, nous nous sommes entretenus avec Aymeric Espérance, le directeur général de Lucine, pour comprendre les raisons, les contraintes et le développement de cette entreprise innovante qui cherche à éprouver un modèle plus inclusif dans les technologies.

Est-ce que tu peux nous présenter la genèse de Lucine?

Marine Cotty, notre CEO, souffre de douleurs chroniques depuis de nombreuses années, comme près de 12 millions de Français. Face à sa douleur, elle a cherché une réponse adaptée et elle a eu la chance d’obtenir une séance dans un centre de la douleur. C’est une chance car ces centres spécialisés sont peu nombreux, surchargés et souffrent de coupures budgétaires. Lors de sa séance, elle a eu recours à un traitement non pharmacologique avec une séance d’hypnose. Elle est ressortie avec une baisse significative de la douleur, de l’ordre de 30 à 40%, ayant effet pendant près de 24h. Elle était ravie et prête à recommencer mais le seul nouveau rendez-vous proposé était 6 mois plus tard. Marine est chercheuse, avec un double parcours en sciences humaines/ sociales et neurosciences et elle s’est intéressée de plus près à cette problématique pour rendre plus accessibles ce type de soins.

Après des recherches entamées en 2013, Lucine a vu le jour en 2017 et permet aujourd’hui de mesurer, soulager et diminuer la douleur grâce aux technologies. Le diagnostic se fait avec des supports technologiques, comme par exemple la caméra du téléphone qui va analyser posture de corps, des points du visage, les variations du langage. Les mesures sont ensuite associées à la base de données qui permet de classifier la douleur dans une trentaine de grands profils. Le professionnel de santé va ainsi pouvoir réaliser une consultation douleur en s’appuyant sur Lucine. Nous avons également développé une solution pour apporter un soulagement de la douleur en utilisant des technologies comme la réalité virtuelle/ augmentée, des jeux sérieux, etc. On utilise des stimulations sensitives qui vont produire des anti-douleurs naturels. En allant chercher les bonnes stimulations au bon moment, comme l’endorphine par exemple, on va naturellement baisser le symptôme douloureux.

Chez Lucine, on a consacré toute une partie du pacte à l’encadrement de la rémunération.

On fonctionne aujourd’hui par pathologie et par segment patient comme l’endométriose, qui est notre projet le plus avancé. Pour chaque typologie de souffrance, on mène un processus de recherche spécifique pour proposer la meilleure réponse afin de mesurer et soulager chaque pathologie. Une même solution pour toutes les douleurs, c’est clairement de la science-fiction ! Nous sommes en cours de validation pour être certifié dispositif médical et être prescrit par un maximum de professionnels de santé. Le remboursement par la sécurité sociale est un objectif à moyen terme.

Nous sommes sur un marché très rigide et contraignant, qui demande beaucoup de rigueur scientifique et technique. Les cycles de recherche pour chaque pathologie sont longs et les données de santé sont très réglementées.

Vous avez développé un modèle plus inclusif que celui traditionnellement développé par les startups, pourquoi?

30% de la population mondiale est touchée par la souffrance, les conséquences économiques, sociales et sociétales sont donc très importantes. De fait, la mission de Lucine répond à un enjeu social et du fait de nos parcours personnels, nous pensons que l’entreprise est un moyen de contribuer aux défis sociétaux. Pour pousser au maximum la démarche, on est en cours de labellisation ESUS pour nous permettre d’asseoir notre modèle social. C’est un process assez lourd mais si l’on réussit, on sera la première Medtech à être labellisée entreprise sociale. On veut prouver que cela est possible, être une startup dans les technologies qui réussit et qui a un modèle collectif plus efficace. On est en quête de sens dans nos actions, c’est la raison pour laquelle on a créé un modèle d’entreprise qui nous permet d’embarquer le maximum de monde dans notre mission.  
Au-delà du capital ouvert aux collaborateurs, il nous a aussi semblé fondamental de donner accès au pouvoir de décision. On refuse l’idée que seulement les fondateurs puissent décider de l’orientation de l’entreprisecar cela impacte l’ensemble des collaborateurs. Je trouve ça vraiment dommage et contre-productif que ce soit toujours les mêmes qui croquent lorsqu’une entreprise se développe bien. Parce que finalement le succès d’une entreprise doit évidemment au travail des fondateurs mais surtout à toute la machine constituée des collaborateurs. Selon nous, plus les gens sont responsables de l’entreprise, plus ils sont impliqués. Créer ce type de modèle est à mon sens dans l’intérêt de tout le monde, surtout celui du développement de l’entreprise.

L’idée de lever des fonds sur la première année d’existence ne nous convenait pas. Cela doit permettre d’accélérer, elle ne doit pas arriver trop tôt.

Pour nous permettre d’édicter les règles, le pacte a été en rédaction pendant très longtemps, presqu’un an et demi avant de le finaliser.  Nous voulions envisager toutes les possibilités et évolutions possibles, parce qu’aujourd’hui on est 20 mais il faut que les règles soient évolutives lorsqu’on sera 200 et plus! Il rentre tout juste en vigueur, on verra à l’usage si on a bien réussi à balayer tous les sujets.

Ce type de modèle est très présent dans l’économie ESS par exemple, on ne réinvente pas la roue. Bien souvent, les gens s’imaginent que l’ESS est un secteur marginal, avec des mecs qui font pousser des radis dans leur coin. Pourtant, c’est une économie qui emploie 2,3 millions de personnes et qui pèse pour 10% dans le PIB français. Bien plus que celui des startups…
Néanmoins, cela reste un modèle encore en marge des startups/ jeunes entreprises innovantes, qui sont souvent fondées sur des modèles où le capital est réparti entre les fondateurs et les investisseurs. On est très fier d’incarner ce type de modèle et de monter en puissance là-dessus. Lucine connaît aujourd’hui de beaux résultats, on va encore plus réussir dans les années à venir et on espère que l’on va donner envie aux entrepreneurs de la Tech de regarder de ce côté-là et peut être en convaincre certains de suivre le mouvement. Beaucoup de personnes veulent changer ou améliorer le monde. C’est une belle ambition mais je crois qu’il faut déjà se poser la question de comment on peut changer la vie de ceux qui nous entourent. Il ne faut pas espérer de changements révolutionnaires qui ne surviennent jamais ou attendre qu’ils viennent des autres. Chaque personne a les moyens et le devoir de changer les choses à son niveau, peu importe le domaine, il faut se demander comment on peut agir pour améliorer ce qui nous semble important.

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Ce modèle est-il totalement incompatible avec des levées de fonds?

Clairement les investisseurs ne sont pas très fans de ce modèle où il y a, à la fois, beaucoup de monde au capital et à la décision! En faisant le choix de ce modèle, on a aussi fait le choix de l’autofinancement, tout du moins à l’amorçage. L’idée de lever des fonds sur la première année d’existence ne nous convenait pas. Selon nous, la levée de fonds doit permettre d’accélérer, elle ne doit pas arriver trop tôt.

Au contraire, lever trop tôt contribue parfois à tordre un modèle, à tuer l’ADN et la vision de l’entreprise, en intégrant des contraintes et objectifs financiers parfois totalement opposés. L’objectif d’un fonds est d’obtenir un retour sur investissement avec une vision de sortie à 5 ans en moyenne. Dans notre secteur, cela ne laisse pas le temps nécessaire à une structure en démarrage de se développer sainement. Les mécaniques de fonds d’investissement sont pensées pour l’enrichissement des personnes et pas toujours dans l’intérêt du collectif et de l’entreprise.

Une entreprise doit fonctionner en vendant, pas en levant.

Chez Lucine, on a consacré toute une partie du pacte à l’encadrement de la rémunération. En tant que dirigeant, l’écart de rémunération avec le salaire du dernier entrant dans l’entreprise est encadré. Bien sûr, l’une des finalités de l’entrepreneuriat est de bien vivre de notre activité mais on considère qu’il n’est pas équitable de se verser des salaires beaucoup plus importants que ceux qui créent avec nous la valeur de l’entreprise. Lorsque le succès est au rendez-vous, c’est un moyen de garder les pieds sur terre, parce que parfois l’argent peut nous faire perdre de vue ce pour quoi on se bat. À la base, notre mission avec Lucine est d’aider les gens; encadrer notre rémunération est un moyen de ne pas l’oublier ! C’est peut-être un peu naïf ou teinté d’idéalisme mais on assume. Parfois c’est compliqué mentalement de ne pas céder aux sirènes parce que si pour Lucine cela ne serait certainement pas une bonne chose, pour moi en tant que dirigeant, ça me mettrait dans une situation beaucoup plus confortable. J’ai contracté des dettes personnelles pour la société et je gagne encore moins que si je travaillais pour un employeur. Lever des fonds permettrait de vivre une situation financière plus sereine. Pour autant, si on a choisi un chemin qui n’est pas le plus facile, on l’assume parce que l’on se souvient de pourquoi on l’a fait. On sait qu’on doit penser à long terme et que dans le futur, cela permettra à l’entreprise d’être plus attractive pour attirer les bons talents. Et puis une entreprise, c’est avant tout fonctionner en vendant, pas en levant.

Comment avez-vous réussi à financer votre amorçage sans levée de fonds?

On a investi notre argent personnel et on a recouru à des prêts d’honneurs avec Aquiti et France initiative, qui a reconnu notre impact social. Ces premiers fonds nous ont servi de levier pour procéder à un prêt bancaire. On a également bénéficié d’une subvention régionale d’amorçage et d’une bourse French tech de la BPI. Cette enveloppe nous a permis d’embaucher directement des salariés, sans passer par la case « stagiaires ». Au total, ça nous a permis de démarrer l’activité et de constituer une première équipe.

Du fait de notre activité de recherche, plus de la moitié de l’équipe est constituée de chercheurs, on va donc aussi bénéficier du CIR qui est d’une grande aide. On s’est tout de suite focalisé sur les clients, le produit et les différents marchés. Le nerf de la guerre pour nous c’est de travailler avec des partenaires qui comprennent la valeur qu’on leur apporte et qui sont prêts à s’engager avec nous, tant financièrement qu’au niveau du projet. Dans la mesure où l’on se développe « tout seul », on sensibilise beaucoup nos partenaires sur notre modèle et notre stratégie d’entreprise et les contraintes que cela nous impose. On privilégie la logique de co-construction.

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