La fondation actionnaire, un modèle de développement au service d’un capitalisme patient

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Qui sait qu’Ikea, Playmobil, Bosch, Pierre Fabre, Rolex ou encore Tata sont des entreprises détenues par des fondations? Si ce modèle est très développé en Europe du Nord, il est très largement méconnu par les entrepreneurs français, alors qu’il offre un modèle alternatif intéressant pour les entreprises.
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L’intérêt des fondations actionnaires est double: offrir d’une part à l’entreprise un actionnariat stable et un développement sur le long terme et d’autre part de financer, grâce aux dividendes, des projets d’utilité générale. Zoom sur un modèle qui gagnerait à être mieux connu.

Un capitalisme éthique, c’est possible

L’entreprise sous modèle de fondation actionnaire est détenue en intégralité ou en partie par une fondation à but non lucratif qui possède la majorité des droits de vote ou la minorité de blocage. La fondation est donc décisionnaire de la stratégie de l’entreprise, par voie directe ou indirecte. Certaines entreprises sous ce modèle ont également une part de leurs actions détenues par des actionnaires « classiques », la cotation boursière étant même compatible. Ainsi au Danemark, le pays dans lequel ce type d’entreprise est le plus répandu, plus de 50% des entreprises cotées du pays appartiennent à des fondations actionnaires.

Au Danemark, plus de 50% des entreprises cotées du pays appartiennent à des fondations actionnaires.

Il existe deux grands objectifs pour les entreprises sous forme de fondations actionnaires. Le premier consiste à protéger les intérêts de l’entreprise en lui offrant des fondements stables permettant la mise en place d’une vision à long terme. Cela permet notamment aux entreprises de se protéger d’OPA hostiles et donc de conserver l’industrie, l’emploi et les intérêts économiques dans le pays d’origine. Les dirigeants peuvent ainsi plus facilement projeter leur stratégie et leurs investissements sur le long terme, plutôt que de piloter l’entreprise en fonction des résultats trimestriels, dans le but de répondre aux exigences de dividendes ou de croissance immédiate des marchés financiers. Si ces dernières années, le capitalisme mondial n’a pas toujours brillé en affichant un visage éthique et responsable, la fondation actionnaire démontre qu’un capitalisme patient au service du collectif est possible, lorsque l’entreprise est détachée des diktats des marchés financiers.
Le second est plus philanthropique, la fondation actionnaire permet de reverser les dividendes perçus à des causes d’intérêt général comme l’éducation, la recherche, la culture. Avec ce modèle, les entreprises danoises redistribuent, via leurs fondations, près de 800 millions d’euros chaque année, ce qui représente près de 0,5 % du PIB.

En renonçant à une plus-value financière conséquente en cas de revente de l’entreprise, les entrepreneurs ayant recours à ce type de modèle n’ont pas pour principale motivation l’enrichissement personnel. Bien souvent, il s’agit d’entrepreneurs qui perçoivent l’entreprise comme un acteur économique qui doit aussi contribuer aux enjeux sociétaux.
Ainsi, Robert Bosch expliquait avoir choisi ce modèle pour protéger et développer le patrimoine industriel local. Pierre Fabre souhaitait garantir l’indépendance du groupe après son départ. Il a ainsi fait don, entre 2006 et 2009, de 65% du capital de l’entreprise à la fondation créée pour l’occasion, via sa société Pierre Fabre Participations.

L’entrepreneur peut réaliser le transfert d’actions vers une fondation d’entreprise de son vivant ou par legs testamentaire, pour une mise en application post mortem. Ce modèle permet d’assurer au dirigeant qu’après son départ, la société continuera de privilégier l’intérêt collectif à l’individuel. Ceci est d’autant plus vrai lorsque l’entrepreneur n’a pas d’héritier direct.

Si les fondations d’entreprises sont assez courantes et plébiscitées par les entreprises pour s’investir dans des projets caritatifs, les fondations actionnaires se positionnent dans la démarche inverse. La fondation à but non lucratif détient l’entreprise et non pas le contraire.
De prime abord, il semble bien difficile de faire cohabiter les enjeux économiques d’une entreprise avec une organisation à but non lucratif. La question de la gouvernance est alors centrale et en fonction des objectifs et des contraintes de l’entreprise et de ses marchés, la fondation actionnaire peut avoir un rôle direct ou indirect dans l’opérationnel. L’entrepreneur Horst Brandstätter, dirigeant de Playmobil, a créé deux fondations. La première, créée en 1995, détient la majorité du capital de la société et est destinée aux activités sociales et caritatives menées grâce aux dividendes reversés. La seconde fondation, créée en 2008, s’occupe quant à elle de la gestion opérationnelle de l’entreprise.

Un modèle performant?

Afin de mesurer la performance du modèle, le chercheur danois Steen Thomsen a réalisé une étude de 1999 à 2004 afin de mesurer les résultats économiques des fondations actionnaires. L’étude « Industrial fondations and the Nordic model » démontre que les performances des sociétés détenues par des fondations sont égales à celles des sociétés familiales et supérieures aux entreprises dans lesquelles le capital est éparpillé, du fait d’un niveau de sécurité financière plus élevé.

Par ailleurs, dans un contexte où les travailleurs sont de plus en plus nombreux à chercher du sens dans leur vie professionnelle, ce modèle d’entreprise permet, en plus d’assurer la pérennité de l’emploi, d’engager le salarié dans une mission plus large que le seul objectif économique. Plus investi dans le travail, le salarié voit sa productivité et son engagement envers l’entreprise croître, d’autant plus en temps de crise conjoncturelle. Les dirigeants aussi sont plus pertinents lorsqu’ils peuvent décider et diriger dans un environnement de confiance. Lars Sorensen, PDG du laboratoire pharmaceutique Novo Nordik fonctionnant en fondation actionnaire, a été élu par la Harvard Business Review comme le patron le plus performant du monde en 2015 et 2016.

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Pourquoi ce modèle est-il méconnu en France?

En France, une partie du blocage provient de la législation. Il a fallu attendre 2005 pour que le Conseil d’Etat permette à une fondation de détenir des participations significatives dans une entreprise, considérant que cela pouvait détourner la fondation de sa mission d’intérêt général. Depuis la loi de 2005, aucun décret d’application n’a encore vu le jour, ce qui place la fondation d’actionnaires dans un cadre légal flou. Par ailleurs, le droit successoral français constitue un frein important, obligeant la transmission d’une part obligatoire de la succession aux héritiers. Alors qu’en France, il existe près de 700 000 entreprises familiales qui devront être transmises dans les prochaines décennies, lever les verrous légaux pour permettre aux entrepreneurs français d’envisager plusieurs modèles de transmission serait judicieux.

Début 2018, le gouvernement a confié à Dominique Senard (Michelin) et Nicole Notat (Vigeo) une mission pour comprendre comment l’entreprise peut mieux intégrer l’utilité sociale et l’intérêt général. Aujourd’hui, l’entreprise est définie par le code civil comme une « société instituée par deux ou plusieurs membres qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager les bénéfices ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ». Dans sa considération juridique, l’entreprise ne prend donc en compte que l’intérêt des associés. Parmi les recommandations du rapport, la modification de l’article 1833 du code civil pour y intégrer des intérêts plus larges, comme celui des parties prenantes, a été largement contesté par le Medef.

Bien au-delà des freins législatifs, les freins au développement de tels modèles en France sont également culturels. En France, peut-être plus qu’ailleurs, les acteurs privés (individus et acteurs économiques) ont pris l’habitude de confier à l’Etat la mission d’intérêt général. Pourtant, avec un contexte économique mondial qui favorise la concentration des richesses et qui permet de moins en moins aux Etats de collecter impôts et taxes, les moyens publics sont de plus en plus limités. Les entreprises doivent alors repenser la manière dont elles produisent de la valeur pour intégrer une dimension non pas seulement économique mais globale à leurs actions.

Ce modèle est-il applicable dans l’innovation et les startups?

Même si cela tend à changer ces derniers temps avec l’émergence de figures emblématiques des Tech For Good, comme Paul Duan ou Joséphine Goube, l’écosystème startup français possède encore une vision dualiste entre « business » et « social ». Les entrepreneurs qui parlent de mission sociale ou d’intérêt collectif sont rapidement catégorisés comme des altermondialistes. Pourtant, les mécaniques de financement des startups, portées par le mantra « Go Big or Go Home », présentent aujourd’hui leurs limites, qui peuvent s’avérer parfois désastreuses d’un point de vue macroéconomique. L’écosystème startup doit aussi questionner son modèle pour l’adapter aux enjeux globaux et être en mesure de faire émerger des voies alternatives de développement qui permettront d’élargir la mission de l’entreprise au-delà des enjeux financiers.

S’il semble difficile d’appliquer à la lettre le modèle des fondations actionnaires aux startups, il est possible de s’inspirer de ce type de modèle économiquement vertueux pour des sociétés employant des dizaines de milliers de salariés. Certains entrepreneurs du monde de la « Tech » choisissent de se développer sur un modèle différent de celui de la course à la croissance et à la levée de fonds à tout prix. C’est notamment le cas de la MedTech Lucine, qui a décidé de repenser toutes les bases pour croître sur des fondations plus collectives.

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