Frédéric Salles, Président de la société Matooma, scale-up européenne spécialisée dans les services IoT/M2M et les solutions de connexion par carte SIM répond à nos questions et fait le point sur les conditions de l’arrivée de la 5G en France.
Frédéric, qu’est-ce que la 5G va-t-elle changer ?
D’un point de vue technique, la norme 5G est composée de 2 canaux : un canal pour les usages très haut débit (entre 700Mb et 1Gb par seconde)et un canal pour les usages bas débit destinés aux applications de l’IoT et du M2M (objets connectés). En clair, lorsqu’un utilisateur téléchargera un film HD sur un PC, une tablette ou un téléphone avec la 5G, cela ne lui prendra que 5 secondes.
Pour les objets se connectant à Internet (alarmes, panneaux photovoltaïques, horodateurs, distributeurs de boissons…), les utilisateurs auront le choix d’utiliser les réseaux 3G/4G ou les réseaux bas débits de type Sigfox, Lora ou le canal bas débit de la 5G qui sera aussi faible en consommation d’énergie.
Autre avantage, la latence de la connexion à Internet. Actuellement, lorsqu’un utilisateur se connecte sur un site web à partir de son smartphone, le délai de chargement de la page est inférieur à 1 seconde. Avec La 5G, ce temps sera de 1 milliseconde, soit immédiat pour l’œil humain.
Quelles sont les principales applications attendues pour la 5G ?
Pour le grand public, cela portera sur le streaming vidéo live en haute définition et le téléchargement rapide de film en HD par exemple.
Pour les entreprises, il n’y aura plus besoin d’installer les liens ADSL pour connecter des sites entre eux, un routeur 5G et une connexion au réseau 5G suffiront. Idem pour établir les liens de backup de site.
Nous n’irions pas installer notre entreprise dans un pays qui n’aurait accès qu’à la 2G alors que nous avons la 4G en France.
Ensuite, la 5g va accélérer le développement des Smart city et Smart building grâce à la connexion de capteurs nécessitant une faible consommation de la batterie et un envoie de faibles données. Dans la course à la voiture connectée aussi la 5G aura un rôle dans l’échange de données en temps réel entre le constructeur et le véhicule pour la prévention des pannes et des accidents (Monitoring, capture vidéo embarquée, mise à jour des logiciels embarqués…). La faible latence de la 5G permettra d’envoyer des données instantanément.
La France est-elle vraiment en retard par rapport aux États-Unis ou la Chine ?
Certains pays ont lancé des pilotes sur le test de la 5G, dont la France fait partie puisque l’Arcep délivre des licences de test depuis mai 2018, mais n’ont pas fait de déploiement de masse. Et pour cause, pour accéder au réseau 5G avec des smartphones, il faut y intégrer un module 5G (modem de communication) et à ce jour, les spécifications ne sont pas terminées. Cela veut dire que les industriels spécialisés dans la fabrication de ces modules ne peuvent produire de versions définitives.
Dans le timing, entre 2018 et 2020 les opérateurs vont lancer une version intermédiaire, la 4.5 G (ou 5G LTE) avant le lancement d’ici 2021/2022 de la version définitive nommée 5G NR.
Ericsson évalue qu’en 2023, 50% du trafic passera par la 5G aux États-Unis, 33% en Asie et 21% en Europe selon les dernières études d’impact.
Peut-on imaginer une augmentation du nombre de startups dans ce secteur ?
Historiquement et culturellement, toute innovation majeure entraîne son lot de création de startups. Il est fort à parier que des startups vont se créer en imaginant des produits exploitant les capacités haut débit de la 5G, par exemple, dans la location de routeur avec un lien 5G pour les entreprises.
La 5G est-elle vraiment un enjeu stratégique de la croissance économique ?
Nous n’irions pas installer notre entreprise dans un pays qui n’aurait accès qu’à la 2G alors que nous avons la 4G en France. Ce sera la même logique avec la 5G versus les pays qui ont installé cette technologie. Il y a donc un enjeu économique majeur en matière d’innovation et de création d’emplois.
Pour Matooma, quelles sont les évolutions nécessaires avec l’avènement de la 5G ?
Pour Matooma pas de conséquence sur les fondamentaux de son métier, mais un impact positif sur la croissance du business, car la 5G va ouvrir le champ des possibles pour les industriels avec l’émergence de nouveaux business-model, la naissance de startups, autant d’opportunités d’accompagnement.
Il n’y aura pas de conséquence au niveau des produits et services que nous délivrons actuellement, donc pas de changement technique à proprement dit, puisque les canaux déjà existants continueront d’être utilisés en l’état pour assurer la livraison et la QoS des services déjà existants (raccordement opérateur, etc.).
Il faudra juste être vigilant sur le passage en full IP des différents services qu’apporte la 5G. En effet, la 5G est une technologie de rupture par rapport aux évolutions précédentes et il est possible que certains opérateurs décident de ne plus supporter certains services comme le SMS, la voix (analogique) au profit de service full IP comme la VoiP, le realtime messaging, etc.