La prison dorée : « Je m’emmerde sévère »
Cela peut paraître fou, mais avoir autant d’argent soudainement est très anxiogène.
L’IPO est vécue par Denys comme une prison dorée. « Cela enferme le management, car on sait que si l’on part, on va perdre 30% de valeur sur nos parts ». De 2006 à 2010, Denys s’ennuie sévère. Son quotidien est guidé par les « Guidances » trimestrielles, qui annoncent au marché les résultats et les prévisions. « Je me suis rendu compte que mon moteur à moi c’était la créativité. Apporter mes idées et ma vision, c’était clairement ma valeur ajoutée. J’étais en train de perdre toute motivation, de m’éteindre ».
En 2008, Denys a une nouvelle idée pour permettre une source de revenus complémentaire à Seloger. Il souhaite développer une plateforme de services pour les clients qui ont déménagé. Un service qui prend la suite de Seloger en somme. « J’étais convaincu. J’ai déposé le nom Sefaireaider, étudié le marché et estimé qu’avec la base de clients existante de Seloger, le coût de développement du projet se portait à 500k€, ce qui était dérisoire pour la société. On m’a alors dit que ce n’était pas le moment de se lancer dans un nouveau projet et qu’il ne fallait pas perturber le marché. J’ai compris que mon rôle était uniquement figuratif, que la boite appartenait au marché et que je ne servais plus à rien. » Denys tombe alors en dépression. Le fameux blues du Business man ?
En 2010, le salut de Denys vient d’Axel Springer. Une OPA amicale est lancée et AS rachète Seloger pour 633 millions d’euros.
Nouveau compte en banque, nouvelle vie ?
Denys ne veut plus être de ceux qui investissent frénétiquement dans des start-up ou des business uniquement par opportunité financière…
Denys qui détient alors 8% de Seloger est propulsé au statut de multimillionnaire. « Cela peut paraître fou, mais avoir autant d’argent soudainement est très anxiogène ». Il passe alors par plusieurs états « De la culpabilité de devenir riche au sentiment mégalomane que tout ce que l’on touche se transforme en or, je suis passé par tous les stades émotionnels. » En 2011, son obsession est alors de gérer son patrimoine personnel. Il crée un fonds de 10 millions, Digitalik, avec lequel il découvre un nouveau métier : Business Angels. « Ça m’a permis de passer de l’autre côté, de changer de prisme. Je trouve que ce rôle est difficile, car même si l’on peut conseiller la boite, on doit laisser les rênes aux dirigeants. Sur l’ensemble des investissements que j’ai réalisés, certains ont été foireux, d’autres fructueux. Mais globalement j’ai plus investi par coup de cœur et recommandation que par réelle logique d’investissement. »
Il créé aussi en 2013, avec Pascal Queslin Sefaireaider, le service qu’il n’a pas pu lancer au sein de Seloger « C’était un projet cohérent et sur lequel je réfléchissais depuis des années. Ça m’a aidé à remplir ma page blanche, et de me remettre dans le bain, avec un fonctionnement que je connais par cœur. Mais je sais que pour avoir une chance de s’imposer comme leader dans un business grand public, il faut un investissement de 10 millions ». Denys investit donc un million dans Sefaireaider et réalise un premier tour de table de 5 millions. Depuis ce premier investissement, TF1 a également investi.
Pour sortir de sa zone de confort, il lance aussi en 2015 Openoox, un favoris de page d’accueil « C’est mon ovni, ce qui me permet de faire fonctionner ma créativité. Openoox est un modèle que je ne connais pas bien, et sur lequel j’apprends tous les jours »
Demain
Nous sommes à la fin du modèle capitaliste, car nous n’aurons bientôt plus de croissance et de ressources.
Denys est maintenant rangé des camions, alors ce n’est plus la peine de lui envoyer vos business plans. S’il est évident qu’il va poursuivre ses engagements opérationnels auprès des deux projets qu’il a lancés (Openoox et Sefaireaider), il souhaite aujourd’hui plus que tout se désengager de l’écosystème des start-ups et de l’investissement. « Je ne trouve plus de sens à investir dans des entreprises. La course au gain financier fait tourner la terre à l’envers. Nous sommes à la fin du modèle capitaliste, car nous n’aurons bientôt plus de croissance et de ressources. Nous avons épuisé les ressources et exploité les hommes autant que nous avons pu faire de l’argent. Maintenant, ce modèle doit changer et trouver du sens.» Son nouveau crédo c’est l’environnement, et ses enjeux économiques et sociaux : « Je suis très fier de mes trois enfants, qui n’ont pas du tout choisi la voie du business. Ils sont dans des filières créatives et ma grande fille Manon est très sensibilisée aux enjeux écologiques et alimentaires. Elle m’a remué et a beaucoup remis en question mon mode de vie, d’alimentation… elle est vraiment l’inspiratrice de ma prise de conscience ».
La prochaine étape pour Denys ? Peut-être s’engager en politique et contribuer à sensibiliser un maximum de gens aux enjeux à venir. Si Denys cherche actuellement de quelle manière son nouvel engagement va prendre forme, pour lui « Il est très important de porter le message, notamment dans des environnements où cette composante est très peu prise en considération. »
Denys n’a pas fini de nous surprendre, quand certains disent vouloir changer le monde, d’autres le font et c’est tant mieux.
Crédit photo : Denys Chalumeau, teknologik.fr