Un digital nomad est une personne qui gagne sa vie en travaillant de son ordinateur portable, partout dans le monde. Si pour beaucoup cela correspond à ne pas avoir de bureaux fixes et à travailler dans les coworking, les cafés ou les hôtels. Certains poussent le digital nomadisme un peu plus loin et décident de travailler depuis un pays étranger. On peut trouver sur internet tout un tas de témoignages de personne qui expliquent comment le digital nomadisme a transformé leur vie. Si des entreprises établies comme Buffer appliquent ces principes depuis longtemps, de plus en plus de start-ups s’y mettent. C’est notamment le cas de la startup fintech Moneytis, qui a fait du digital nomadisme l’essence même de sa culture d’entreprise.
Pourquoi vouloir créer une culture d’entreprise ? Quels sont les enjeux du digital nomadisme? Quel est l’intérêt pour une start-up de travailler depuis l’étranger? Comment arriver à faire fonctionner son entreprise autour du digital nomadisme?
La culture d’entreprise : outil de performance ou de communication ?
Pour Arnaud Knobloch, fondateur de Vadequa, une start-up qui édite un logiciel de recrutement en rapport avec la culture d’entreprise, « c’est une tendance, mais surtout un outil de communication qui se transforme que trop rarement en actions concrètes pour les entreprises. » Les grandes entreprises tentent de redorer leur image à travers la création d’une culture d’entreprise, mais elles suivent rarement les préconisations de la start-up montpelliéraine. « En ce qui concerne les start-ups, c’est bien différent. Elles sont beaucoup plus dans l’action et pour la plupart elles créent des cultures d’entreprise hyper forte sans même s’en rendre compte. C’est dans l’identité même de la start-up que cela se joue », explique Arnaud.
L’objectif de la culture d’entreprise est d’augmenter le niveau de satisfaction et d’attachement des collaborateurs à l’entreprise pour atteindre des objectifs fixés en rapport avec les valeurs de l’entreprise. En d’autre terme, rendre les collaborateurs heureux pour qu’ils gagnent en productivité et qu’ils se sentent impliqués dans la vie de l’entreprise.
Les entreprises ayant une culture forte et partagée par les salariés sont 6X plus performantes
Pour les startups c’est un moyen d’impliquer dès le départ les collaborateurs pour les fidéliser et les faire grandir en même temps que l’entreprise. « Pour les start-ups, c’est un moyen de recruter des profils qu’elles ne peuvent pas normalement s’offrir. Les profils experts sont parfois prêts à faire des sacrifices pour vivre une expérience unique » d’après Arnaud Knobloch.
Buffer privilégie le travail à distance et nomade. Chaque membre de l’équipe de Buffer décide de l’endroit où il souhaite travailler et peut se déplacer comme bon lui semble dans les quatre coins du monde, tout en exerçant ses responsabilités. Le rêve pour toute une génération qui souhaite travailler tout en voyageant ! Deux fois par an, toute l’équipe se retrouve dans un pays choisi par l’équipe, afin de ressouder les liens et persévérer dans la dynamique de l’entreprise. Une façon de travailler, sans monotonie, qui plaît et stimule la créativité des salariés. Un bel exemple de culture d’entreprise unique.L’exemple de Buffer
Le digital nomadisme : voyage et travail font-ils bon ménage ?
Avec l’avènement des technologies sans fil et des métiers du numérique, le digital nomadisme fait de plus en plus d’adeptes. Là où il était compliqué de joindre son patron par téléphone, on peut aujourd’hui faire un Skype en deux minutes.
Bien entendu ce type de mode de vie n’est pas accessible à toutes les professions. Les entrepreneurs et free-lances sont avantagés pour faire du digital nomadisme. Ce sont des professions qui n’ont besoin que d’un ordinateur et d’une connexion internet pour travailler. Énormément de secteurs d’activité sont touchés et particulièrement ceux du web 3.0 et 4.0.
Selon Arnaud Knobloch, le digital nomadisme est une véritable tendance. « On voit naitre de plus en plus de jobboard spécialisés dans le digital nomadisme et il y a de plus en plus d’initiative qui poussent à travailler depuis l’étranger. C’est une bonne chose. » Chez Vadequa par exemple, sur 4 associés, il y en a un à Chicago et un à Medellín et cela n’entrave en rien le bon fonctionnement de l’entreprise.
Remote Year : le digital nomadisme organisé
De passage à Lisbonne l’équipe de 1001startups à rencontrer le programme Remote Year, dans les locaux de Beta-i. Faire le Tour du Monde tout en travaillant, c’est le pari risqué que Greg Caplan s’est lancé il y a quelques années. Le concept ? 75 digital nomads venus des 4 coins du globe qui parcourent 12 villes en 1 an. Au programme : travail, voyage, découverte et enrichissement personnel.
De l’Amérique latine à l’Asie, en passant par l’Europe et l’Afrique, cette grande famille se nourrit de l’expérience et de l’expertise de chacun. 75 personnes c’est 75 profils tous différents et complémentaires à la fois. Une question concernant un domaine ? Plus besoin de demander la réponse à Google, un membre de Remote Year pourra y répondre !
Les participants souhaitent absolument sortir de leur zone de confort. Leur motivation principale est l’enrichissement personnel. La plupart sont freelances depuis quelques années et possèdent leurs clients, ils avaient envie de vivre une vraie aventure humaine. Certains sont en transition professionnelle, ils souhaitent trouver une idée ou un projet afin qu’ils puissent s’épanouir à travers la création d’une startup.
La position de Remote Year est très claire : ce programme n’a pas pour objectif d’apporter des affaires, les participants doivent avoir leurs propres clients. Ce projet nécessite une organisation sans failles, les membres du programme ne s’occupent de rien ! Tout est couvert par l’équipe de Remote Year qui gère les vols, hôtels, espaces de travail et l’organisation des évènements de networking.
Cette expérience hors du commun a évidemment un coût. Il faut compter 5000$ à l’inscription puis 2000$ par mois pendant 11 mois. Un niveau d’Anglais correct est exigé pour pouvoir communiquer avec tout le monde.
Vous souhaitez vous débrouiller par vos propres moyens ? C’est aussi possible avec l’aide de site comme Nomadlist qui recense toutes les informations sur les villes comme le cout de la vie, la météo, la qualité de la connexion internet ou encore le prix de la canette de Coca Cola. Vital.
Digital nomadisme et culture d’entreprise sont-ils compatibles ?
La question peut en effet se poser. D’un côté un mode de management qui tend à satisfaire au maximum les collaborateurs sur leurs lieux de travail et d’un autre un mode de vie qui fuit les bureaux fixes et les horaires imposés. Il faut parvenir à faire cohabiter la liberté à outrance avec la rigueur nécessaire pour assurer le bon développement de l’entreprise. C’est ce que parvient à faire la fintech Moneytis.
Travailler et vivre ensemble
« Au départ nous travaillions tous à distance à plus de 1000 kilomètres les uns des autres et c’était compliqué pour s’entendre sur la stratégie et les objectifs. Personne ne souhaitait rentrer en France et se poser dans un bureau, donc on a décidé de faire voyager une start-up complète tous les 6 mois ». Explique Christophe Lassuyt, CEO de Moneytis. De son côté, Étienne Tatur, CTO de Moneytis avoue « que l’avance de la France en matière de gestion de la « paperasse » en ligne est un avantage, car au final il n’y a pas de désavantage à travailler depuis l’étranger. »
Avec son concept de coliving / coworking, la start-up pousse même la culture d’entreprise à son paroxysme. Après huit mois passés à Amsterdam, Moneytis est actuellement à Lisbonne et se refuse de réfléchir à sa prochaine destination « pour profiter au maximum de la ville » selon Christophe.
« L’initiative de Moneytis est géniale. Le principe du home-office partagé à l’étranger c’est top. Cela leur permet surement d’attirer des profils experts qui ne seraient pas venus s’ils n’étaient pas à l’étranger » analyse Arnaud Knobloch. Un argumentaire dans lequel se retrouve par Julien Devoir, growth hacker chez Moneytis « Je savais que Christophe et Étienne bossaient sur Moneytis et qu’ils voulaient aller à l’étranger. C’était pour moi le moyen idéal d’allier ma carrière avec mon envie de voyage. Je ne me vois pas bosser autrement pour l’instant ».
Si pour Étienne « l’important c’est l’aventure humaine et de vivre une expérience unique », la start-up qui a récemment bouclé un tour de table de 300k€ auprès de 21 investisseurs sous forme de BSA AIR, n’en néglige pas pour autant la phase de recrutement qui vient d’attaquer. « On fait vraiment attention à nos recrutements, car ce n’est pas rien de vivre et travailler tout le temps ensemble. Nous faisons des tests de personnalité que tous les collaborateurs peuvent consulter pour éviter les situations de tension inutiles. Cela permet de comprendre les réactions des uns et des autres.» Explique Christophe.
Au-delà de cette vision partagée, travailler depuis un pays étranger est aussi avantageux en terme de coûts. L’exemple du Portugal est très parlant, les appartements loués par la start-up couteraient trois fois plus cher en France et il en est de même pour le coût de la vie. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir la communauté d’entrepreneurs expatriés français de plus en plus importante dans la capitale portugaise.
Fort de cette culture, Moneytis a lancé Destinesia. L’idée est d’inviter des free-lances ou des start-ups dans leurs grands appartements lisboètes pour partager leur expérience et créer des synergies. « À terme, l’idée ce serait de créer un écosystème start-up qui se déplace de ville en ville tous les 6 mois » explique Étienne.
Pour en savoir plus sur la culture d’entreprise de Moneytis, retrouvez l’interview des fondateurs et collaborateurs de la start-up.
Les limites du digital nomadisme en entreprise
En ce qui concerne les limites et les risques de ce modèle, « on ne sait pas ce qui peut arriver, ni combien de temps ce système fonctionnera, mais une chose est sûre c’est une expérience unique » conclue Étienne.
Pour Arnaud Knobloch, un tel modèle a forcément des limites, notamment quand les collaborateurs voudront fonder une famille, « mais rien ne les empêche de basculer plus tard vers un modèle à la Buffer. Moins communautaire, mais tout aussi nomade. »