« Les outils techniques deviennent des extensions de l’être humain. Surtout pour les jeunes, qui s’en servent pour s’affirmer en tant qu’individu et construire leur identité. Le selfie est de fait un élément extrêmement important, parce que si l’on revient à la notion d’identité, elle se construit à travers le regard que l’on a sur soi, mais aussi avec le regard des autres sur soi. Le numérique et les réseaux sociaux en particulier, favorise l’importance du regard de l’autre sur la construction de l’identité. C’est redoutable étant donné le fonctionnement en meute et les indicateurs de performance sociale que sont le nombre de followers ou d’amis Facebook, » explique Alain d’Iribarne, sociologue. Alors qu’Eva n’a pas fini de construire son identité, elle a déjà une identité numérique plus que fournie. Et est déjà traquée par les géants du web.
L’identité numérique désigne l’ensemble des informations associées à une personne, une entreprise ou une institution, disponibles sur Internet. Avec le Web 2.0, l’internet du lien entre les personnes, et le Web 3.0, l’internet des objets, les traces informationnelles que nous laissons en ligne se sont multipliées. De la photo de famille, à nos coordonnées bancaires, en passant par notre localisation jusqu’à notre CV, consciemment, mais surtout inconsciemment, nous transformons depuis une décennie notre identité physique en kilooctet pour la numériser et exister en ligne. Cette thématique devient centrale pour tous les acteurs du web, preuve en est, elle était au coeur du Blend Web Mix à Lyon, le 24 et 25 octobre dernier.
Y’a quoi dans notre identité numérique ?
Notre identité numérique repose sur de nombreuses informations que nous laissons consciemment ou non.
Les traces personnelles : email, messagerie instantanée, téléphone, hCard, adresse IP, mot de passe, moyens d’authentification.
Les traces liées aux réseaux sociaux : les posts Facebook, les tweets, les retweets, les likes, les images, les photos, les jeux et les applications de rencontres
Les traces liées aux contenus publiés : blog, podcast, videocast, portail de journalisme, photos, vidéos, musique ou liens. On retrouve aussi les avis sur des produits, des services et des prestations. Mais aussi la connaissance diffusée au travers de Wikipedia, de plateforme de FAQ ou des forums de niche.
Les traces commerciales : les achats e-commerce, avec des systèmes de paiement ou de programmes de points de fidélité qui permettent de modéliser les habitudes de consommation.
L’utilisation de tous ces outils et services alimente notre son identité numérique. La majeure partie des utilisateurs ne mesure pas encore la complexité de la gestion de l’identité numérique.
Selon Alain d’Iribarne, « les données numériques sont aujourd’hui considérées, notamment par les autres, comme une composante de notre identité. Puisque notre rapport à ces traces laissées change, la question porte désormais sur l’usage. Par exemple, on me donne un marteau, je peux planter des clous, ce qui est son usage premier d’après mon éducation et ma formation. Mais c’est aussi un objet contondant qui peut causer des blessures corporelles graves. C’est la puissance de l’outil au delà de son usage initial qui rend la fusion de nos identités préoccupante.»
Pourquoi nos identités numériques posent-elles problème ?
In real life, nous faisons attention à ce que nos données privées ne se retrouvent pas accessible au grand public. Pourtant ce niveau d’alerte change une fois en ligne. D’après Tristan Nitot, VP Advocacy de Qwant, le moteur de recherche européen qui oeuvre à une plus grande protection des données, « il y a une perméabilité toute relative entre ce que l’on met sur internet et ce que l’on garde. Je mets en ligne des tonnes de données sans le réaliser. Par exemple quand je consomme du Google Maps, je mets en ligne sur un serveur, qui même si il n’est pas consultable par le grand public, enregistre tous mes trajets personnels. Alors, un tiers détient ces données sans que moi-même je m’en souvienne. Et c’est un problème. »
Au-delà de la détention des données, l’identité numérique renvoie légitimement à la notion d’e-réputation. Dans la sphère professionnelle par exemple, l’identité numérique est primordiale. « Quand on me dit que seulement 50% des DRH googlisent les candidats, ça me fait doucement rire. Le chiffre est bien plus élevé. Nous sommes dans une société du paraitre, mais les gens n’ont pas conscience des conséquences des traces et l’omniprésence de leur vie privée sur internet. Ils s’en rendent bien souvent compte quand il y a un problème, » explique Yannick Chatelain, enseignant chercheur à l’EM Grenoble. Passer à côté du job de vos rêves pour une photo Instagram n’est plus une situation rare. En accédant directement à la vie privée numérique, certains RH peuvent même estimer qu’il est possible d’en savoir plus sur les candidats qu’en les rencontrant. Alain d’Iribarne a « croisé de « nouveaux RH » qui (lui) ont expliqué que les individus n’étaient pas bons pour parler d’eux même. Et qu’il était donc plus simple d’analyser les traces laissées sur internet, en achetant des données à une plateforme tierce, pour comprendre la personnalité d’un individu. Aujourd’hui, il est possible de connaitre les données de consommation de certaines personnes. Une identité numérique peut donc révéler donner très rapidement facilement les orientations politiques ou sexuelles, c’est très inquiétant. Quelle est la vérité de la reconstitution d’une identité à travers les traces laissées sur internet par rapport à ce qu’est réellement la personne ? » Si cette pratique RH parait très discutable, elle a aussi vocation à déjouer le fléau du web 2.0, à savoir les fausses identités numériques.
« Les traces laissées permettent le jugement entre les individus » Tristan Nitot – Qwant
Les faux comptes et profils, les mensonges, les faux avis, les exagérations sur les réseaux sociaux constituent un problème grandissant. Le niveau d’éducation de la majorité des utilisateurs d’internet n’est pas suffisant pour se prémunir des pièges, usurpations, arnaques. Oui pour gérer correctement son identité numérique en laissant le moins de traces possible.
Tous traqués sur internet ? « Je m’en fiche, je n’ai rien à cacher ».
« Ce n’est pas un enjeu réel pour une grande partie de la population. Notre société est en crise, il y a d’autres préoccupations plus importantes pour les gens. Même si l’on constate des mouvements de contestation quand il y a des scandales – par exemple le #DeleteFacebook – en réalité, même en vulgarisant, cette préoccupation ressemble à un sujet pour intellectuel pour une grande partie de la population, » estime Yannick Chatelain.
Beaucoup balaient la question en disant « je n’ai rien à cacher ». Edward Snowden caricature cette vision en disant « c’est comme si celui qui n’avait rien à dire disait qu’il se fout de la liberté d’expression. » N’oublions pas que la démocratie repose sur le droit à l’opacité pour le peuple et le devoir de transparence de la part du pouvoir. Yannick Chatelain alerte sur le risque « que le pouvoir devienne les entreprises-états comme les GAFAM, ou l’État avec l’algorithme de la loi renseignement qui permet de connaitre les opinions politiques et les religions. Cela rappelle des heures sombres de l’Histoire.»
Novembre 2016, Donald Trump est élu. Des mouvements de contestation s’organisent alors dans différentes villes via un site internet qui centralise tous les événements et délivre des informations supplémentaires. Des milliers de gens consultent alors ce site. Quelques jours après son élection, Trump a demandé de saisir tous les logs de ce site . « Tout le monde n’est pas au fait, mais sur un site internet tu laisses toujours des traces. Trump a réussi à avoir une partie des data et a mis les personnes qui ont visité ce site sur une liste d’opposants. Chose qui aurait été impossible à faire sans le numérique, » s’insurge Tristan Nitot.
Qwant, le moteur de recherche made in France qui respecte la vie privée
« On est européen, c’est bien de le préciser puisque tous les grands états ou continents ont leur moteur de recherche, mais jusque là nous n’avions rien. Nous avons notre propre technologie, nos index donc on crawle le web nous-mêmes, nos serveurs, » explique Tristan Nitot.
Le principal produit de Qwant c’est la recherche. Une recherche qui est la même pour tout le monde, sans différenciation de genre, de couleur de peau ou d’habitude de consommation. Les utilisateurs ne sont pas traqués, il n’y a aucun cookie et l’adresse IP est « hachée » donc impossible à retrouver dans les logs.
« Notre business modèle repose sur de la publicité, mais c’est de la publicité contextuelle. Elle est en rapport avec le mot clé de la recherche et non pas l’utilisateur et les traces laissées par ce dernier en ligne. Évidemment, c’est une publicité qui se vend moins cher que la ciblée de Google, donc on gagne moins, mais si c’est ce qu’il faut qui est nécessaire pour respecter la vie privée des utilisateurs nous acceptons ce compromis. » C’était le business model de Google jusqu’en 2006 avant de tomber dans cette catastrophe qu’est la publicité ciblée, qui impose l’obtention du maximum d’informations sur les individus et explique en grande partie la dérive actuelle.
Pour aller plus loin, Qwant agit en vertical dans le search. Après avoir lancé Qwant Music, la startup française a lancé Qwant junior, sans sexe, sans drogue, sans violence et encore une fois sans publicité. « Les enfants ne sont pas équipés pour comprendre la publicité donc nous ne voulons pas les agresser avec de la publicité. Sur Youtube Kids, ils sont lobotomisés de publicité Nutella et Playmobil c’est insupportable, » poursuit Tristan Nitot.
Seule entreprise française à s’impliquer autant sur la thématique des données et de la vie privée des utilisateurs dans la sphère numérique, Qwant limite ses actions de communication. « Notre première publicité TV a été une réussite, les retombées ont été très bonnes et cela a permis de lancer le débat sur la vie privée sur internet à plus grande échelle. C’est très couteux. On va relancer une grande campagne Print et Web d’ici peu. »
L’Éducation nationale a choisi de basculer par défaut sur Qwant, ainsi que l’armée française. La Caisse des Dépôts, actionnaire de Qwant, apporte à ce titre la réassurance indispensable pour convertir les plus grosses organisations publiques et privées. Côté utilisateurs, le moteur de recherche semble être également de plus en plus plébiscité. Le hashtag #SwitchToQwant est très actif sur Twitter.
« On a ouvert des bureaux à Milan et Berlin, on prépare une nouvelle version du moteur, on investit massivement. La dernière levée de fonds de 18M€ peut paraitre faible en rapport au moyen de Google, forcément ce n’est jamais assez. Mais notre mission est hyper ambitieuse. Oscar Wilde disait « Il est important d’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit. » Aller botter les fesses de Google, ce n’est pas un objectif que l’on peut perdre de vue, » conclut Tristan.
Cette peur de surveillance génère un phénomène d’autocensure sur le web. Une étude américaine s’est intéressé au « Chilling effect » après les révélations de Snowden sur la surveillance de la NSA. Cette étude a analysé l’évolution du nombre de consultations de 40 pages de Wikipedia sur le terrorisme aux États-Unis. Alors que l’audience de ces pages augmentait régulièrement, notamment à cause des attentats, l’audience de ces pages à chuté de 20% en 15 jours après les révélations de Snowden. « Les gens se sont interdit d’aller sur ces pages pour s’informer, de peur d’être fichés et considérés comme des terroristes, » estime Nitot.
Pour le VP Advocacy de Qwant, « quand on met toutes nos datas dans les mains de multinationales qui veulent tout savoir sur nous, on rend économiquement possible la surveillance de masse. Même la NSA avec son budget faramineux ne peut pas surveiller 7 milliards d’individus. Mais aujourd’hui, toutes les données sont dans les mains de 4/5 entreprises, donc avec des moyens légaux ou pas, la NSA peut avoir l’information. » Selon lui, l’individu sous surveillance est dans la soumission, la peur et accepte plus facilement l’uniformisation.
Yannick Chatelain de son côté estime que « nous sommes tellement traqués que les utilisateurs acculturés et sensibilisés ont altéré volontairement leurs identités numériques. Plus d’un milliard de personnes ont disparu du web classique pour utiliser des services alternatifs. Ce n’est pas anodin. Il y a une prise de conscience des individus qui souhaitent protéger leurs données, conserver leur vie privée et arrêter de subir les publicités de Facebook et Google… »
Quand un algo décide qui est un bon ou mauvais citoyen…
En Chine, il existe aujourd’hui une échelle de citoyenneté, donc si les pratiques des individus ne sont pas conformes à ce que détermine le gouvernement chinois, il est possible de devenir citoyen de deuxième rang, voire troisième rang. Bien entendu tout cela est rendu possible par le numérique. Le numérique ne crée pas les données, puisque les données bancaires, les enregistrements des tribunaux, les données de police existent déjà. Mais le numérique permet de croiser, d’analyser des milliers de données pour établir un score de citoyenneté.
En France, la loi Renseignement pose aussi question. Yannick Chatelain, très critique envers l’algorithme de surveillance explique qu’« il a été proposé dans une période de sidération (après les attentats de 2015). En état de sidération, les décisions prises sont rarement les bonnes, il a donc été voté sans contestation. Pourtant, cet algorithme n’est pas transparent et se donne le pouvoir de décider quel comportement numérique est bon ou mauvais. C’est un scandale. » Dans les faits, les services de renseignement peuvent surveiller légalement n’importe qui sur soupçon de terrorisme, de crime et délinquance organisée, de prévention d’ingérence étrangère, de défense des intérêts économiques, industriels et scientifiques ou encore d’atteinte à la forme républicaine des institutions. Un éventail large, très large. Trop large pour Jean-Marie Delarue, ancien patron de la Commission nationale de contrôle et des interceptions de sécurité. Selon lui « une société où il y a 200 appartements sonorisés, on peut penser que c’est pour les criminels et les terroristes. Une société où il y en a 200.000 c’est “La Vie des autres“ », compare-t-il, en référence au film de Florian Henckel von Donnersmarck qui portait sur les méthodes de surveillance de la Stasi dans l’Allemagne de l’Est.
Facebook, Google : pourquoi veulent-ils tout savoir de nous ?
Tristan Nitot rappelle que « le vrai business model de l’internet mondial c’est la publicité ciblée. C’est ce qui « drive » les revenus de Facebook et Google, et donc ça pousse au profilage des données et des utilisateurs. Nous ne sommes pas les clients de Facebook et Google, nous sommes leur bétail. Le fermier qui nourrit, loge et gave les vaches d’antibiotiques ce n’est pas par amour. C’est parce qu’il veut le lait, le veau et la viande… »
À eux seuls, Facebook et Google représentent 78% des investissements publicitaires des annonceurs dans le numérique. Un chiffre qui atteint les 90 % sur mobile et tablette. 40 millions de Français cherchent tous les mois des produits et des services sur Google. Facebook propose lui aussi de la publicité ciblée, mais il dispose d’une force supplémentaire qui est sa capacité à récupérer des informations sur vous sans que vous soyez connectés via des applications tierces. Dans son dossier consacré à la vie privée, le canard enchainé, donne l’exemple d’une femme enceinte. Au travers d’applications de suivi de grossesse, Facebook peut connaitre le sexe de l’enfant, la date de l’accouchement, le type d’allaitement, les problèmes de santé potentiels… avant même que l’enfant naisse. Ces données serviront à pusher de la publicité sur des produits de puériculture tout le long de la grossesse.
La notion reine sur internet aujourd’hui est le reach, c’est-à-dire le nombre de personnes touchées par la publication, la vidéo ou la publicité. Facebook, Google et les autres géants travaillent donc sans relâche pour nous capter et nous garder le plus longtemps devant les contenus, puisque plus de temps passé signifie plus de publicités visualisées. Tristan Nitot en est persuadé : « pour retenir il faut choquer ! Donc les algos poussent à la radicalisation des opinions. Si vous recherchez une recette de lasagne végétarienne sur Youtube, vous allez ensuite tomber sur « lasagne Vegan » puis en bout de chaine vous tomberez sur une vidéo choquante de L214. »
« L’ancienne génération a essuyé les plâtres, la nouvelle est acculturée et éduquera la prochaine pour une utilisation plus adaptée et une meilleure gestion de leur identité numérique. Le politique doit aujourd’hui s’écarter et se contenter de sensibiliser. »
La puissance de l’intelligence artificielle, couplée à l’arrivée toujours plus nombreuse d’objets connectés comme les smartwatchs et les enceintes connectées, repousse ouvre toujours plus les opportunités de la publicité ciblée. Aux États-Unis où les enceintes « intelligentes » d’Amazon, Apple et Google se vendent comme des petits pains, l’identité numérique des utilisateurs est entièrement dans les mains des entreprises qui uniformisent à coup de millions de dollars les réponses apportées par ces assistants virtuels. Amazon et Google vendent à prix d’or la position de premier de la liste, puisque l’utilisateur ne reçoit plus qu’une seule réponse à ces questions avec ces enceintes.
Pour Yannick Chatelain, « les professionnels du marketing digital et de la publicité ciblée matérialisent la surveillance illégitime des entreprises-états. » Il va même plus loin en expliquant que le RGPD, qui devait encadrer les règles de protection des données personnelles, n’a fait que renforcer le pouvoir des GAFA en créant une peur de l’amende chez les TPE/PME. Selon lui, les professionnels du marketing digital doivent comprendre très rapidement que demain, respecter la vie privée des utilisateurs de son service sera un avantage concurrentiel certain puisque la future génération de consommateur sera rompue aux enjeux du numérique.
Comment sortir de ce modèle ?
Aujourd’hui, nous sommes traqués de toute part. Les compteurs électriques de Linky, les GPS dans les voitures, la numérisation des dossiers de scolarité et des dossiers médicaux… Pour des « bonnes » raisons individuelles (économie, sécurité, santé…) c’est un système de traque générale qui est petit à petit modelé.
Ce modèle de centralisation n’est pas une fatalité. Il existe des projets numériques qui respectent totalement la vie privée et les données. Peut-être faudra-t-il que les consommateurs réalisent qu’il est parfois nécessaire de payer une petite somme pour ne plus être traqué. Les géants du web nous ont habitués à l’internet « gratuit ». Qui imagine payer son accès Facebook ? Qui imagine payer pour Gmail ? Qui imagine payer à chaque Tweet ? Qui imagine payer pour lire une vidéo YouTube ? Il s’agit en réalité d’un internet que nous payons en kilooctets de données, tous les jours, à chaque instant en étant traqués. Un utilisateur, qui donne toutes ses données, poste ses photos de vacances, like des pages, etc coûte à Facebook 4€ par an, pour lui en rapporter… 10 à 20 fois plus. Quand c’est gratuit, c’est vous le produit dit l’adage.
Pour Tristan Nitot, « nous sommes en train d’inventer le monde numérique. Ce sont nos décisions d’aujourd’hui qui feront évoluer le numérique et il ne faut pas se laisser tondre la laine sur le dos par Google et Facebook. » Quitte à se passer de certains services pour le grand public et d’une audience ou de certains revenus pour les entreprises du numérique. La garantie de notre vie privée, de notre liberté d’agir et de penser passera obligatoirement par là.
« On fait quoi du compte Facebook de mamie maintenant qu’elle est morte ? »
Voilà le genre de question que l’on ne devrait pas se poser. Pourtant, elle est de plus en plus fréquente. 1% des 33 millions de comptes français de Facebook sont détenus par des disparus. Au-delà des situations difficiles à vivre sur Facebook, du genre « souhaitez un bon anniversaire » à une personne décédée et de la question du droit à la mort numérique, il existe également un enjeu écologique primordial dans la suppression de ces comptes. « Si internet était un pays, il serait le 3e plus gros consommateur d’énergie derrière la Chine et les États-Unis. D’ici 2020, il y aura plus de morts que de vivants sur Facebook. C’est autant de comptes qui bouffent de l’énergie. On est à la chasse au CO2 et internet consomme pour des choses inutiles, » explique Frédéric Simode, CEO de Grantwill, une startup qui vous aide à gérer votre identité numérique et votre patrimoine digital après votre disparition.
La startup créée en 2017 propose de faciliter la vie administrative des ayants droit et de gérer votre identité numérique après votre mort en clôturant vos comptes ou en transmettant vos accès à une personne désignée. La startup propose aussi d’envoyer des mails à vos proches une fois que vous n’êtes plus là… « Nous sommes les premiers en Europe à faire ça, nous gérons totalement l’identité numérique post-mortem. Dans la vraie vie, vous n’avez pas à creuser la tombe du défunt, pourquoi devriez-vous le faire sur internet ? Nous sommes une sorte de croc-mort numérique, » précise Frédéric.
Au cas par cas, compte par compte, de façon confidentielle, contrairement à un testament et un coffre fort numérique, la startup permet de laisser des consignes pour chaque compte ouvert en ligne. GrantWill peut aussi être un tiers de confiance pour fermer les comptes. « Nous avons souvent la consigne « pensez à effacer mon historique ! ». On ne peut pas se permettre stocker ad vitam æternam ces données là, mais pour moi il est inimaginable de jeter des données sensibles. »
En France, près de 5,5 milliards d’euros d’assurances vies n’ont jamais été donnés aux ayants, mais combien de solde PayPal ? Combien d’abonnements Netflix ? Combien de comptes DropBox ? Combien de pages Facebook ? Une chose est sûre pour Frédéric, « aujourd’hui tout le monde se fiche de son identité numérique après la mort, pourtant c’est un gâchis écologique et de ce que l’on a construit en ligne. »