Avec la récente levée de fonds de 4,2 millions d’euros, la société montpelliéraine a été mise en lumière. Spécialiste de l’analyse prédictive, la start-up développe aujourd’hui des logiciels à destination des fintechs et de l’industrie 4.0 et arrive à prédire avec plus de 95% de fiabilité la réaction des clients ou les pannes des machines. Bien que passionnantes, l’intelligence artificielle et la prédiction interrogent, l’occasion pour nous d’interviewer Jean-Michel Cambot, fondateur et désormais Chief Strategy de tellmeplus.
Jean-Michel, le parcours de tellmeplus en 30 secondes ça donne quoi ?
Tellmeplus est né en 2011 et depuis on a pivoté deux fois. Au départ, c’était une appli sur smartphone qui présentait des produits/des offres en réalité augmentée. Avec une intelligence artificielle qui apprenait les goûts et adaptait donc les propositions faites. C’était du BtoBtoC (business to business to consumer, ndlr). En 2013, on décide de se concentrer sur le moteur d’intelligence artificielle et on axe tout sur le BtoB pur. L’accès au « toC » pose un tas de problèmes, notamment le business model et le nombre d’utilisateurs. Après plusieurs recrutements, on s’est concentré sur l’algorithme « meta active machine learning ». Concrètement c’est du machine learning supervisé par du machine learning. Cela donne donc un algo qui s’auto programme et s’auto teste.
En 90, j’ai inventé Business Object, j’ai déposé le brevet, mais je n’ai pas entrepris (…) cette fois je me suis promis d’aller au bout.
Aujourd’hui quel est l’objectif de tellmeplus avec l’analyse prédictive ?
Au départ, nous étions sur des questions marketing et nous avons basculé vers les fintechs, les assurances, les banques. Cela marche très bien, mais nous n’avons plus rien à prouver sur ce marché donc pour le fun ça serait bien de s’attaquer à un autre marché. On démarre très très bien sur l’IoT et l’industrie 4.0, notamment sur la partie maintenance industrielle. Par exemple, on est capable de prédire les pannes de machines et d’expliquer pourquoi.
C’est un apport énorme pour les entreprises qui utilisent cette technologie…
Oui, par exemple pour les banques, nous pouvons prévoir quand un client va partir. Et on le prévoit deux mois avant, ce qui nous permet d’indiquer à notre client les actions à mettre en œuvre pour le retenir. Sur la maintenance des machines aussi, notre technologie permet de réduire les coûts.
Et en terme de fiabilité des résultats ?
Sur les prédictions de maintenance des machines, qui sont beaucoup plus fiables que les humains, on est entre 97 et 99% de fiabilité. Pour les fintechs, où il y a de l’humain, nous sommes à près de 95% ce qui permet une prise de décision rapide. Nous arrivons à cette fiabilité, car nous concentrons nos efforts sur ce qu’on ne voit pas, sur des signaux presque infimes qui au final sont déterminants. Nous ne faisons pas de l’analyse prédictive par statistiques.
Je n’ai pas l’expérience pour gérer une boite de 300 personnes à l’international, puis je n’en ai pas vraiment envie non plus.
Vous avez levé 4,2 millions début février, quel est l’objectif de cette levée de fonds ?
Nous sommes à un tournant et cette levée de fonds est indispensable notamment pour nous déployer et industrialiser notre outil. Nous avons déjà conscience que ce ne sera pas suffisant pour nous déployer aux États-Unis. Nous attaquons déjà l’Allemagne où il y a une forte demande sur la maintenance, mais c’est fort probable que nous engagions rapidement la recherche de fonds pour une série A.
Justement, comment appréhende-t-on une telle croissance en tant qu’entrepreneur ?
C’est vrai que nous allons beaucoup recruter, nous allons passer de 13 à 70 collaborateurs en deux ans. C’est très simple, j’ai décidé de recruter un CEO, en la personne de Benoit Gourdon. Il était responsable du développement Europe chez Adobe après leur avoir revendu Neolane. Il a démissionné de son poste pour prendre celui de CEO de tellmeplus. Je n’ai pas l’expérience pour gérer une boite de 300 personnes à l’international, et puis je n’en ai pas vraiment envie non plus.
Et en terme de management, comment cela se passe-t-il ?
C’est un management à deux têtes, Benoit s’occupe de l’opérationnel, commercial, et c’est le représentant juridique et moi je m’occupe de la partie technique, innovation et stratégie d’entreprise, par exemple savoir quand on va attaquer le marché US, et nos axes de recherche. Je pense qu’il faut se connaitre et connaitre ses capacités. Je n’aurais pas pu justifier de ma capacité à diriger la vision que nous avons, alors que Benoit oui.
Jean Michel Cambot en live.
Comment arrivez-vous à garder les talents de votre entreprise alors que vous êtes face à des mastodontes ?
Je pense que ma façon de manager y est pour beaucoup. Cela fonctionne parce que nous sommes une petite équipe. Ensuite, je leur ai donné des BSPCE et surtout nos collaborateurs techniques sont co-inventeurs des brevets que nous déposons. Je pense aussi qu’on se choisit mutuellement, par exemple nous avons quatre PhD qui travaillent ensemble, ils se connaissent depuis des années et ils ont déjà travaillé ensemble ce qui crée une ambiance unique. Je leur fais une entière confiance.
Qu’est-ce qui vous a poussé à entreprendre ?
En 90, j’ai inventé Business Object, j’ai déposé le brevet, mais je n’ai pas entrepris. Je suis parti aux États-Unis, j’ai aidé au lancement de plusieurs startups. 20 ans plus tard, j’avais toujours la fibre de la création, mais cette fois je me suis promis d’aller au bout. Avec le temps passant, je préfère trouver la bonne équipe, qui est intéressée par le code, et moi me consacrer à l’aspect projet, stratégie ou marché. C’est ce que je trouve avec tellmeplus.
On est toujours sur le fil du rasoir, même avec un business model pertinent et validé, une technologie de folie et une équipe fantastique, rien ne peut contrôler le client.
Quel conseil donneriez-vous aux entrepreneurs ?
Ne jamais lâcher ! Le nombre de fois où je me suis dit « ça y’est c’est foutu ». J’ai eu des subventions, des business angels qui m’ont suivi, puis j’ai eu la chance de pouvoir mettre de l’argent, mais on est toujours sur le fil du rasoir. Même avec un business model pertinent et validé, une technologie de folie et une équipe fantastique, rien ne peut contrôler le client. Le tout c’est de tenir assez longtemps pour faire de la R&D sans chiffre d’affaires. On finit toujours par y arriver, il ne faut pas se décourager.