À l’heure où les ressources se font de plus en plus rares, où l’enjeu écologique prend de l’ampleur et où l’on parle de décroissance, le « modèle startup » est de plus en plus pointé du doigt. La raison ? Les nombreuses faillites de projets présentés comme révolutionnaires qui ont levé des millions avant de mettre la clé sous la porte. Pour les détracteurs du modèle startup, ces échecs prouvent la limite du modèle et aussi une mauvaise utilisation des moyens, qui crée un sentiment de rejet à l’égard des startups. Face à ce qui s’apparente souvent à de la gabegie d’argent et de moyens humains, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour réclamer un modèle différent qui viserait à planifier l’économie pour servir l’intérêt général. C’est notamment le cas de Benjamin Zimmer et Nicolas Menet , qui ont mis en avant les limites du modèle startup dans le livre au titre très polémique Startup – arrêtons la mascarade où ils décrivent un système de priorisation et de planification de l’économie comme la santé, l’éducation ou la transition énergétique. Une méthode qui n’est pas sans rappeler le modèle communiste… Alors, le communisme avait-il raison ?
Pas de marché, pas de startup?
Theranos, Juicero, Take Eat Easy, Save,… Nombreuses sont les startups qui se sont plantées après avoir pourtant séduit des investisseurs et levé des millions d’euros.
Parmi ces faillites, il y a malheureusement quelques escrocs qui rendent désormais des comptes à la justice. Pour les autres, la plupart du temps, deux raisons principales sont à retenir comme causes d’arrêt. Soit l’entreprise ne trouve pas son marché, soit les fondateurs ont manqué d’expérience. Ce premier point, qui à première vue, peut paraître évident et considéré comme un pré-requis à l’entrepreneuriat, ne l’est apparemment malheureusement pas. En effet, nombreux sont les entrepreneurs à se lever un matin avec une idée qu’ils pensent révolutionnaire, investissent toute leur énergie et leur argent pour la faire naître et la rendre parfaite. De cette manière en réalité, ceux-ci sortent un produit qui n’intéresse personne, si ce n’est eux.
Sur Internet, on parle souvent de « wannabe », terme utilisé pour désigner ceux qui aspirent à entreprendre, mais qui bien souvent ne sauteront pas le pas, faute de courage ou de compétences. La faute à la hype qui entoure les startups, le mythe du self made man qui entreprend dans son garage ou via Internet est un parcours qui est bien souvent présenté comme facile et couronné de succès. La réalité est bien différente, et l’entrepreneuriat est toujours un long chemin tortueux qui demande une persévérance à toute épreuve et de nombreuses remises en question.
Un marché = une utilité?
Dans le même temps, la démocratisation des technologies a permis à de nombreux projets à l’impact sociétal relatif de prospérer. Parmi ceux-ci, le réseau social Tik Tok (anciennement Musicaly) qui permet aux adolescents de réaliser des play backs sur des chansons à la mode peut sembler assez controversé. A la croisée de Vine, YouTube et Instagram, le contenu publié sur cette plateforme est souvent critiqué pour son aspect considéré comme plutôt superficiel, voire sexualisant. Un carton commercial n’est donc pas synonyme d’une utilité sociale.
Dans leur livre Startup – arrêtons la mascarade, les auteurs préconisent d’identifier les thématiques les plus utiles à la société et de réaliser des appels à projet pour en confier l’exécution à des startups, réputées beaucoup plus innovantes et agiles que l’Etat. Elles ont en effet l’avantage immense de la connaissance du marché et de la proximité avec les utilisateurs. Cette méthodologie permettrait de concentrer les moyens sur des projets utiles à la société et ainsi éviter le saupoudrage d’argent public avec les subventions, crédits d’impôts ou autres incitation de défiscalisation. Double effet kiss-cool, les investisseurs qui mettraient des billes dans ces startups répondant à un vrai besoin, seraient ainsi presque assurées d’un retour sur investissement à court terme. Par ailleurs, en ne définissant que quelques domaines prioritaires pour le développement de l’économie, l’Etat pourrait en profiter pour placer à la tête des instances en charge de la distribution des aides publiques de véritables professionnels et « contrôleurs » des domaines en question.
Redéfinir l’accompagnement des entrepreneurs
Aujourd’hui, la majorité des structures d’accompagnement publiques sont généralistes. Et il semble bien difficile pour un chargé d’affaires en incubateur d’être expert sur toutes les thématiques des startups qu’il accompagne. Comment peut-on en effet connaître de manière poussée le marché de l’agro-alimentaire, de la e-santé et de la blockchain dans le même temps ? Cette impossibilité conduit bien souvent à un mauvais accompagnement et à des startups qui ont de mauvais réflexes et indicateurs, et qui vont fermer leurs portes lorsque la perfusion des subventions s’arrête. Dans le cas des startups hardware, si la recherche et le développement sont souvent effectués en France, la production industrielle est dans 90% cas réalisée à l’étranger. L’argent public investi permet donc de créer bien souvent plus d’emplois à l’étranger qu’en France.
Enfin, un autre effet intéressant d’une telle pratique, grâce au numérique, serait de permettre aux citoyens de voter et suivre les startups qui oeuvrent pour leur bien être. Sans effort, l’offre rencontrerait ainsi la demande, l’open data permettrait un meilleur contrôle des fonds utilisés et on limiterait ainsi les abus.
Dans ce contexte, collectiviser l’économie n’est donc peut-être pas une si mauvaise idée… à condition de laisser de la flexibilité pour permettre à nos entrepreneurs et autres inventeurs la liberté d’entreprendre et de se planter. Avant, on l’espère, de mieux rebondir.