Le marché du pressing en France n’a pas évolué depuis des décennies et son modèle économique repose toujours sur de petites entités de production. « Avec près de 600 pressings uniquement à Paris, la capitale compte autant de mini-usines polluantes qui déversent régulièrement des produits chimiques dans les canalisations » explique Alphadio Olory-Togbé, co-fondateur du Lavoir Moderne. Avec l’arrivée du Lavoir Moderne, entreprise parisienne lancée en 2014, ce modèle économique obsolète change. Plus écologique et économiquement plus raisonnable, cette startup remplace les petites entités du centre-ville par de grands Lavoirs situés hors agglomération. Dans le cadre de son développement, le Lavoir Moderne annonce aujourd’hui une levée de fonds de 3 millions d’euros. Son co-fondateur répond à nos questions !
Alphadio peux-tu expliquer comment fonctionne Le Lavoir Moderne ?
Le Lavoir Moderne propose le traitement de tout type de linge avec une livraison à domicile en 30 minutes, dans tout Paris et sa petite couronne. Tout cela en un simple clic via une application mobile gratuite. Un service disponible entre 10 et 22 heures tous les jours : une vraie révolution par rapport aux pressings qui ferment traditionnellement à 19 heures. Ainsi, le pressing qui était jusqu’à aujourd’hui un service de luxe, devient accessible à tous avec des tarifs extrêmement bas : 4 euros pour un kilo de linge, ou encore 1,50 euros pour une chemise (contre 4 euros en moyenne), livrés directement aux portes des Parisiens.
Comment parvenez-vous à proposer ses tarifs et cette qualité de service ?
En industrialisant toute la chaine opérationnelle de traitement du linge (nettoyage, séchage, repassage et livraison), le Lavoir Moderne a pu proposer des tarifs jusqu’à quatre fois moins chers que ceux d’un pressing traditionnel. La start-up parisienne ne fait appel à aucun prestataire et maitrise toutes les étapes du service proposé.
Le Lavoir Moderne a créé un modèle industriel basé sur la robotique, l’intelligence artificielle et la traçabilité (puces RFID). Pour illustrer l’efficacité et la rapidité du service rendues possibles grâce à la robotisation, les fondateurs comparent les performances d’un Lavoir avec un pressing traditionnel ou avec le fait de le faire soi-même à domicile : 100 chemises repassées par heure contre 10 à 12 dans un pressing ou encore jusqu’à cinq fois moins d’eau et de produits de nettoyage consommés qu’à domicile pour un même kilo de linge.
Alors que beaucoup de startups tentent de redynamiser les centres villes et les commerces de proximité vous faites le pari inverse. Pourquoi ce choix ?
Pierre-Henri Canonne (l’autre co-fondateur du Lavoir Moderne) et moi faisons également ce pari ! Notre système de distribution combine des stocks de proximité situés en centre-ville avec des scooters électriques qui nous permettent d’arriver à la porte des citadins avec un très faible impact CO2 et aucun bruit. Avec le Lavoir Moderne les centres villes du futur seront plus agréables à vivre, génèreront à la fois plus d’activité avec la livraison à domicile et moins de pollution avec le déplacement des machines d’entretien de vêtements vers l’extérieur de la ville. Cette relocalisation de la production nous permet par exemple de recycler l’eau et les calories dans des proportions impensables en centre-ville.
La startup annonce une levée de fonds de 3 millions d’euros, quels sont les objectifs de cette levée ?
Aujourd’hui, on annonce une levée de fonds de 3 millions d’euros, une première tranche sur les 11 millions prévus en 2018. Ce tour de table a été réalisé auprès de certains membres du comité stratégiques du Lavoir Moderne : Denis Duverne (Président du Directoire d’Axa), Axel Plasse (Directeur de la Stratégie Moteur de Renault-Nissan) ainsi qu’auprès de Centuria Capital et Industry Capital.
Les projets de l’entreprise liés à la levée de fonds concernent notamment le recrutement d’une trentaine de collaborateurs supplémentaires, en passant ainsi de 50 employés à 80, d’ici fin 2018. Le Lavoir Moderne prévoit également l’ouverture d’une deuxième unité de production de 2 000m2 dans le Val d’Oise (95) en attendant une giga-factory de 10 000m2 dans la même région en juin 2019. Cette deuxième usine permettra au Lavoir Moderne de proposer un service encore moins cher et desservir la banlieue parisienne, avant de se développer dans les plus grandes capitales européennes.
On voit rarement les startups se lancer dans les Giga factory. Est-ce la seule possibilité pour vous d’optimiser cette supplychain et du coup votre rentabilité ?
En effet, pour l’instant peu de startups s’attaquent à autre chose que le digital pur ! Nous préfigurons une génération d’entreprises dans lesquelles le digital transforme l’expérience client mais également la manière de faire le métier. Le nôtre est avant tout industriel et il nécessite des Gigafactory en raison de la nature de notre production. Le pressing est resté jusqu’ici une offre cantonnée à moins de 3% de l’entretien de vêtements de particuliers en raison de prix élevés liés au mode de production artisanal. Amener les consommateurs à changer de mode de vie en faisant appel à nos services est bon pour leur confort, bon pour l’environnement, mais ne fonctionne que si c’est également bon pour leur portefeuille ! Or pour proposer des tarifs compétitifs par rapport au faire soi-même, il faut être dans des proportions d’optimisation du geste et de volumes produits gigantesques. C’est le rôle de notre Giga factory. Un exemple simple : en une heure un particulier un peu enthousiaste repasse 5 à 6 chemises; un artisan pressing en repasse le double; nos robots de repassage en font dix fois plus que le repasseur professionnel, sans faire transpirer ni abîmer la santé de nos collaborateurs. Ce changement de paradigme nous permet de proposer la chemise lavée écologiquement, repassée et livrée à domicile à 1,50€ avec une rentabilité meilleure que celle d’un pressing.
Avez-vous prévu une ouverture dans d’autres villes françaises ?
Tout à fait. Nous avons un important programme d’ouvertures qui suivra la fin de notre démonstration à Paris. Nous prévoyons également de nous déployer dans d’autres villes européennes, dont la configuration est souvent plus simple que celle de Paris. En France nous visons principalement les grandes agglomérations comme Bordeaux, Lyon ou Lille, mais à terme tous les ensembles urbains de plus de cent mille habitants pourront être éligibles. Il reste à inventer un modèle pour les non-citadins, qui n’aiment pas non plus la corvée de linge, mais je fais confiance à nos ingénieurs et nos logisticiens qui sont brillants : ils en trouveront un dans les trois ou quatre ans à venir !
