Depopass a été créée en juin 2015. Les trois fondateurs, Romain Stutzmann, Frédéric Ribau et Vincent Deumier avaient pour but de sécuriser, de faciliter et de rendre plus flexibles et rapides les transactions automobiles et paiements de biens de valeur entre particuliers. Le succès très rapide qu’a connu la startup a attiré les convoitises de grands groupes bancaires. Moins d’un an après sa création, le groupe BPCE rachète la startup. Au-delà de la technologie et d’un besoin marché réel, Depopass a beaucoup misé sur l’humain et les valeurs. De plus en plus de startups se penchent sur cet alignement de valeur avec le business, mais est-ce possible d’aligner valeur et startup ? Pourquoi les valeurs sont-elles aussi importantes ? Rencontre avec Romain Stutzmann, fondateur et directeur général de Depopass.
Interview de Romain Stutzmann, fondateur de la startup Depopass
Romain, pourquoi travailler sur les valeurs de l’entreprise est-il primordial ?
Il faut de la cohésion, du sens et de l’alignement dans tout. Les startups n’y échappent pas. Au fil de ma réflexion et de mon expérience, j’arrive à comparer une entreprise à une famille. Avec des principes, des valeurs, un historique, des choses qui ne se font pas et on ne sait pas vraiment pourquoi, mais c’est ainsi, des aînés, des cadets, une transmission de savoirs, une direction, des rituels, une intégration des « pièces rapportées », des partenaires en second cercle et en somme des objectifs communs. Et c’est parce les valeurs sont partagées, clairement identifiées, parce que chaque membre y adhère que ça fonctionne. Et que ceux qui n’y adhèrent pas finissent par la force des choses par s’en écarter. Les valeurs sont donc fondamentales et représentent le socle autour duquel on « empile » les briques et les expériences. Si le socle n’est pas solide, c’est à mon sens tout l’édifice qui peut vaciller.
En quoi cela est une force pour une startup ?
C’est une force, car une startup part de zéro. C’est facile de définir des valeurs depuis une feuille blanche et elle a l’occasion ainsi de créer l’avenir. De réfléchir, sélectionner et faire évoluer, si besoin, les valeurs autour desquelles elle avance. C’est beaucoup plus difficile pour un acteur industriel ou une société qui a plusieurs années d’existence de revenir en arrière et de solidifier son socle de valeurs. Les valeurs représentent un vrai parti pris. Les valeurs d’une startup ont vocation à fortiori à être clivantes de par les changements que l’on veut apporter et de par notre vision que l’on veut imposer au marché.
Les valeurs sont-elles un critère dans le business ?
C’est un guide, mais il ne faut pas se mentir dans le business, sur le long terme, la réalité te rattrape. Les valeurs permettent de s’assurer de la compatibilité de nos partenaires et donc in fine de l’efficacité des deals que l’on signe et de leur pérennité. Les valeurs de l’entreprise doivent être totalement assumées et amènent à faire des choix. De l’inclusion comme de l’exclusion. Je pense notamment aux partenaires business avec lesquels on collabore. Le fait d’avoir des valeurs très marquées permet de trouver des partenaires qui nous correspondent et avec lesquels on sera naturellement alignés, intégrés et donc beaucoup plus efficaces .
Par exemple, dans nos premières discussions avec des partenaires stratégiques, on a commencé par dire qui on était et ce qui était important pour nous avant même de décrire notre solution de paiement sécurisé. Si notre ADN est bien clair, alors la solution que l’on déploie est en phase avec celui-ci. Si les valeurs du partenaire sont communes ou en partie communes, alors le deal est naturel, voire évident.
Qu’avez-vous mis en place pour vous assurer du bon fonctionnement et de l’alignement de ces valeurs ?
Nous avons gravé dans le marbre notre ADN. Même si on ne s’interdit pas de l’adapter au fil de l’évolution de l’entreprise. C’est avec notre ADN et autour de nos 3 valeurs fortes que nous recrutons, évaluons nos équipes, communiquons à l’extérieur et en interne, travaillons, arbitrons les décisions. À savoir la sécurité. Nous sommes instinctivement et perpétuellement vigilants à la sécurité et mettons en œuvre une nécessaire rigueur et qualité pour protéger nos clients. La deuxième valeur forte c’est « Care ». C’est à dire prendre soin, apporter un accompagnement, avoir le sens du service. C’est avoir le sourire et de la chaleur dans nos voix. Enfin la troisième, c’est la conquête, nous avons la volonté et l’énergie de progresser, de changer les choses, de viser haut et de garder un esprit et un élan de start-up agile.
Nous sommes en harmonie parce que notre ADN est connu et partagé par et auprès des équipes. Les décisions sont fluides, nous n’avons pas besoin de plusieurs niveaux hiérarchiques pour laisser de l’autonomie décisionnelle à nos équipes, de ce fait notre action collective a du sens. Nous sommes alignés et nous gagnons du temps au quotidien ce qui est une force pour chercher la performance.
Quels conseils donnerais-tu à des startuppers qui souhaitent lever des fonds ?
Je leur dirai que la recherche de fonds est une chose, mais pas une fin en soi. Bien sûr c’est le nerf de ma guerre, mais lever des fonds ne suffit pas. Si les fonds viennent se poser sur une structure friable, ça ne résoudra pas les problèmes internes. Une des plus grandes difficultés à gérer reste l’humain et c’est primordial d’aligner les équipes autour d’un socle commun composé de valeurs, d’objectifs, de rituels, de principes et d’habitudes communes.
Le conseil que je serais donc tenté de donner c’est de constituer quelque chose de solide. Si petit soit-il. Il faudra le faire grandir et évoluer au gré des membres qui viendront le composer et faire évoluer cette communauté. D’où l’importance des premiers associés. Il ne faut pas s’associer que par communauté d’intérêt financier ou d’association de compétences. Il faut aussi partager des valeurs communes. C’est ça qui fera l’identité forte de la boîte et finalement sa force et sa différenciation.