Peu connu du grand public, InVivo est un groupe coopératif qui représente plus de la moitié des agriculteurs français. Avec près de 10 000 salariés et des métiers très variés couvrant l’ensemble de la chaîne alimentaire, de la semence à la distribution, InVivo doit anticiper les grands enjeux de demain pour pérenniser l’agriculture française. Un pari que le groupe relève, en lançant InVivo Food & Tech, son laboratoire d’expérimentation et InVivo Quest, son concours pour repérer les futures pépites de l’Agtech et de la Foodtech.
Rencontre avec Yves Christol, directeur d’InVivo Food & Tech, pour parler agriculture, startups et innovation.
InVivo est assez peu connu dans l’écosystème startup. Pourtant, vous représentez de nombreux métiers sur l’ensemble de la chaîne alimentaire.
InVivo est un groupe coopératif qui représente 220 coopératives, soit près de 300 000 agriculteurs français. Nous avons 5 métiers distincts, dont l’objectif commun est de représenter et valoriser l’agriculture française.
Notre premier métier historique c’est l’agriculture : nous couvrons l’ensemble des besoins des agriculteurs, de la semence jusqu’à la vente des productions, en passant par le stockage. Notre second métier concerne la nutrition et la santé animale avec notre filiale Neovia. Notre troisième métier est le retail avec l’enseigne Gamm Vert notamment, qui représente plus de 1000 magasins. Sur la partie alimentation, nous avons lancé Frais d’ici, qui propose des produits frais provenant à 80% d’agriculteurs sourcés autour du magasin. Notre objectif est de dépasser rapidement les 100 magasins pour assurer une bonne couverture sur le territoire Français !
Le 4e métier d‘InVivo est le vin. Nous fédérons les coopératives viti/vinicole et aidons les producteurs français à exporter leur production. Nous avons récemment fait l’acquisition du distributeur Baarsma Wine, qui nous permet d’accélérer la promotion et la distribution du vin français partout dans le monde.
À ces quatre métiers s’ajoute aujourd’hui Food & Tech, dont l’objectif est de créer toujours plus de valeur pour les agriculteurs, en concevant de nouveaux produits et services en s’appuyant sur la révolution digitale. Nous nous positionnons comme le laboratoire d’innovation et d’expérimentation du groupe, avec quatre thématiques fortes : NewFood, UrbanFood, Retail4food et Digital Market. Notre mission est d’anticiper et expérimenter les projets : avec quel acteur travailler, quelles entreprises ou technologies racheter, quel brevet développer, etc.
Quelles sont les grandes innovations à venir dans l’alimentation de demain ?
New Food représente tout ce que l’on mangera dans 10, 15 ou 20 ans. Comment faire pour qu’il y ait moins de déséquilibre Nord/ Sud, moins de déséquilibre entre les régimes alimentaires, tout en sachant qu’il faudra nourrir 2,5 milliards d’individus supplémentaires ?! L’un des grands enjeux concerne les protéines avec plusieurs pistes à exploiter : les insectes, les algues, les protéines végétales, mais aussi le développement des protéines animales en laboratoire. Le potentiel des algues et des micros algues me semble très prometteur. Les algues se cultivent très facilement, le développement de phytotières par exemple, permettrait d’en produire dans chaque foyer. Mais au-delà des aliments, il s’agira aussi de trouver des nouveaux procédés de fabrication, pour produire plus efficacement, mieux conserver les vitamines, le goût, intégrer de nouveaux ingrédients, etc.
On sera demain capable de produire du steak de protéines animales sans vache
Le sujet Urbanfood aborde l’ensemble des réflexions autour des populations urbaines,qui représentent déjà plus de 50% de la population mondiale et qui seront de plus en plus difficiles à atteindre. Dans le futur on accèdera au centre d’une mégalopole de plus de 10 millions d’habitants en plus d’une journée. Çela engendrera des conséquences importantes sur l’alimentation : des produits moins frais et de moins bonne qualité nutritionnelle, car cueillis de plus en plus tôt avant leur maturité, des taux de gâchis alimentaire plus élevé du fait de l’allongement des transports et une empreinte carbone croissante. Des solutions émergent pour produire des fruits et légumes au cœur des villes, mais aussi des protéines sans animaux. On sera par exemple demain capable de produire du steak de protéines animales sans vache, avec des cultures biologiques.
Le Retail promet aussi de grands bouleversements sur l’ensemble de la supplychain. Il est nécessaire de repenser le chemin de l’aliment depuis le champ ou la ferme jusqu’à la bouche du consommateur. C’est ce que l’on appelle chez nous le A to C, from Agriculture to Consumer. Le gâchis alimentaire est aussi un sujet important, puisque près de 30% des fruits et légumes finissent à la poubelle, que ce soit dans les étapes logistiques, chez les distributeurs ou à la maison. Pour apporter des produits plus frais au consommateur, l’une des pistes est de poursuivre la pousse du végétal pendant le trajet de livraison. Il est certain qu’une plante sans ses racines se flétrit et s’abime plus vite, alors pourquoi ne pas conserver les racines des salades, par exemple, jusqu’à la consommation ? Une salade qui a encore ses racines se conserve 3 semaines de plus ! Les nouveaux modes de distribution doivent raccourcir et rendre utile le trajet des aliments, ainsi ils garantiront un meilleur revenu aux agriculteurs et une plus grande fraîcheur au consommateur.
La traçabilité est aussi une grande préoccupation des consommateurs. Demain, on peut imaginer par exemple des petits appareils que l’on passera sur les fruits et légumes, et qui nous délivreront un ensemble d’information comme le taux de vitamine, la qualité nutritionnelle, les phytosanitaires présents sur le produit…
Enfin, la couche Digital Market permet de développer les circuits courts grâce au digital, mais au-delà, de réfléchir à comment informer les agriculteurs des tendances et des attentes des clients. Qu’est ce que le consommateur accepte, de quoi a-t-il envie en termes de goût, de praticité, de nouveaux produits ? Il est important que les agriculteurs puissent facilement accéder aux informations pertinentes pour faire évoluer leurs productions et leurs pratiques. Nous travaillons en ce sens sur le développement d’une place d’échanges où le consommateur pourra discuter avec l’agriculteur de ses attentes d’aujourd’hui et de demain, en termes de goût, de coût, de modes de consommation. Dans d’autres univers on appelle cela la co-création, pour nous c’est donner du sens à la relation entre consommation et production agricole, en donnant libre accès aux études consommateurs à chaque agriculteur en l’aidant à interpréter les tendances de fond.
Avec InVivo Food&Tech, nous souhaitons expérimenter, entre autres, ces différentes pistes. L’objectif étant de faire la preuve du business avant de transférer les projets aux métiers du groupe. Pour mener ces innovations, nous souhaitons intégrer au maximum les entreprises et les startups existantes de l’agriculture et de la foodtech.
Alors justement, parlons des startups ! Beaucoup d’acteurs se positionnent sur les startups et pourtant peu d’entre eux leur apportent vraiment de la valeur….
Si notre fond d’investissement InVivo Invest est assez récent, il s’avère que nous travaillons déjà avec des startups depuis plusieurs années et que le groupe a déjà procédé au rachat de la startup SMAG par exemple.
Nous devons nous adapter aux besoins des startups et de ne pas leur imposer de rentrer dans des cases précises !
Pour les investissements déjà opérés auprès des startups « Il était un fruit » et « 10-vins », le groupe les accompagne au-delà de l’aspect financier, notamment au niveau commercial et marketing. Nous avons par exemple ouvert nos réseaux de distribution à « Il était un Fruit » et l’avons accompagné dans son plan marketing et commercial. Concernant 10-vins, nous les avons encouragé à retravailler les priorités de leur stratégie marketing, en adressant les CHR haut de gamme dans un premier temps, pour toucher plus facilement par ricochet leur cœur de cible BtoC.
Les startups débutent avec peu d’argent et des méthodes qui leur permettent de rapidement pénétrer les marchés. Ainsi, elles adressent souvent leurs clients exclusivement sur des canaux Online. Mais pour passer à plus grande échelle dans la production et la distribution, il faut parfois aller chercher des nouveaux canaux de distribution et structurer l’organisation. Nous pouvons les accompagner sur ces points, du fait de notre réseau et notre expérience sur ces métiers. Nous avons créé des incubateurs à Vannes,, Paris et Montpellier, afin d’accompagner à la fois les projets d’intrapreuneuriat du groupe et les startups. Nous n’avons pas souhaité créer d’accélérateur ou de programme d’accompagnement, parce que nous pensons que chaque startup à des besoins spécifiques en fonction de son stade de développement et des envies de ses fondateurs. Certaines startups ont besoin de locaux, certaines recherchent des fonds, des réseaux de distribution ou plutôt des clients dans l’agriculture… On va travailler avec chaque startup sur l’analyse du besoin et prioriser les champs d’action sur lesquels on est légitime pour les accompagner. En fonction du besoin principal de la startup, nous attribuons un référent en interne à qui l’on dégage du temps pour cet accompagnement. Si la startup nous intéresse à long terme, on peut également envisager de prendre des parts lors d’une levée de fonds. Nos deux fonds d’investissement sont positionnés en early stage, avec des tickets allant de 150 à 500k€. L’idée est vraiment de s’adapter aux besoins des startups et de ne pas leur imposer de rentrer dans des cases précises !
Par ailleurs, nous sommes un groupe avec un ADN coopératif… nous sommes au service des agriculteurs, et nous restons une entreprise organisée en métiers à taille humaine, avec des réflexions à horizons agricoles, le long terme ne nous fait pas peur ! Ça nous différencie des grands groupes industriels, voire des groupes financiers qui ont souvent des objectifs à plus court terme. Nous sommes un partenaire stable ! Même dans le cadre de nos investissements, nous ne cherchons pas à faire des millions en quelques mois. Notre visée c’est 3 ou 4 ans avec des objectifs concrets de vente et distribution. In Vivo Invest doit être une porte d’entrée pour tous les projets d’innovation qu’ils soient interne ou externe au groupe. L’objectif étant de créer une logique d’open coopération vertueuse sur les sujets de l’agtech, la foodtech et la winetech.
Au-delà des startups, nous cherchons aussi à accompagner des projets de laboratoires qui peuvent devenir des spin-off, des étudiants avec des idées, travailler avec des laboratoires sur des brevets en communs etc. Notre démarche d’innovation est assez large.
Comment identifiez-vous les startups avec lesquelles vous travaillez ?
Aujourd’hui, nous sommes conscients que le groupe InVivo est peu connu, du grand public et des startups. Pourtant, nous représentons une part importante de l’agriculture française et avons pour objectif d’apporter de l’innovation dans le monde agricole. Bien au-delà de l’approche traditionnelle de l’agriculture : achat/ production/ revente, notre métier est aujourd’hui largement tourné vers la smart agriculture, la création et le traitement des datas, les nouvelles technologies, les nouveaux ingrédients… Développer l’innovation dans nos métiers est capital. Nous en sommes conscients, et c’est la raison pour laquelle nous venons de lancer notre concours InVivo Quest, afin de rencontrer l’ensemble des acteurs locaux et détecter les pépites présentent sur l’ensemble du territoire français.
InVivo Quest cible trois niveaux différents. Les startups et les réseaux locaux d’entrepreneuriat constituent le premier niveau. Nous venons de lancer notre appel à candidature pour les startups de l’agriculture et de la food afin qu’elles viennent nous présenter leurs projets ainsi que leurs besoins en termes de développement. L’objectif étant par la suite de sélectionner les startups avec lesquelles nous pourrons collaborer, à la fois commercialement et financièrement.
Le second niveau concerne les étudiants, que l’on souhaite mobiliser lors d’une journée, pour faire émerger des idées autour des enjeux de l’alimentation de demain. Dans les écoles, on souhaite mixer les étudiants de filière agro, d’écoles d’ingénieur et d’écoles de commerce, afin de créer des synergies. Enfin, le troisième niveau concerne la stimulation et l’accompagnement de l’intrapreneuriat au sein du groupe. Souvent les salariés ont plein d’idées dans les cartons, mais ne bénéficient pas de réel soutien. InVivo Quest souhaite créer un véritable élan, une émulation autour des nouveaux projets et les soutenir dans la durée.
Nous avons de très beaux talents en France dans le domaine de la foodchain, mais nous n’avons pas encore réussi à faire émerger de gros projets. Pourtant, dans les défis à relever, la France a une grande place à jouer : la production et la santé c’est important, mais le goût reste primordial ! La France est le pays de la gastronomie, en fédérant nos agriculteurs, nos innovateurs et nos chefs, la FoodTech pourra sans aucun doute revêtir la Frenchtouch !
1001startups, média partenaire Invivo Quest