L’optique en France se porte bien, mais pour combien de temps encore ? Avec un chiffre d’affaires de 5,85 milliards d’euros, on pourrait se dire que tout va bien, mais non. C’est l’arbre qui cache la forêt. Déjà en saturation depuis plusieurs années, le nombre de points de vente a encore augmenté ce qui se répercute par une baisse directe du chiffre d’affaires de chaque point de vente.
Pourtant, les quelque 13 millions de paires de lunettes vendues pour un prix moyen comprenant monture et verre oscillant entre 384 et 589 euros continuent d’attirer les protagonistes sur un marché compliqué. Le déclin est annoncé d’après Jean-Pierre Champion, patron de Krys, «le marché va perdre un milliard d’euros d’ici à trois ans». Pas vraiment une bonne nouvelle quand on sait que la France diplôme trop d’opticiens, environ 2000 par an contre un besoin de 1000. Les chiffres sont alarmants, mais les startups s’en moquent royalement, et elles ont bien raison.
Ces startups qui cassent les prix
Acheter des lunettes coute cher. Alors pour éviter de se demander si votre mutuelle prend bien en charge cette dépense, certaines startups ont eu l’idée de vendre des lunettes Low cost et de qualité. C’est possible ! Le leader du marché de la vente en ligne c’est Happyview. Depuis près de 6 ans, l’enseigne s’est imposée comme le 1er opticien en ligne. Il se vend entre 80 et 100 paires par jour sur le site.
Warby Parker, c’est la success-story dans la lunetterie depuis près de 5 ans outre-Atlantique. Lunettes design, économique (79$ en moyenne) et surtout solidaire, car pour chaque paire vendue, la marque offre une monture à une personne dans le besoin. Avec près de 250 millions de dollars levés depuis ses débuts (100 millions début 2015) nul doute que la firme américaine va bientôt débarquer en France.
E-vioo, cette startup grenobloise fondée par Philippe Wargnier, au départ entre autres de Spartoo, propose le B2B2C comme mode de vente et en profite pour baisser la note de 40%. On fait la sélection et la commande en ligne et on reçoit ses lunettes chez l’opticien le plus proche qui s’occupe des réglages.
Otiko, c’est un peu le Uber de l’optique. Elle vend les montures et verres entre 39€ et 199€ suivant les corrections. Comment obtenir ses prix ? Très simple, la startup lyonnaise s’appuie sur un réseau de pharmacies partenaires pour la vente et n’engage donc aucuns frais de boutique. La pharmacie qui touche une commission de 30% sur la vente se charge de faire les essais grâce à l’application fournie par Otiko.
Ces startups sans correction
Agir dans le monde de l’optique sans prendre en compte les corrections visuelles des personnes c’est possible. Loin de la baisse des prix et des guerres avec les opticiens, la startup Eye-contact a développé les verres Blueberry pour tous ceux qui veulent se protéger des lumières bleues émises par les LED. Les verres sans correction s’adressent à toutes les personnes qui veulent se protéger les yeux ou juste avoir l’air cool avec des lunettes design.
SeeConcept surfe aussi sur cette vague des lunettes sans correction. Un effet loupe qui s’adresse à une population grandissante, les séniors souvent atteints de presbytie. Au départ en libre service dans les bureaux de poste et les banques, la startup attaque aujourd’hui le marché du particulier avec sa collection LetMeSee. Les créateurs se rêvent en Swatch de l’optique et ils sont en train de réussir leur défi puisqu’il réalise près de 70% de leur chiffre d’affaires à l’export.
Ces startups qui règlent le problème des rendez-vous
Prendre un rendez-vous chez l’ophtalmo c’est le parcours du combattant. Attente interminable, annulation intempestive… c’est fini. Tout du moins, c’est ce que promet la startup Net Ophtalmo propriétaire du site rdvophtalmo.com. Vous sélectionnez la date, l’heure et le lieu et, magie de l’internet, le site vous trouve un rendez-vous. Vous pouvez aussi trier les résultats par tarif, fini donc la surprise du dépassement d’honoraire.
Même constat chez Les Opticiens Mobiles, qui proposent de faire les rendez-vous à votre domicile. Vous prenez un rendez-vous, l’opticien se déplace où vous souhaitez, après le choix et l’acceptation du devis, l’usine fabrique vos lunettes et les livre où vous le souhaitez.
Pour Verre2vue, la donne est simple. Votre opticien est ouvert pendant que vous êtes au travail, pas de problème il vient donc sur votre lieu de travail. Si certaines administrations pouvaient s’inspirer du modèle cela serait très utile, je dis ça je dis rien.
Ces startups qui s’occupent de vos lentilles
On ne peut pas parler du marché de l’optique sans parler des lentilles qui représentent 3 millions de porteurs soit près de 9% des personnes ayant besoin d’une correction visuelle. Lancé en 2005, par Orianne Garcia, lentillesmoinscheres.com est le pionnier du marché en France. Les économies de structure réalisée leur permettent de vendre les produits 30% moins cher en moyenne.
Sur la même idée Expertlentille, propose des lentilles de contact à la sauce made in France avec un crédo la sécurité. Pour la première fois, je vois le mot « ordonnance » écrit en gros. Rassurant.
Autre acteur de ce marché, malentille.com, propriété d’Happyview puis aujourd’hui du groupe audiovisuel M6, demeure un des acteurs très importants du marché de la lentille de contact. Le marché se stabilise en attendant l’arrivée des lentilles connectées sur lesquelles toutes les startups travaillent d’arrache-pied. Même Google a fait de ce projet le fer de lance de son activité de santé.
Ces startups qui disruptent les lunettes de soleil
Si certains des acteurs sus-cités sont aussi présents sur le marché des lunettes de soleil, d’autres ont tout misé sur l’été. C’est notamment le cas de l’anglais Tens, avec une idée qui séduit un grand nombre. Des verres solaires qui reproduisent les filtres du célèbre réseau Instagram. La promesse « Filter your world » est plus que respecté et a séduit puisque leur campagne de crowdfunding a été financée à hauteur de 300k€.
Nunettes a aussi révolutionné le marché de la lunette de soleil en la transformant en objet publicitaire ultime. Qui n’a pas eu sa paire de nunettes équipe de France pour la coupe du monde de football ?
TimeForWood est une startup hollandaise qui est spécialisée dans les accessoires en bois. Les lunettes de soleil que la marque propose se vendent comme des petits pins (jeu de mots).
Les 3 startups à suivre :
Jimmy Fairly, le concept « Buy One Give One » appliqué par une startup toulousaine. Oui cela ressemble Warby Parker, mais c’est français et ça marche donc on soutien. Un peu de corporatisme ne fait jamais de mal. La startup qui avait levé 200k€ en trois semaines poursuit aujourd’hui son développement avec 6 boutiques en plus de son site e-commerce. Innovant et éthique, que demander de plus !
Fittingbox, crée en 2006, l’objectif était de devenir la solution SaaS de référence pour les opticiens. Pari réussi. L’entreprise compte aujourd’hui près de 40 000 modèles de lunettes numérisés, 3500 clients ce qui représente un peu plus de 13 000 points de vente dans 20 pays. La startup est tout juste lauréat du 1er Concours National d’Innovation Numérique organisé par BPI France. Que vous soyez chez votre opticien ou sur un site internet, il y a de très grandes chances que l’outil d’essayage 3D provienne de Fittingbox.
Sensee, la startup de Marc Simoncini qui devait tout casser est en stand-by, mais le message de la landing page de sensee.com est très clair. Le fondateur de Meetic est bientôt prêt et va changer de fond en comble le marché de l’optique. À suivre de très près donc.
Le marché à l’avenir :
La concentration extrême de ce marché ne parait pas favorable à l’émergence de nouvelles startups, pourtant ces dans ces situations-là que les meilleures opportunités se présentent. Si le chiffre d’affaires moyen des boutiques diminue sans cesse depuis deux ans pour atteindre aujourd’hui 487 000€ par boutiques, il n’en reste pas moins certain que le vieillissement de la population reste un vecteur d’opportunité énorme pour les entrepreneurs du secteur.
Comme tous les marchés, l’optique subit des mutations causées par l’évolution de nos habitudes de consommation, le drive, le click’n’collect et l’économie collaborative, qui révolutionnent petit à petit un marché qui en avait bien besoin. Les acteurs historiques se positionnent d’ailleurs sur le phénomène. Optic 2000 s’associe à Antropia Essec, incubateur social pour aider les pépites d’entreprise du secteur à émerger.
Près de 24 millions de Français ont des problèmes de vision, 92% sont équipés de lunettes ou lentilles, faut-il une preuve supplémentaire de la puissance de ce marché ? Inutile de préciser que si les acteurs historiques ne changent pas leur fusil d’épaule, il y a fort à parier que les startups prendront leur place. Il n’est pas certain que le renouvellement du tissu économique plaise à tous.