Il y a un peu plus d’un an, Loïc Soubeyrand se lançait dans l’aventure FoodTech avec Lunchr, qui se voulait être le coupe-file de la pause déjeuner, et annonçait une levée de fonds de 2,5 millions d’euros sans produit, mais avec une vision. « Daphni savait qu’il fallait nous financer à cette hauteur pour trouver le bon angle d’attaque de ce marché. Cette somme nous a permis de trouver notre stratégie et de consolider notre équipe en prenant le temps de bien analyser le marché, » explique aujourd’hui Loïc. Le 1er février la startup Lunchr va rejoindre le club restreint des émetteurs du fameux « ticket resto » avec la ferme intention de s’imposer sur ce marché oligopolistique en s’appuyant sur son point fort : le digital. Rencontre avec Loïc Soubeyrand, le fondateur et CEO de Lunchr.
Lunchr, la startup devient une FinTech BtoB sur le marché du titre-restaurant.
Loïc, tu m’avais parlé d’une annonce pour début 2018, c’est désormais officiel…
Oui, on se lance officiellement sur ce marché des titres-restaurant. Ça fait un an que l’on travaille dessus, c’est devenu très vite l’objectif unique de Lunchr. Au moment où on a lancé Lunchr, on s’est très vite rendu compte que le titre-restaurant était un sujet indissociable de la pause-déjeuner, car utilisé par plus de 4 millions de personnes en France. Si on voulait révolutionner la pause déjeuner, il fallait impérativement révolutionner le titre-restaurant en lui-même. On a donc pris en compte de suite cet élément, et on a creusé l’idée.
Quel a été votre constat en arrivant sur le marché du titre restaurant ?
C’est un marché qui a 50 ans et qui n’a pas réellement bougé depuis, tant d’un point de vue marché que produit. On retrouve les quatre même acteurs depuis des décennies, sans qu’aucune initiative significative ne soit mise en place pour bousculer cet oligopole. Il y a donc une nécessité de faire évoluer les choses, de digitaliser le marché. Les acteurs ont bien tenté de mettre en place une carte, mais il n’y a aucune offre globale digitale. Pourtant, la législation tend à le faire évoluer avec la dématérialisation totale des TR en 2020 et un élargissement des « tickets restaurants » aux indépendants.
Est-ce pour cela que vous avez développé la plateforme Lunchr avant de vous lancer sur les « Tickets resto » ?
En se lançant officiellement sur ce marché, Lunchr change de dimension. On passe d’une Foodtech BtoC à une FinTech BtoB. Ce n’est pas un pivot, c’est la suite de la stratégie « écran de fumée » que l’on a lancée il y a un an maintenant. Etant donné l’importance du digital dans notre stratégie, il ne servait à rien de « sortir du bois » tant que nous n’étions pas matures sur notre différentiant majeur, à savoir le digital. On a donc décidé de développer la plateforme Lunchr et d’engranger un maximum d’expérience, de manière bien plus sereine que si nous nous étions positionnés ès le démarrage en tant qu’acteur du titre-restaurant. Aujourd’hui, on se lance sur un marché ultra concurrentiel, mais avec une véritable expertise sur le digital, grâce à la plateforme.
Concrètement, quelle est cette nouvelle offre ?
On sort une MasterCard qui permet de payer dans les 180 000 boulangeries, snacks, restaurants et supermarchés, etc. Nous avons couplé cette carte à une application pour gérer ses titres-restaurant, à la façon des nouvelles banques. Les employés peuvent également commander en équipe, tout en payant séparément avec leurs propres titres-restaurant Lunchr, afin de bénéficier de réductions de groupe pouvant aller jusqu’à 30% à partir de 6 personnes. Des économies pouvant donc facilement atteindre 660€ par an par employé pour les plus assidus. Les titres-restaurant de Lunchr augmentent le pouvoir d’achat et révolutionnent l’expérience avec une gamme de services digitaux efficaces.
Quand tu ajoutes, une avance technologique a une grosse force de commercialisation, tu deviens rapidement leader.
La startup Lunchr va bousculer le marché des titres-restaurant.
Comment une startup peut-elle aujourd’hui rivaliser avec des acteurs historiques et aussi bien implantés que ceux présents sur le marché du titre restaurant ?
D’ici 2020, il y aura une généralisation du titre-restaurant dématérialisé. Aujourd’hui, offrir une gamme de services digitaux autour du « ticket resto » nécessite une connaissance absolue du digital que nous avons. Par exemple, les émetteurs historiques lancent très bientôt une deuxième génération de carte titre-restaurant qui repose sur un réseau privé, appelé Conecs, qui implique une mise à jour des terminaux de paiement des commerçants, contrairement à notre carte qui repose sur le réseau Mastercard. La carte Lunchr enlève cette frustration et cette friction côté employé, qui ne voit plus ses paiements refusés sans raison. En étant plus factuel, c’est un marché sur lequel nous attaquons des géants, qui ont naturellement moins d’agilité que nous en terme d’innovation. C’est d’allleurs à travers l’innovation que nous comptons nous imposer sur ce marché. On se doit de créer une rupture technologique, via le digital… À titre d’exemple, le digital nous permet d’offrir aux employés qui bénéficient de nos titres-restaurant, de réductions moyennes de 20% par repas, ce qui équivaut donc à un dejeuner gratuit par semaine ! Il n’y a pas un seul acteur qui offre ça aujourd’hui. Donc, en tant qu’employé, tu oublies vite le papier…
D’où la stratégie d’écran de fumée, pour conserver cette avance et ne pas donner d’idée aux acteurs historiques ?
On a vraiment adopté cette stratégie d’écran de fumée parce qu’on a voulu créer la plateforme digitale idéale. L’avance technologique est là et on compte la maintenir. La plateforme Lunchr est au service de la stratégie globale. C’était osé, puisqu’on prenait le risque que certains émetteurs historiques sortent une solution concurrente, mais c’était le prix à payer pour séduire des clients et avoir une légitimité digitale. Cela parait d’ailleurs totalement logique à nos clients qui ont déjà utilisé la plateforme de prendre notre offre titre-restaurant.
Justement, comment s’y prend-on pour tenter de devenir leader sur ce marché ?
Tout d’abord, on recrute une équipe très compétente. Nous avons entre autres recruté le responsable grand compte de Facebook, le meilleur sales manager Europe de Groupon et le directeur marketing de Deliveroo. On a tous baigné dans des contextes d’hyper croissance. Ce ne sont pas des profils simples à séduire, mais avec on peut les séduire avec l’adéquation : Projet / niveau de financement / compétence de l’équipe en place. Nous avons eu très vite les moyens de nos ambitions. Les voyants sont au vert.
Parlons business model, cette offre globale est-elle un moyen d’accéder plus rapidement à la rentabilité ?
Avec ce positionnement Fintech BtoB dédiée au titre-restaurant, nos clients sont désormais les entreprises directement, qui nous permettent de signer à chaque fois entre 10 et 200 utilisateurs. On édite le nombre de cartes qu’il faut, les soldes de tous les employés sont crédités, soit sur la plateforme digitale, soit sur la carte et notre modèle est moins volatile. Le lancement officiel est ce mercredi et nous avons déjà plus de 1500 employés qui vont être équipés des TR Lunchr ! Nous avons signé une centaine de clients avant même notre lancement et notre objectif 2018 est d’attendre les 30M€ de volume d’affaires.
Une nouvelle levée de fonds à venir pour la startup Lunchr.
Il y a un an, vous leviez 2,5 millions d’euros, aujourd’hui ce développement va devoir être financé, êtes-vous déjà en recherche ?
Notre business model est simple. Côté entreprise, nous facturons 1€ par employé et par recharge de titres. Côté restaurant et grâce à notre plateforme digitale, nous prenons une commission de 3% pour tous les paiements en carte « ticket resto » Lunchr et une commission classique entre 5 et 20% sur toutes les commandes depuis la plateforme. Donc oui, la levée de fonds est obligatoire, mais au rythme actuel on a de bonnes ambitions de rentabilité à moyen terme. En 2018, l’axe est mis sur un déploiement commercial ultra rapide. Il sera très certainement appuyé par une grosse levée de fonds.
Pour la première levée de fonds, très précoce, quels ont été les arguments mis en avant pour séduire Daphni ?
La première levée de 2,5 millions d’euros confirme bien que la stratégie de Daphni et surtout de Marie Ekland était la bonne. À savoir, miser sur l’équipe et nous donner les moyens de trouver le meilleur angle d’attaque. Au moment de cette levée, nous n’avions pas encore imaginé la stratégie-écran de fumée. On les a convaincus en novembre et un mois après j’allais leur expliquer que la véritable opportunité était sur les titres-restaurants et que nous allions avancer masqués, mais que ça ne changeait rien à notre angle d’attaque.
Je serai inquiet le jour ou on ne pourra plus faire ce dont on a envie. Si on veut pivoter, si on veut être racheté, si on veut acheter une entreprise, on veut garder la main pour réagir quand on le veut comme on le veut !
L’annonce de votre lancement sur le marché des « Tickets Resto » est restée confidentielle tout ce temps, quelle réaction envisages-tu de la part des acteurs historiques du marché ?
J’attends beaucoup de bienveillance (rires). Non plus sérieusement, c’est une annonce publique, en théorie les acteurs ne sont pas au courant. Je n’attends rien, on a une avance technologique indéniable, l’idée c’est de développer tout le long de la vie de l’entreprise notre innovation pour maintenir cette avance et séduire des clients.
Comment allez-vous chasser les clients sur ce marché très complexe ?
On arrive à séduire des entreprises qui ne sont pas clients des acteurs historiques grâce à notre plateforme digitale et on séduit aussi les entreprises déçues. Ensuite pour les entreprises satisfaites du modèle papier, on parvient à les séduire par la couche additionnelle de services autour de la carte Lunchr. Les entreprises n’offrent plus qu’un simple avantage en nature avec les cartes titre-restaurant de Lunchr. Elles offrent une expérience plus globale et simplifiée. Il faut donner les bons arguments pour séduire une entreprise qui est quelque peu réfractaire à la digitalisation.
Tu as baigné dans l’hyper croissance avec Teads notamment, comment voies-tu Lunchr dans 4 ans ?
C’est extrêmement compliqué de piloter une startup à 4/5 ans, parce qu’il y a des mouvements concurrentiels complètement dingues. Et même si tu as un cap, il faut être prêt à saisir toutes les opportunités business à la suite. Ce que je sais c’est que je ne veux pas nous enfermer. On veut garder notre agilité, et c’est pas juste un argument marketing. Je parle ici d’une vraie agilité, je serai inquiet le jour ou on ne pourra plus faire ce dont on a envie. Si on veut se financer, si on veut pivoter, si on veut être racheté, si on veut acheter une entreprise, on veut garder la main pour réagir quand on le veut comme on le veut !