En 2012, Arnaud Montebourg signe son plus grand coup d’éclat, une photo sur laquelle il porte une montre 100% française, une marinière et un robot de cuisine lui aussi 100% made in France. Au-delà de la symbolique et du comique de cette photo, l’opération de communication est une réussite et le made in France, parfois oublié revient sur le devant de la scène. Mais 3 ans plus tard, où en est-on ?
De plus en plus de startups, se lancent sur ce créneau. De l’e-boutique, en passant par le fabricant de chaussures de sport jusqu’à l’opticien, tous les secteurs veulent surfer sur la vague du made in France. Simple argument marketing ou véritable axe stratégique, pour certain c’est un véritable succès, pour d’autre la désillusion n’en est que plus grande. C’est ainsi le made in France fait vendre, mais à quelles conditions ?
Une startup peut-elle se lancer facilement sur le made in France ? Comment en faire un argument marketing puissant ? Enfin, est-ce toujours « bankable » de faire du made in France ?
La valeur ajoutée made in France
100 €. C’est la somme minimum supplémentaire que les ménages devaient débourser s’ils achetaient 100% made in France.
Sur la scène internationale le made in France se résume très souvent à un sac à main de luxe ou un avion de chasse. Sans tomber dans les clichés, nous ne pouvons que constater que les produits français sont réputés pour leur fiabilité et leur qualité. Souvent, ils sont chers aussi. 100 €. C’est la somme minimum supplémentaire que les ménages devaient débourser s’ils achetaient 100% made in France. « Le prix d’achat est plus élevé, mais le produit a en moyenne une durée de vie et une fiabilité 3 fois supérieure et donne un sentiment de sécurité » explique Romain Davignon, président fondateur de 100% made in France. La France, pays du luxe par excellence.
La valeur ajoutée du made in France réside aussi dans le savoir-faire. Le Slip Français s’appuie notamment sur les compétences de l’industrie de la lingerie française. Le pari de la startup était simple, dépoussiérer un produit réputé vintage, raconter une belle histoire et le fabriquer en France. Quatre ans après la création de la société, le Slip Français a vendu plus de 50 000 slips made in France. On peut notamment lire sur leur site que « le Slip Français fait aujourd’hui la démonstration qu’on peut produire, vendre et construire une aventure entrepreneuriale aussi ambitieuse que sympathique, entièrement en France en étant innovant et créatif en utilisant les outils de notre époque. Dans le Slip, ces 2 mondes se réconcilient et se redécouvrent avec plaisir. »
Innovation et créativité, voilà les maitres mots. Valéry Giscard d’Estaing disait dans les années 1970 : « la France n’a pas de pétrole, mais elle a des idées ». Il faut le dire, la principale problématique du made in France reste la matière première. Armor Lux, par exemple, fameux fabriquant de la marinière Montebourg ne peut plus produire à 100% en France certains de ces produits, car des métiers, des produits et des savoir-faire ont disparu. C’est par exemple le cas des 400 bobines de fil coton nécessaire à la réalisation des 5 000 t-shirts de campagne du Modem « Irrésistible français » de 2012, qui ont été importé d’Italie et d’Allemagne. Un produit donc à 88% made in France selon nos calculs.
Le made in France comme argument marketing
Pour qu’un produit soit considéré made in France et puisse bénéficier du label « Origine France Garantie » le produit doit prendre ses caractéristiques essentielles, sa forme distinctive, en France, et justifier que 50% à 100% de son prix de revient unitaire soient acquis en France.
Si vous souhaitez vivre 100% français, vous n’aurez pas de réfrigérateur.
Ne soyons pas dupes, si les marques jouent la carte du made in France, ce n’est pas juste parce qu’elles se sont découvert des valeurs. Depuis, la campagne présidentielle de 2012, durant laquelle François Bayrou en avait fait son cheval de bataille, le made in France s’impose dans le débat politique et économique. Il devient aussi le meilleur argument pour expliquer que le chômage est la faute des entreprises qui délocalisent… Aujourd’hui, 60% des consommateurs considèrent qu’acheter made in France est un acte citoyen et un sur deux favorise une production française quand il en a le choix. Oui, tous les produits n’existent pas en made in France, par exemple si vous souhaitez vivre 100% français, vous n’aurez pas de réfrigérateur, ni de coupe-ongles. Gênant. Le documentaire de Benjamin Carle « l’année ou j’ai vécu 100% français », diffusé l’an dernier sur Canal+ en est la parfaite illustration.
Ce nouveau patriotisme économique, les entreprises et autres startups l’ont bien cerné, et en abusent ouvertement pour booster leur campagne marketing. Peugeot par exemple, dans l’automobile, si on est un adepte du « patriotisme économique », mieux vaut acheter une Toyota Yaris qu’une Peugeot 208. La première est entièrement produite dans le nord quand la deuxième provient des pays de l’Est. La publicité de la Toyota reprend d’ailleurs les codes du made in France avec La Marseillaise et le Bleu blanc rouge, il ne manque plus que le coq.
« Au tout début nous étions perçus comme des extrémistes économiques avec notre étendard du made in France » – Romain Davignon
Si le made in France est un argument marketing en interne, il le devient aussi à l’export. « La french touch » n’est pas valable que pour la musique électronique. « Nous avons des ventes au Japon, au Canada, en Allemagne, pourtant fief des grandes marques de sport concurrentes, car les clients sont sensibles à notre qualité et notre savoir-faire » explique Christophe Pinet, président fondateur de Milémil, fabriquant de chaussures de football 100% made in France.
Le marketing nous invite à acheter hexagonal pour combattre le chômage, entre la surenchère de drapeaux bleu-blanc-rouge sur les emballages, et les campagnes de pub aux accents franchouillards, Findus osant même le « Préférez une boîte qui maintient l’emploi en France ». Se positionner en combattant du chômage pour faire oublier que l’on mange du cheval, l’art du marketing.
Le made in France face à la concurrence étrangère
Une qualité certaine, une image positive et le soutien de tout un pays, les produits made in France ont tout pour eux, pourtant ils subissent la concurrence étrangère de plein fer. À titre d’exemple, un salarié de l’industrie en France à 40% de chance de travailler pour une entreprise étrangère ou une filiale. Les industries made in France sont quasi inexistantes. Les entreprises historiques arrivent à contrer cette concurrence, mais pour les startups qui se lancent sur le made in France le combat semble déséquilibré.
le salarié français est productif ce qui justifie son prix.
« Nous avons dû repartir de zéro, car depuis des années il n’y a plus de production de chaussure de football en France. Heureusement, à Romans, l’industrie de la chaussure existe encore et nous avons pu nous adapter avec des modèles de chaussures de ville, mais face à des concurrents comme Adidas ou Nike… » explique Christophe Pinet, fondateur de Milémil. Notre phase de désindustrialisation et notre tertiarisation de l’économie compliquent les choses. « Nous avons dû tout réinventer et nous produisons aujourd’hui une chaussure de foot 100% française, avec des matières nobles. Nous sommes certes plus chers, la paire de crampons est à 249 euros, mais quand une paire dure en moyenne un an, nos premières paires vendues, qui ont deux ans d’âge sont encore en parfait état.» Conclut Christophe Pinet, qui sait très bien que les 7 millions de paires de chaussures de football vendues par Adidas sont irrattrapables malgré le drapeau bleu blanc rouge sur la boite.
La chaussure de foot made in France
Puis nous avons quelques atouts à faire valoir en France : le coût modéré de l’électricité, le crédit d’impôt recherche et surtout la productivité des salariés, oui le salarié français est productif ce qui justifie son prix. « Pour une jeune entreprise c’est compliqué de se lancer sur le made in France, mais si le produit est innovant et qualitatif, on peut fabriquer en France. Il faut que ce soit une stratégie bien calculée, mais avec un beau packaging, une belle histoire et de la qualité tout se vend » selon Christophe Pinet.
Made in France, effet de mode ?
Les entreprises font du made in France parce qu’elles y retrouvent un intérêt économique certain
Le made in France n’est pas qu’un effet de mode. Nous avons pris conscience que si nous voulions créer de la richesse et améliorer la santé économique de notre pays, il fallait que nous consommions français. « Au tout début nous étions perçus comme des extrémistes économiques avec notre étendard du made in France, mais les mentalités changent aujourd’hui. On assiste aujourd’hui à des relocalisations et il ne faut pas croire que les entreprises font cela pour l’image, elles le font parce qu’elles y retrouvent un intérêt économique certain » précise Romain Davignon. En effet la liste s’allonge, Rossignol, Smoby, Eminence, Solex… et c’est justement parce que ces entreprises le font pour des raisons économiques que ce modèle peut relancer l’industrie. La recrudescence des startups agissants sur le made in France est aussi un signe encourageant. Dans les objets connectés et même l’électroménager certains essaient de combattre la problématique de la matière première pour faire du made in France. Cocorico.
Cependant, ce patriotisme économique a des limites. Nous ne devons pas vouloir vivre en autarcie, car pour que la santé économique de la France s’améliore il faut que notre balance commerciale s’équilibre, c’est-à-dire que l’on importe autant que l’on exporte de produits. Nous avons voulu écrire cet article pour savoir si le made in France était « bankable ». La réponse est oui, car la demande existe et augmente, mais non sans difficulté et surtout s’il s’exporte.