Entre 2014 et 2015, le nombre de créations d’entreprises se consacrant au transport de voyageurs a bondi de 85%. Inutile de préciser que les Français ne se sont pas découvert une passion pour la conduite. Cette hausse est due à une seule chose : les voitures de transport avec chauffeur (VTC). Entre conflit avec les taxis, proposition de loi et polémique, les VTC se sont forgé une mauvaise image dans l’inconscient collectif. Surtout dans l’inconscient de ceux qui n’ont jamais profité des services proposés par les VTC, car les autres sont conquis. Et les chiffres le prouvent, « la croissance du secteur est absolument fulgurante. Entre 2013 et 2014, nous avons eu presque 5% d’activité en plus chaque semaine. » atteste Yan Hascoet, PDG de chauffeur-privé.com. Analyse du marché.
Qui sont les acteurs du marché des VTC ?
Comme tous les secteurs en explosion, on observe une prolifération de services de VTC. En France, le leader mondial est présent. L’hexagone est le 3e marché mondial après les États unis et le Royaume-Uni pour le géant Uber. L’image sulfureuse de la société américaine, en partie due à l’imbroglio autour du service UberPop (qui n’est pas un service de VTC), est aujourd’hui son meilleur argument marketing. Il n’y a qu’à voir l’utilisation grandissante du terme « Uberisation » lorsqu’une entreprise disrupte un marché. Aujourd’hui, la majeure partie des personnes imaginent, à tort, que UBER est illégal, alors que c’est son service Uber Pop qui à été jugé comme tel.
Par ailleurs, malgré son succès retentissant, aujourd’hui Uber fait face à des actions de boycott de plus en plus fréquentes de la part de citoyens qui accusent la firme de concurrence déloyale. En effet, la firme possède un avantage compétitif inéquitable d’ingénierie fiscale qui leur permet de ne payer des impôts presque nulle part, quand ses concurrents doivent répondre de leurs obligations. C’est peut être ce point précis qui peut constituer la principale faille dans la « machine » Uber. Que les utilisateurs décident pour des raisons politiques et civiques de boycotter le service.
En version made in France Chauffeur-Privé.com est la start-up qui fait face au géant Uber. Elle revendique 300 000 clients et 3 000 chauffeurs dans plus de 68 villes de la région parisienne et de la Côte d’Azur. Tout juste 3 ans après son lancement, la rentabilité est déjà au rendez-vous et les dirigeants ambitionnent un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros pour 2020. La jeune entreprise n’a d’ailleurs pas hésité à acheter la startup belge Djump qui fonctionnait sur le modèle UberPop pour s’étendre sur le marché belge. Et côté du côté fiscal, il semblerait que la société est maintenue son siège en France.
LeCab applique un modèle différent. Une flotte de véhicule confortable (Peugeot 508) des iPad connectés et des chauffeurs en costard cravate. Le Cab ne met pas en relation des clients et des chauffeurs indépendants. L’entreprise réalise la prestation à un tarif fixe en appliquant tous les codes de l’hôtellerie de luxe. Avec un peu plus de 8 millions levés, la startup a réussi à imposer sa vision luxe sur ce marché et séduire les utilisateurs de VTC malgré un prix légèrement plus élevé.
Snapcar sort du modèle de l’instantanéité. Pour la startup ce n’est pas un avantage. Il faut dire que l’argumentaire tient la route « quand on a un vol à 6h du matin est-ce qu’on tente d’utiliser Uber au dernier moment ou de réserver un chauffeur en avance » explique Dave Ashton, fondateur de Snapcar. De plus, la startup s’oriente en priorité vers une cible grand compte pour simplifier le système de la note de frais, mais aussi pour simplifier l’accès aux extérieurs de la région parisienne. Ikea par exemple a annoncé un partenariat avec Snapcar pour le transport des clients.
On peut aussi citer sur ce marché Allocab qui offre un service VTC avec des options à la carte (journaux, siège bébé) si vous réservez en avance, Drive qui mise sur un modèle de distribution particulier et SuperShuttle spécialisé dans les navettes vers les aéroports et gares.
La startup à suivre
Marcel. Alors oui c’est moins percutant que UBER ou Chauffeur-privé, mais derrière ce nom se cache peut être la pépite des VTC. Un service de VTC comme les autres, mais avec une particularité, plus on réserve tôt plus le prix baisse. Le Yield Management appliqué au VTC. Ils sont à contre-courant des concurrents et ça fonctionne. À suivre.
Pourquoi ce succès ?
En région on retrouve aussi une multitude de services de VTC et le nombre ne cesse d’augmenter. Les raisons de cette augmentation sont simples. Sous l’impulsion des acteurs du marché, les démarches pour devenir VTC ont été standardisées et simplifiées. De ce fait est née une corrélation entre la proportion de VTC et le chômage dans les zones géographiques prioritaires mise en avant par le schéma ci-après :
Etude sur l’impact économique local d’Uber
La deuxième raison est que malgré l’image sulfureuse du secteur et les polémiques, la plupart des voyageurs plébiscitent les services de VTC. Une étude réalisée sur la région Parisienne démontre que 85% des Franciliens souhaitent un développement important des VTC, qu’ils jugent à 91% complémentaires des taxis.
Quel business model pour les VTC ?
Non, se positionner sur le marché VTC n’est pas l’assurance de gagner de l’argent. Il existe deux business model dans les VTC. Soit vous n’êtes qu’un intermédiaire de mise en relation et donc vous prélevez une commission (20% en moyenne) sur le prix du trajet, le modèle choisi par UBER et Chauffeur-privé. Soit la flotte de véhicules vous appartient et vous la mettez dispositions des chauffeurs. Il ne faut pas avoir fait Math Sup’ pour comprendre que les investissements de départ ne sont pas les mêmes. La rentabilité est plus difficile à atteindre.
Une startup avait imaginé un nouveau business model. Avoir sa propre flotte et ses chauffeurs salariés. Après avoir séduit des investisseurs à hauteur de 3 millions d’euros, le business model gourmand en cash a abouti à une situation de cessation de paiement et les VTC «Voitures Jaunes» ont disparu de la circulation.
Pourquoi cette guerre avec les taxis ?
Cette guerre est à l’image de notre économie, bloquée entre le libéralisme et la régulation extrême made in France. Depuis environ une trentaine d’années, les taxis sont en guerre contre la concurrence et l’innovation. Les taxis ont des acquis et un statut qu’ils ne veulent pas remettre en cause. Ce qui est compréhensible, on défend tous ses intérêts.
Pourtant, des chiffres devraient nous alerter quant au manque de dynamisme du secteur. Il y a aujourd’hui 17 636 taxis à Paris soit à peine 3 000 de plus qu’en 1930. Entre le prix exorbitant de la licence et le salaire moyen qui diminue d’année en année, il ne faut pas avoir peur de le dire, la profession est en déclin. Trop de règles, trop de normes, trop d’obligations pour un marché qui se sent donc floué par la concurrence des VTC.
Depuis la loi Thévenoud qui clarifie les positions et les obligations de chacun, la relation entre taxis et VTC est apaisée, pour autant il suffit d’une innovation ou d’un nouveau service, comme UberPop l’a été, pour remettre le feu aux poudres. Pourtant en cette période de fort chômage, le rapport Thévenoud atteste que 68.000 emplois pourraient être créés si le marché des VTC se développait dans les mêmes conditions qu’à New York ou à Londres.
Alors les VTC ?
Le secteur explose, mais comme toutes les bulles certaines explosent en plein vol. La réalité est parfois moins belle que la vitrine. Uber annonce notamment des licenciements sur son service Uber Berline. Le modèle des VTC révolutionne aussi le travail tel que nous le connaissons. Fini le salariat, place à l’indépendance. Avec ses avantages et ses inconvénients, il y a une précarisation des conditions de travail que nous ne pouvons nier. L’échec cuisant de Voitures Jaunes nous rappelle aussi que les investissements dans ce secteur sont très importants et que les levées de fonds sont un passage quasi nécessaire pour pérenniser les startups de ce secteur.
À l’heure où l’État vient d’offrir une application « Le.taxi » pour riposter aux attaques d’Uber, les VTC n’ont, semble-t-il, jamais autant eu le vent en poupe. Car il faut bien le dire, les VTC répondent de plus en plus aux besoins de mobilité des individus dans les agglomérations, rapidité, efficacité et amabilité en toutes circonstances. Et ils se prennent en main pour ne plus subir les décisions prises par les startups. Fin octobre, les chauffeurs de VTC ont annoncé la création d’un syndicat et le lancement d’une application mobile de mise en relation qui ne prendrai que 7% de commission.
Les VTC et l’histoire UberPop ont juste mis en lumière l’obsolescence programmée des taxis qui, s’il ne se réinvente pas, sont voués à mener un combat perdu d’avance, car il ne faut pas oublier que l’important ce n’est pas la géolocalisation, la couleur du véhicule ou le statut du chauffeur. L’important c’est le niveau de satisfaction du client et sur ce point l’avantage est au VTC.