Philippe Bloch a un parcours presque ordinaire. Comme beaucoup, il fait des études plutôt axé sur le business. Il débute comme salarié dans la presse à “L’expansion” et comme beaucoup “les Français le rendent hystérique”. Au-delà du jugement, il ne comprend pas comment il est possible de négliger à ce point la relation client dans tous les domaines. Il écrit donc “Service compris”, un ouvrage sur la relation client avec une promesse en couverture, “les clients satisfaits font les entreprises gagnantes”. 800 000 exemplaires plus tard, Philippe a du succès. Beaucoup de succès.
D’écrivain à succès au consulting
Philippe Bloch crée donc son cabinet de conseil. Surfant sur la vague de succès de son livre, il embauche jusqu’à 15 salariés, mais 5 ans plus tard, il s’ennuie. « Comme beaucoup d’entrepreneurs, je préfère faire, que faire faire ». « On gagnait très très bien notre vie avec la boite de conseil, mais j’avais besoin de changement ». Pourquoi Philippe emploie-t-il le pronom “on” ? Parce qu’il n’est pas tout seul dans l’aventure et que son associé n’est pour le coup, pas emballé par la nouvelle idée de Philippe.
La naissance de Colombus Café
En 1993, Philippe se balade à New York, sur Colombus Avenue et tombe sur un café de style Starbucks, le « Coopers Coffee ». Coup de foudre pour le concept, l’ambiance et la stratégie de Starbucks. « S’implanter dans les meilleurs coins, à l’époque ils n’ont que 200 cafés et mangent déjà tout le monde ». Son associé, bien que réticent, le suit. En 1994, Colombus Café voit le jour en France avec deux établissements. Un à Paris et un à Lille. En 1995, le constat est limpide, c’est échec. « Pour trois raisons. La première c’est que le marché n’était pas prêt, une bonne idée trop tôt est une mauvaise idée ». Trop souvent oubliée en France, la notion de time to market est primordiale. « La deuxième, on est allé trop vite. On avait peur de Starbucks du coup on s’est précipité et on n’a pas pris le temps de vérifier le concept ». Ne jamais, ô grand jamais confondre vitesse et précipitation. « La troisième erreur c’est la position de nos cafés. Souvent, on dit que le plus important pour un commerce c’est en un l’emplacement, en deux l’emplacement et en trois l’emplacement. On a mal investi sur les commerces et leur emplacement ».
Colombus Café chez les autres
« En 1995, on doit arrêter vu les finances et les succès plus que moyen ». Mais le Think Big reprend le dessus. « On continu malgré tout parce que le projet est génial ». Puis Philippe a la conviction que l’argent ne donne pas le talent. « Nous n’avions plus d’argent du coup nous avons fait appel à notre talent. Et nous étions beaucoup plus constructifs une fois que nous faisions appel à notre imagination ». Philippe est de ces entrepreneurs optimistes par nature. « J’ai passé ma vie à me demander comment j’allais payer. Un bon leader importe l’angoisse et exporte de l’enthousiasme ». La photosynthèse entrepreneuriale. « Je suis toujours à fond, je trouve déprimant les gens qui sont fatigués à 20 ans ». « Nous n’avions plus d’argent, donc nous avons trouvé une solution. S’installer chez les autres ». Colombus Café débarque à la Fnac. Succès. Puis dans le Marais à Paris avec sa propre enseigne. Succès aussi. « Très vite nous avons 15 points de vente et donc les investisseurs arrivent ».
Associés et investisseurs, relation complexe
« Nous avions eu l’idée géniale de nous associer à 50/50. Une belle connerie, peut-être la plus grosse erreur de Colombus Café ». Le problème de l’association à 50/50 c’est qu’à la moindre dilution, même minime, il n’y a plus de majorité pour prendre les décisions. « À 50/50, il y a aussi un vrai problème. Les jeux sociaux, la jalousie, l’ego… tous ces facteurs psychologiques créent de véritables conflits avec le temps ». Il faut un patron. En aviron par exemple, le sport dans lequel des personnes rament tous ensemble, il y a un chef. Même dans les équipes de curling il y a un chef. Alors pourquoi en entreprise se pose-t-on toujours la question de savoir qui à 60% ? Qui à 30 ? 51/49 ? Stop. Deux associés c’est minimum 60/40. En 2004, Colombus Café possède 40 points de vente. « On a tous les points de vente dans les gares et on a des touches à Dubaï ». Le succès, mais pourtant plus rien ne va en interne. Les premières discordes apparaissent avec les investisseurs. « J’aurais dû me passer d’eux et quand j’ai découvert certaines choses j’ai décidé de virer le DAF ». Ça n’a pas plus aux investisseurs et à l’associé historique de Philippe qui est dilué. « Au final, si j’ai retenu une chose c’est qu’à 50% tu n’es pas chez toi. Et je préfère être du côté des gens virés ».
Son analyse
« Si on avait ouvert le premier au Marais, cela aurait été différent. La trahison m’est insupportable et dans un sens j’ai un peu ce sentiment. Mais mon indépendance et ma liberté n’ont pas de prix ». #FreePhilippe. Philippe a surtout la fierté d’avoir créé avec Colombus une marque serviable et dans laquelle les clients se retrouvent « la marque continue de prospérer c’est une fierté ».Toute l’histoire de la création de Colombus est racontée dans l’ouvrage “Bienheureux les fêles” . Une lecture obligatoire. “Je me suis fait viré, certes, mais grâce à ça j’ai fait la Une de magazines, et je peux aujourd’hui faire des conférences, de la radio et animer une émission de télé sur l’entrepreneuriat”. Pour Philippe rien ne sert de se cacher et encore moins quand nous échouons. « Si vous réussissez tout, c’est que vous ne prenez pas assez de risques ». Point.