Certains verront le management libéré comme une vision utopiste de l’entreprise… d’autres le verront comme une alternative concrète au management classique. Le parcours est semé d’embûche, mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Sabine Safi, ancienne cofondatrice de 1001pharmacies nous parle de sa propre expérience et de sa vision du self-management.
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« Le meilleur gouvernement, c’est celui qui nous enseigne à nous gouverner nous-mêmes, » Goethe.
Rien n’est jamais simple lorsqu’il s’agit de modifier les habitudes quotidiennes de ses collaborateurs. Appréhension, doutes, curiosité et euphorie font partie des nombreux sentiments que les employés d’une entreprise en mutation ressentent. Nous avons rencontré Sabine Safi qui a mis en place le management libéré au sein de sa startup. Nous avons échangé ensemble sur ses motivations, les difficultés que sa startup a pu rencontrer pendant la mise en place et pour finir quelques conseils pour ceux qui veulent sauter le pas !
Le management libéré
Hello Sabine, peux-tu nous parler de 1001pharmacies ?
En 2011, j’ai fini mes études à Sup de Co Toulouse et j’ai rencontré Cédric O’Neill à ce moment-là. Il finissait ses études en pharma, et on a commencé à travailler ensemble sur son idée : vendre de la parapharmacie en ligne, et peut-être un jour des médicaments, en travaillant avec des pharmacies françaises. Galère après galère, on a réussi à trouver des financements et on a pu créer le site web. Lorsque nous l’avons lancé fin 2012, nous avons eu une belle couverture presse cela nous a donc vraiment aidés à booster le lancement. Ventes en ligne, levées de fonds, recrutements… 1001pharmacies a connu une sacrée croissance sur tous ces fronts pendant plusieurs années. En tout, nous avons levé 10M€, dépassé le million d’euros de ventes en ligne mensuelles, et jusqu’à 35 personnes dans l’équipe… Je suis partie mi-2016 parce que mon associé et moi n’avions finalement pas la même vision du management – et c’est extrêmement dommageable pour une entreprise d’être partagée ainsi.
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Pourquoi as-tu décidé d’introduire le management libéré au sein de 1001pharmacies ?
Je n’ai jamais été à l’aise avec la doctrine de management classique Command and Control. Naturellement, je fais plutôt confiance aux gens et me considère rarement comme la personne la plus à même de prendre les décisions. Mais les premières années j’ai voulu rentrer dans le moule. Du coup, on rencontrait des problèmes liés à ce type d’organisation pyramidale : les “services” qui ne veulent pas collaborer, frustrations entre les différents échelons hiérarchiques, jeux d’ego, blocages divers et variés. Ça n’était pas plus catastrophique chez nous qu’ailleurs… mais étant en charge du management, ça me frustrait.
J’ai, par la suite, découvert que le Command and Control n’était pas une fatalité. Le livre de Frédéric Laloux a été une inspiration extraordinaire en termes de valeurs humaines, de vision sociétale, mais aussi de vision managériale. J’ai compris qu’il était possible de mieux faire en tant qu’équipe pour atteindre un but commun. Ce livre, c’était un point de non-retour : ça n’était plus envisageable pour moi que l’on continue avec ce management “à l’ancienne”, qui marchait mal et pour de bonnes raisons !
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L’introduction du management libéré a-t-elle été simple ?
Bien sûr que non… Ça a été une période assez chaotique, d’autant que j’ai introduit le self-management de façon assez brutale. Ça tend à accélérer la transformation, mais ça la rend aussi beaucoup plus dure à mener. On m’avait prévenu qu’on partait pour un an de transformation. Au bout de 3 mois, on a commencé à voir de gros effets positifs, mais au milieu de beaucoup de difficultés, qu’on réglait petit à petit. On changeait d’un seul coup tous nos fonctionnements internes, tout était à repenser.
Comment vos collaborateurs ont-ils pris ce changement ?
Tous ne l’ont pas pris de la même façon. Par exemple, les managers l’ont pris avec un certain scepticisme, et de grosses inquiétudes quant à ce à quoi ils allaient bien pouvoir servir. Ils ont mis plusieurs mois à s’approprier de nouveaux rôles. Tandis que les autres salariés sont d’abord passés par une (courte) phase “d’euphorie chaotique” : tout le monde était excité par ce changement, et personne ne comprenait ce qu’il se passait. Puis ça s’est mué en une phase plus longue d’inquiétude passive, de doutes : “est-ce que ce changement est vraiment une bonne chose ? On a plein de problèmes, est-ce que ça va vraiment marcher chez nous ?”. Et petit à petit, certains salariés ont commencé à comprendre vers où l’on allait, comment faire les choses dans ce nouveau contexte. Ils ont commencé à prendre le relais et “à rassurer” à mes côtés. Et ils ont commencé à prendre en main les projets qui leur tenaient à coeur, ou qui leur paraissaient nécessaires. On avait encore pas mal de dysfonctionnements, mais ils ont fait des miracles sur pas mal de projets.
Quelles sont les clés de la réussite ?
La façon d’amener le changement est essentielle. Garder en tête que le but, c’est d’atteindre/réaliser sa mission d’entreprise, ou d’y être meilleur. Le self-management n’est qu’un outil pour s’améliorer, pas un but en lui même. Aussi, c’est important de sélectionner les pratiques qui semblent pertinentes et les mettre en place progressivement, en ajustant au fur et à mesure. Et non pas prendre toutes les pratiques décrites comme du self-management et vouloir les implémenter toutes, et en même temps. Avoir une vision claire est aussi un pré-requis indispensable. Le self-management s’appuie forcément sur pas mal de transparence interne, ce qui n’est pas une mince affaire, il faut également bien préparer ce point.
Quelles sont les difficultés d’implémentations dans une stratégie de self management ?
Le self-management supprime certains rôles et en crée d’autres. Ce sont 2 points délicats. Culturellement, on est attachés à l’idée de monter en hiérarchie et donc avoir du pouvoir sur les autres. Quand vous supprimez ça, vous enlevez un repère majeur de la vie professionnelle : “si je ne peux devenir le chef de personne, ça veut dire qu’aucune progression n’est possible ?”. Et par ailleurs, si on enlève le rôle central du manager, il y a quand même besoin de décisionnaires, de gens qui communiquent en interne, de gens qui rappellent la vision, de gens qui veillent aux dynamiques humaines, et d’experts… Il faut donc apprendre à le mettre en place, et à redistribuer ces cartes,… pas simple. Le mode de décision est un point particulièrement délicat : distribué, mais pas au consensus…
Il y a aussi de gros enjeux d’alignements (aller dans la même direction, mêmes objectifs, mêmes valeurs) : entre associés, avec les actionnaires, avec les managers, et avec l’équipe. Même avec de la bonne volonté on a vite fait de ne pas être parfaitement alignés, alors imaginez quand certains sont farouchement opposés…
Quels sont vos conseils pour une entreprise qui souhaiterait se lancer ?
Parlez à des gens qui l’ont déjà fait, faites-vous conseiller ! Ne vous contentez pas de lectures ou de discussions facilement idéalistes. Gardez bien en tête votre objectif de départ (encore une fois, l’idée seule du self-management ne suffit pas). Essayez de faire les choses en douceur, petit à petit, et associez les salariés à la réflexion, aux décisions de changements, etc.
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