Qui est Anne-Sophie ?
Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi ?
J’ai 35 ans et je suis la fondatrice d’Horsicar. J’ai fait des études de commerce avec une spécialisation en finance, ce qui m’a amenée à travailler pendant 10 chez BNP Paribas. Ça a été pour moi une expérience professionnelle très stimulante et enrichissante.
En parallèle, j’ai toujours eu une grande passion pour l’équitation ainsi qu’une forte envie d’entreprendre. Je me plaisais en finance mais cette envie d’entreprendre et de me rapprocher de ma passion a pris le dessus. J’avais envie de donner du sens à mon travail, de me sentir utile et de pouvoir prendre des décisions.
C’est donc tout naturellement que le projet d’Horsicar à mûri et que j’ai lancé ma plateforme collaborative dédiée au transport de chevaux. J’ai saisi l’opportunité d’un plan de départ volontaire pour me former et me lancer dans cette belle aventure.
La naissance d’Horsicar
As-tu tout de suite voulu créer Horsicar ou avais-tu d’autres idées en tête ?
J’ai d’abord étudié plusieurs projets possibles. Le plus important pour moi était de me sentir légitime et ne pas me retrouver confrontée au “syndrôme de l’imposteur”.
Par exemple au départ j’ai envisagé de créer un espace de coworking en pensant que c’était une révolution. Finalement, après avoir réalisé une étude de marché, je me suis rendue compte qu’il y avait déjà de grosses entreprises sur le coup. Ça ne m’a donc pas paru pertinent de me lancer sur ce secteur. Ensuite, j’ai pensé à travailler sur des produits vétérinaires, toujours dans le milieu du cheval. Là, on était sur des produits un peu plus techniques à développer. J’ai même pensé à faire de la reprise d’entreprise pour une société qui fabriquait des selles. Le projet me plaisait beaucoup mais c’était un domaine que je ne connaissais pas du tout, et je ne me suis pas sentie légitime pour prendre les rennes. Ça impliquait beaucoup de choses, et j’allais avoir trop de responsabilités sur les épaules.
Horsicar, c’est une idée qui faisait écho à mes propres besoins en tant qu’utilisatrice. Je me suis donc naturellement portée vers ce projet en me disant que je ne devais pas être la seule nécessitant une réponse à ce besoin.
Peux-tu nous en dire un peu plus sur la naissance d’Horsicar ?
Comme je le disais, l’idée est venue d’un besoin personnel. J’ai constaté un vrai manque sur le marché concernant la location de véhicules de transports de chevaux. Pour mieux vous expliquer, lorsque l’on est cavalier, on a forcément besoin de déplacer son cheval à un moment. Ce peut être pour différentes occasions : l’achat d’un cheval, aller à une compétition, l’amener à la clinique etc.
A l’époque, mon cheval était en bourgogne et je n’avais pas de loueur à proximité. Le plus proche était à 100km donc si on y ajoute les allers-retours etc… On atteint vite les 400km. Personne n’a envie de faire 400km pour amener son cheval d’un point A à un point B. Du coup, la seule solution qui s’offrait à moi était d’emprunter le véhicule d’amis. Ce n’est pas une situation très confortable parce qu’on ne sait jamais ce qu’il peut se passer ! Vous n’êtes pas couvert par l’assurance, il n’y a pas de cadre juridique, donc il n’y a plus qu’à croiser les doigts pour que tout se passe bien.
Pour éviter tout ça, j’ai fini par acheter mon propre véhicule et je me suis alors retrouvée dans la situation inverse. A cette période, les plateformes comme Airbnb prenaient de l’ampleur sur le marché et je me disais que c’était dommage que ce genre de service n’existe pas pour le transport de chevaux.
C’est en partant de ces constats et des besoins de cavaliers que l’idée d’Horsicar est née. C’est donc une plateforme collaborative qui met en relation les locataires et les propriétaires de véhicules de transports pour chevaux.
La première raison pour laquelle les propriétaires s’inscrivent sur la plateforme c’est pour augmenter leur visibilité. Et le gros point plus pour eux est que nous servons d’intermédiaire avec le locataire. On va alors gérer la location, les éventuels litiges, les paiements etc. Il y a même parfois des propriétaires qui souhaitent louer leur véhicule à des connaissances, mais qui passent par Horsicar. Au moins, ils assurent la sécurité de la transaction.
Concernant le modèle économique, je me suis vraiment calquée sur l’existant comme Airbnb. Je l’ai juste adapté à mon secteur d’activité.
C’est très personnel encore une fois, mais j’adore les incubateurs.
Qu’en est-il de ton passage en incubateur?
Oui ! C’est très personnel encore une fois, mais j’adore les incubateurs. Au départ j’avais assez peur de me retrouver seule. J’ai toujours eu l’habitude de travailler avec du monde et j’appréhendais de tout à coup me retrouver seule confrontée à une page blanche. Ça m’a permis de me jeter à l’eau. Beaucoup d’ateliers étaient organisés, je vivais entourée d’entrepreneurs avec des projets très différents. Je me suis construit un réseau et je me suis aussi beaucoup nourrie de ces rencontres.
As-tu testé ton offre avant de créer l’entreprise ?
Oui ! Avant même de créer ma société, j’ai dû appeler certains prospects. C’est une des meilleures choses que l’on m’ait conseillé de faire. Même si vous n’avez pas la fibre commerciale, il faut oser se lancer et aller au plus proche des utilisateurs.
C’est très personnel, mais j’ai le sentiment que le fait qu’un produit n’existe pas encore le rend d’autant plus attractif. On va contacter le prospect en ayant une approche totalement différente. Je leur expliquais mon projet et je leur posais des questions afin de savoir ce qu’ils en pensaient. Un bon moyen de leur donner de l’importance, établir une relation de confiance avec eux et les ajouter à la base de données.
Lorsque l’on a rien à leur vendre les gens sont tout de suite contents de partager leur expérience. Ça permet également de pouvoir réadapter son projet. On a souvent tendance à se calquer à ce dont nous avons besoin nous en tant qu’individu, mais nous ne représentons qu’une infime partie de la population. Nos clients viennent de milieux très différents. Par exemple, certains vivent dans des zones rurales et n’ont pas accès à internet. Il est donc très difficile de les atteindre et il faut adapter sa façon de communiquer avec eux.
Savoir faire évoluer sa stratégie de communication
Comment as- tu géré la communication auprès de ces différentes cibles ?
Intuitivement, ma première réponse c’est de ne pas essayer de plaire à tout le monde. Au départ, j’essayais d’éduquer mes clients, mais maintenant je n’insiste plus quand je vois que les réticences sont trop importantes. Par exemple, j’ai eu un cas de figure où une cliente a mis son véhicule sur Horsicar et lorsque je l’ai relancée pour le paiement, elle ne voulait pas me communiquer son RIB. Elle a même préféré que je rembourse le locataire. Donc si ces personnes ne donnent jamais leurs coordonnées bancaires, c’est trop compliqué pour moi, petite entreprise, de changer leurs habitudes. En définitive, on ne peut pas toucher tout le monde mais il faut essayer de toucher au mieux sa cible principale.
Concernant la communication, c’est un vrai sujet à l’heure actuelle. On essaye beaucoup de se développer sur Instagram. Sur ce réseau, les followers sont souvent mineurs mais ils peuvent avoir un rôle de prescripteurs. Le problème c’est que tous nos clients ne sont pas forcément sur internet. On va bientôt tenter de lancer une campagne sms, et pourquoi pas envoyer des courriers papiers afin de toucher un maximum de monde.
Comment as-tu fait pour atteindre les 11 000 abonnés sur Instagram ?
Je ne sais pas si c’est bien vu et si on peut toujours le faire, mais au départ je me suis servie d’un robot. On peut le faire manuellement mais ça prend beaucoup de temps. Sur Instagram on stagne vite à 500 abonnés donc j’ai opté pour cette solution afin que le robot suive des comptes dont les centres d’intérêts collaient à mon offre. Ensuite, je triais mes abonnements.
C’est à prendre avec des pincettes parce que l’algorithme d’Instagram évolue très vite, mais ça m’a permis d’atteindre rapidement 2000 abonnés et faire grossir la communauté. Pour faire prendre encore plus d’ampleur au compte, j’ai fait des campagnes d’influence. J’ai contacté des influenceurs entre 20K et 80K dans le milieu de l’équitation à qui j’ai envoyé des équipements. Une fois les produits reçus, ils font des unboxings et leurs abonnés viennent follow Horsicar. C’est vraiment une bonne option pour gagner en notoriété. Ils me fournissent par la même occasion de beaux visuels à exploiter sur Instagram.
Le dernier levier qui fonctionne bien sur Instagram ce sont les stories. Les followers sont tous à l’affût des stories backstages et ça nous rapporte beaucoup d’abonnés et de visibilité.
Qu’en est-il de la concurrence, comment fais-tu pour te démarquer ?
Je n’ai pas énormément de concurrents sur mon marché. Et puis surtout, je pense que pour se différencier de la concurrence tout passe par l’exécution. Pour Horsicar, j’ai beaucoup misé sur l’image de marque. Je voulais que mon entreprise soit à la fois conviviale, proche des clients, et en même temps très sérieuse.
Ce n’est pas toujours évident de retranscrire les valeurs qu’on veut mettre en avant. L’image, c’est quand même la première chose que les clients voient. J’ai aussi misé sur le service client pour me démarquer. Ma volonté d’aider les clients, les accompagner dans la bienveillance.
Bien que ça prenne du temps, je pense que ce sont des éléments qui font la différence. Au bout d’un moment le bouche-à-oreille prend et on nous recommande systématiquement.
Utilises-tu des outils en particulier pour gérer la relation client ?
Oui, j’utilise un CRM qui est un outil dédié à la gestion de la relation client. En l ‘occurrence, je me sers de Hubspot. Je trouve que c’est un outil très complet qui propose énormément de choses, même en version gratuite. Ça peut par exemple me permettre de retracer les discussions que j’ai eu avec mes clients, dès qu’un utilisateur s’enregistre sur Horsicar la base de données s’alimente automatiquement, je peux aussi savoir sur quelles pages navigue un utilisateur en particulier, etc. J’ai aussi ajouté un chatbot sur une des pages du site et je reçois les notifications directement sur mon téléphone pour pouvoir répondre aux questions rapidement. C’est un outil qui m’est très utile notamment pour gérer des litiges clients.
A côté de ça, j’utilise aussi des façons plus classiques de gérer la relation client. Mon email est accessible à tous, et je donne systématiquement mon numéro de téléphone dès qu’un propriétaire s’inscrit sur la plateforme afin de lui souhaiter la bienvenue.
De qui se compose ton équipe ?
J’ai un développeur en freelance qui intervient ponctuellement sur certaines missions. Au départ j’étais assez réticente pour embaucher parce que ça implique beaucoup de choses. J’ai une entreprise à petite échelle que je souhaite rendre pérenne au fur et à mesure. Je n’ai jamais fait de levées de fonds et je n’en ai pas envie. Ça me convient très bien comme ça.
A côté de ça, j’ai deux stagiaires qui sont positionnées sur la communication et le marketing, voire un peu de commercial.
Moi je m’occupe du service client parce que je suis très exigeante sur ce sujet. J’aime beaucoup avoir ce rôle. Ça me permet d’être au cœur des relations client, d’avoir les retours utilisateurs, de nouvelles idées de projet et instaurer par la même occasion un climat de confiance. Je passe aussi beaucoup de temps à accompagner les stagiaires afin de les aiguiller, qu’elles apprennent un maximum, et de pouvoir également parler des projets à venir. J’ai vraiment les mains dans le cambouis ce qui est génial, mais aussi parfois problématique quand il s’agit de prendre de la hauteur.
Par qui es-tu passée pour créer ton site internet ?
Lorsque l’on est une plateforme collaborative, le site internet est un point très important puisque c’est la clé de du business. J’avais plusieurs options qui s’offraient à moi : prendre un freelance, embaucher quelqu’un, passer par une agence. L’embauche n’était pas une option possible pour moi et j’avais peur de travailler avec un freelance en me disant que le site n’allait reposer que sur une personne. Je me suis donc naturellement tournée vers une agence. À l’heure actuelle le site est très bien et j’en suis ravie. Cependant avec du recul j’aurais fait les choses différemment. L’agence avec laquelle je travaillais avait développé ses propres librairies donc le site était très difficilement exploitable par quelqu’un d’autre. Quand j’ai voulu me séparer de cette agence parce qu’ils me coûtaient trop cher en maintenance, ça a été très compliqué. Si je dois donner un petit conseil à ce sujet je dirai : ayez toujours en tête qu’un site va évoluer. Il faut tout le temps le développer, et ça engendre forcément des coûts. Faites aussi très attention à ce qu’il soit facilement modifiable.
Covid-19 et avenir de l’entreprise
Le covid a-t-il impacté ton business ?
Oui, sans grande surprise de façon négative. D’une part il n’y avait plus de déplacement des chevaux, et en plus de ça une maladie hippique s’est développée à cette période. A l’heure actuelle la compétition à un peu repris donc l’activité repart progressivement.
Le point positif c’est que cela m’a permis de prendre du recul et réfléchir à d’autres business potentiels. J’ai même testé des choses comme vendre du textile par exemple, mais toujours dans l’univers du cheval afin de capitaliser autour de la communauté que nous avons construite.
Tu peux nous en dire un peu plus sur ces éventuels projets ?
Alors, j’ai deux projets en tête. Le premier est un besoin que j’ai détecté auprès de mes clients actuels. Il s’agit de créer une plateforme qui sécurise la vente de véhicules d’occasion pour le transport de chevaux. Ça peut passer par la sécurisation du moyen de paiement, le fait d’aller voir des concessionnaires qui certifient que le véhicule est conforme et qu’il n’y a pas de vice caché, etc.
Ma deuxième idée est de me diriger vers le BtoB afin de faire plus de chiffre. Beaucoup d’utilisateurs demandent des conseils pour les orienter vers le choix d’un véhicule de transport pour leurs chevaux. Etant donné que nous avons une belle base utilisateur avec un bon pouvoir d’achat, ça peut être un projet intéressant à mettre en place avec les concessionnaires afin qu’ils conseillent à l’achat.
Concilier entrepreneuriat et vie de famille
Comment concilies-tu ta vie professionnelle et ta vie de maman ?
Aujourd’hui, je serai incapable de retourner dans le salariat
Lorsque j’ai créé l’entreprise, c’est vrai que je n’étais pas encore maman. Je pense que tout dépend de l’objectif de son entreprise. Si ton but est de la revendre au bout de trois ans, tu ne vas pas agir de la même manière que si tu as créé ton entreprise pour améliorer ta qualité de vie et faire quelque chose qui te plaît. Moi, je me situe dans la deuxième catégorie.
Du coup forcément, être enceinte à eu un petit impact sur ma productivité et l’activité d’Horsicar. Cependant, ça demande juste un peu d’organisation. L’avantage lorsque l’on a sa propre entreprise, c’est que l’on peut gérer ses journées comme on l’entend. Je dose à chaque fois en fonction de ce que j’ai envie de faire. Et ça lorsque l’on devient maman, ça n’a pas de prix.
Je dois avouer qu’à la création d’Horsicar, je savais déjà que cette flexibilité allait m’apporter beaucoup. Bon c’est vrai qu’à l’époque, je pensais plutôt au fait de pouvoir voyager tout en travaillant, mais ça colle tout autant avec le fait d’être devenue maman ! Aujourd’hui, je serai incapable de retourner dans le salariat. Rien que pour le confort de pouvoir travailler de la façon qui me convient. Gérer sa société et sa vie de maman c’est faisable, petit à petit on trouve son propre rythme.
Les tips d’Anne-Sophie
Si tu devais nous donner trois conseils, quels seraient-ils ?
Conseil n°1 :
Ne pas conserver son idée de projet confidentielle. Je ne pense pas que ce soit réellement intéressant de faire ça, bien que beaucoup nous le conseillent. En partageant vos idées, les personnes peuvent vous donner leur ressenti, leurs idées. Surtout les personnes qui ne sont pas proches de vous et qui du coup seront plus objectives que votre entourage par exemple.
Très souvent, on a peur de dire notre idée par peur de se la faire “piquer”. Evidemment si vous avez créé un produit qui a nécessité de la R&D et pour lequel vous avez déposé un brecet, peut-être que ce ne serait pas judicieux de le dire à beaucoup de monde. Mais dans le cas d’exposer la simple idée d’un projet, n’hésitez pas.
Conseil n°2 :
Ne pas être obnubilé par son image de marque. Ce n’est pas grave au tout début d’avoir fait fausse route et d’avoir choisi le mauvais logo par exemple. Mieux vaut changer d’image dès le départ si vous en sentez le besoin et que vous n’êtes pas trop connu, plutôt que trop tard.
Conseil n°3 :
Lorsque vous suivez une formation, n’hésitez pas à poser toutes vos questions et vous y mettre à fond. C’est à ce moment-là que vous pourrez profiter de l’expertise de votre coach à 100%.
Etant donné que je suis partie grâce à un plan de départ volontaire, j’ai eu la chance d’avoir un budget de financement pour une formation. J’ai donc opté pour la Formation Growth Hacking. Je n’avais pas encore créé Horsicar à ce moment-là, et la formation m’a beaucoup apporté.
La grosse problématique lorsqu’on lance une plateforme collaborative c’est qu’il faut réussir à faire croître deux communautés en simultané. C’est un gros challenge, d’autant plus qu’à l’époque je ne connaissais rien au milieu de la startup. Cette formation m’a permis d’avoir plein de tips sur le growth, mais également d’appréhender cette culture startup. Et évidemment, ça m’a donné une énergie folle pour créer ma société.