Le recrutement est un gros mot. Une phase risquée pour les startups durant laquelle le droit à l’erreur n’existe pas. Urban Linker, cabinet de recrutement spécialisé dans le digital, accompagne les startups les plus performantes comme Mention, Zenly, ou encore Leetchi dans leur processus de recrutement… Amaury Perrier, responsable Growth/Marketing d’Urban Linker a vu l’évolution des recherches et des techniques de recrutement. S’il ne veut pas annoncer la mort du CV prématurément, il pose la question de sa pertinence dans les métiers du digital, et ses arguments sont solides.
Et si obsolescence des CV était programmée ? La digitalisation de notre monde ne fait qu’accélérer le changement de nos vieilles habitudes et l’outil qui semblait alors indispensable dans tout processus de recrutement n’échappe pas à la règle. Deux raisons majeures me poussent à penser que nous nous orientons vers la mort du CV.
Changement d’état d’esprit
Dans le milieu digital, et j’insiste sur ce point, les entreprises attachent une importance toute particulière aux réalisations et au savoir-faire des candidats. Il est en effet beaucoup plus simple d’identifier et d’évaluer les capacités et le potentiel d’un candidat issu de la sphère digitale que d’un autre secteur. Les réalisations concrètes et projets personnels viennent justifier les compétences : quoi de plus simple que de jeter un œil sur les sites ou applications qu’un développeur ou un designer a conçus ? De manière générale, les recruteurs français ont la réputation (à tort ou à raison) de s’attacher en premier lieu au diplôme, contrairement à leurs homologues américains qui privilégient, eux, les compétences et le savoir-faire du candidat. Soulignons que le « mindset » dont font preuve les recruteurs de l’écosystème digital français (startup en particulier) se rapproche énormément de celui des Américains.
Ce changement de mentalité a pu s’opérer essentiellement via l’apparition de multiples réseaux sociaux. La prolifération des réseaux sociaux professionnels a accompagné l’essor des nouveaux moyens de communiquer tels que Facebook, Twitter, Whatsapp, Snapchat, etc. Dorénavant, chacun peut montrer ce dont il est capable sur la toile. Certaines entreprises vont encore plus loin et ne jugent pas les candidats sur leurs expériences passées. Le recrutement via la gamification connait un élan considérable. En effet, plus besoin de CV ou même de passer d’entretien : les grandes entreprises utilisent des serious games pour dénicher les futures pépites. Orange (Hellopolys), Danone (Trust), L’Oréal (Reveal) ou encore BNP (Ace Master) ont toutes eu recours à ce mode de recrutement. Le but étant là encore de déceler des compétences ou le potentiel des candidats. Dans l’univers web, il devient de plus en plus fréquent de faire appel au jeu pour recruter. On peut ainsi citer les exemples de CodinGame et Battle Dev qui sont deux plateformes destinées aux développeurs et sur lesquelles ils s’affrontent à travers différents jeux de code. Ces derniers diffèrent en fonction des langages maitrisés par les développeurs ; l’objectif étant de terminer premier au scoreboard pour attirer l’œil des entreprises. Ces canaux de recrutement d’un nouveau genre permettent aux entreprises de détecter les meilleurs développeurs par langage web sans passer par la case CV.
Un réseau pour les gouverner tous
Aujourd’hui, le premier réflexe d’un cabinet de recrutement comme Urban Linker ou d’un recruteur évoluant dans le milieu digital consiste à étudier le profil LinkedIn des candidats. La plus grosse CVthèque digitale au monde, grâce aujourd’hui à plus de 467 millions d’utilisateurs, une expérience utilisateur efficace et un design soigné. Si vous travaillez dans le web ou souhaitez travailler dans ce secteur, il est impossible de passer à côté. Pour un grand nombre d’entreprises digitales, ce réseau social professionnel fait office de CV. Il facilite grandement la partie sourcing candidats pour les entreprises qui embauchent. À la différence des CV dont le format peut varier en fonction de la créativité de chacun (ce qui peut totalement jouer sur l’attention du recruteur), LinkedIn propose un format homogène et donc moins discriminatoire. Le recruteur sait où chercher les informations principales puisque chaque profil possède une structure identique. LinkedIn est devenu incontournable, à tel point que d’autres réseaux sociaux professionnels se greffent à celui-ci. La possibilité d’insérer des liens redirigeant vers les réalisations des candidats (sites internet, applications, design, articles, etc.) ou autres réseaux sociaux est un vrai plus. Cela enrichit les profils. Les candidats tirent eux aussi avantage de cette digitalisation des CV. En effet, chaque personne qui possède un compte LinkedIn peut consulter le profil professionnel de n’importe quel autre membre. En d’autres termes, le candidat peut se renseigner sur la/les personne(s) qui va/vont lui faire passer l’entretien d’embauche. Ces renseignements pris en amont l’aideront évidemment à arriver mieux préparé en entretien et à envisager un discours mieux calibré en fonction du parcours de l’interlocuteur.
Aussi, les recommandations sur LinkedIn (on parle ici des recommandations rédigées par un tiers et non des recommandations de compétences en un clic) sont mises en avant contrairement aux CV où figurent seulement les noms des personnes à contacter comme références. Vous pouvez juger de la pertinence et de la véracité de celles-ci sur LinkedIn en un coup d’œil : il suffit de voir le lien hiérarchique entre la personne qui donne et celle qui reçoit la recommandation. En somme, LinkedIn semble avoir supplanté le CV traditionnel, au moins dans le secteur du digital.
L’expert
Amaury Perrier. Responsable Marketing/Growth depuis plus de deux ans chez Urban Linker, il utilise les techniques de growth hacking pour dénicher les meilleurs profils tech français pour des tops start-ups.
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